Otan : Le président turc s’en prend vivement à Emmanuel Macron; L’Élysée dénonce des « insultes »

Il est de plus en plus probable de voir le prochain sommet de l’Otan, qui se tiendra les 3 et 4 décembre à Londres, tourner au réglement de comptes entre alliés. Ainsi, déjà critiquée pour son rapprochement avec la Russie [ce qui lui a coûté sa participation au programme d’avion de combat F-35], la Turquie sera au centre de toutes les attentions. Surtout après les déclarations que vient de faire son président, Recep Tayyip Erdogan, au sujet d’Emmanuel Macron, son homologue français.

Pour rappel, dans un entretien à l’hebdomadaire britannique The Economist, le président français avait dénoncé les décisions prises sans la moindre concertation par les États-Unis au sujet du nord de la Syrie ainsi que l’offensive turque contre les milices kurdes syriennes [YPG], partenaires de la coalition anti-jihadiste dans le combat contre l’organisation terroriste État islamique [EI ou Daesh].

En outre, pour compléter le tableau, certains groupes armés syriens qui apportent leur appui à la Turquie pour instaurer une zone de sécurité dans le nord-est de la Syrie ont pu être proches de l’EI par le passé. Ce qui fait que ce dernier a pu profiter de ces derniers développements, comme l’a souligné un récent rapport de l’inspection générale du Pentagone.

Aussi, dans son entretien donné à The Economist, M. Macron avait estimé que l’Otan se trouvait en « état de mort cérébrale », avant d’en appeler à un renforcement de l’autonomie stratégique et militaire de l’Europe. Et, recevant Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’Alliance atlantique, le 28 novembre, il a de nouveau reproché à la Turquie d’avoir mis les « alliés devant le fait accompli d’une intervention militaire qui met en péril l’action de la coalition contre Daesh. »

Mais ces propos n’ont pas été du goût du président Erdogan. Déjà, le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, avait lancé une première pique en affirmant que M. Macron était « déjà le parrain d’une organisation terroriste qu’il reçoit constamment à l’Élysée. » Et d’ajouter : « S’il dit que son allié est l’organisation terroriste […] il n’y a vraiment rien à ajouter. »

Le ministre turc faisait référence aux Forces démocratiques syriennes [FDS], dont les YPG, considérées comme terroristes par Ankara, constituent le gros des troupes.

« Que Macron n’oublie pas […], la Turquie est elle aussi membre de l’Otan. Qu’il se tienne aux côtés de ses alliés », avait encore affirmé M. Cavusoglu, oubliant, sans doute, les attentats du 13 novembre 2015, à Paris.

Mais M. Erdogan est allé encore beaucoup plus loin, ce 29 novembre, lors d’un discours prononcé à Istanbul. « Je m’adresse depuis la Turquie au président français Emmanuel Macron, et je le redirai à l’Otan. Fais d’abord examiner ta propre mort cérébral », a-t-il lancé. « Ces déclarations ne siéent qu’à ceux dans ton genre qui sont en état de mort cérébrale », a-t-il insisté.

Mais le président turc ne faisait commencer sa diatribe. « Qu’as-tu à faire en Syrie, toi ? Moi, j’ai le droit d’y entrer pour lutter contre le terrorisme. Mais toi, qu’as-tu à y faire? », a-t-il continué. « Personne ne fait attention à toi. Tu as encore un côté amateur, commence par remédier à cela. […] Lorsqu’il s’agit de fanfaronner, tu sais très bien le faire. Mais lorsqu’il s’agit de verser à l’Otan l’argent que tu lui dois, c’est autre chose. […] Il est tellement inexpérimenté ! Il ne sait pas ce qu’est la lutte antiterroriste, c’est pour cela que les gilets jaunes ont envahi la France », a-t-il dit, allant crescendo dans l’outrance.

L’Élysée a vivement réagi aux déclaration du président turc. « Ce ne sont pas des déclarations, ce sont des insultes », s’est insurgée la présidence française, qui a dit attendre du « président Erdogan qu’il clarifie les choses. » Et l’ambassadeur turc a été convoqué illico au Quai d’Orsay.

Lors de son entretien à The Economist, « le président de la République a posé les termes d’un débat qui nécessite des réponses de chacun des alliés, mais peut-être plus particulièrement de la Turquie », a rappelé l’Élysée. Et d’insister : « Il y a cette question de l’opération turque en Syrie et de ses conséquences, la résurgence possible de Daesh […] mais il y en a d’autres encore sur lesquelles ce sont des réponses sur le fond qu’il nous faut ».

On verra si M. Erdogan osera répéter ses propos en face de M. Macron la semaine prochaine. Les deux hommes doivent en effet se recontrer en marge du sommet de l’Otan pour évoquer le dossier syrien. Le Premier ministre britannique, Boris Johnson, et la chancelière allemande, Angela Merkel, participeront à cette réunion. À moins qu’il ne soit décidé de l’annuler, au regard de la tournure que prennent les relations franco-turques.

Cela étant, en janvier 2018, MM. Macron et Erdogan avait déjà eu l’occasion d’avoir un face-à-face tendu, à l’occasion d’une visite du second à Paris. À l’époque, l’Élysée avait usé d’une formule consacré en parlant d’un « dialogue franc et direct. »

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