La France prend la tête de TWISTER, un ambitieux projet européen de système de défense antimissile

Le 12 novembre, 13 nouveaux projets à vocation militaire ont été retenus par le Conseil de l’Union européenne au titre de la Coopération structurée permanente [CSP ou PESCO], pouvant bénéficier, à terme, d’un financement du Fonds européen de défense [FEDef] qui, doté de 13 milliards d’euros, remplacera l’actuel PEDID [Programme européen de développement de l’industrie de Défense ] à partir de 2021.

Au total, 47 projets ont été approuvés depuis 2017. Et 60% d’entre eux auront des conséquences potentielles pour les forces françaises dans la mesure où la France participera à leur développement. Ainsi en est-il, par exemple, de ceux visant à developper une nouvelle classe de corvettes [EPC], un robot militaire terrestre [MUGS] ou encore un système de drone anti-sous-marin [Maritime Unmanned Anti-Submarine].

Mais l’un des projets capacitaires le plus ambitieux est probablement celui appelé « TWISTER », pour « Timely Warning and Interception with Space-based TheatER surveillance ». Conduit par la France, il vise à développer un système anti-missile qui, reposant notamment sur un intercepteur multi-rôle européen endo-atmosphérique, devra permettre de contrer les menaces émergentes.

La Finlande, les Pays-Bas, l’Espagne et l’Italie [qui a développé avec la France le système air-sol moyenne portée terrestre – SAMP/T] participent à ce programme.

« Venant combler une lacune capacitaire, la composante intercepteur du projet TWISTER constituera à terme un élément central de la contribution des États européens à la mission de défense des populations et des forces assurée par l’OTAN, tout en répondant au niveau d’ambition de l’Union Européenne dans le domaine de la défense antimissile », a réagi le missilier MBDA.

Concrètement, ce système anti-missile sera conçu de telle manière qu’il permettra d’intercepter des missiles balistiques manœuvrant de portée intermédiaire, des missiles de croisières hypersoniques ou haut-supersoniques, des planeurs hypersoniques, des missiles antinavires et des avions de combat de nouvelle génération [furtifs, donc…].

Avec la modernisation des systèmes de navigation et de guidage des missiles balistiques qui fait que ces derniers vont gagner en manoeuvrabilité [et donc en précision] et l’apparition d’armes hypersoniques [notamment en Russie et en Chine], l’évolution des menaces balistiques, la mise au point d’intercepteurs endo-atmosphériques devient une nécessité.

Cepandant, cela suppose de relever un certain nombre de défis technologiques. « Intercepter un engin manœuvrant très véloce implique que l’intercepteur puisse lui-même manœuvrer et opérer à grande vitesse ou qu’il puisse opérer là où la cible dispose d’une capacité de manœuvre réduite, au-delà de 30 à 40 km d’altitude », souligne ainsi une étude récente de la Fondation pour la recherche stratégique [FRS].

Et, d’après cette dernière, cela supposerait de développer des intercepteurs « propulsés par super-statoréacteur » afin de pouvoir « anticiper des vitesses et des portées d’interception très élevées. » Seulement, des questions relatives à la gestion de la propulsion et au domaine de vol devront trouver des réponses [par exemple, la raréfaction de l’oxygène à 30 km d’altitude fait baisser le rendement de la propulsion, ndlr].

« Seul l’ajout d’une propulsion secondaire anaérobie permet de surmonter ces limites pour porter les altitudes d’interception là où la cible est peu manœuvrante, au prix d’un alourdissement significatif de l’intercepteur et d’une dégradation de ses performances », estime la note de la FRS.

Mais ce n’est là qu’un avant-goût. S’il s’agit de développer un statoréacteur de haute-performance, alors il faudra se pencher sur les matériaux, les propergols ainsi que sur le système de guidage et de navigation [en ayant probablement recours, sur ce dernier point, à l’intelligence artificielle]. Cependant, le projet de planeur hypersonique V-MAX, que conduit actuellement la Direction générale de l’armement [DGA], devrait permettre de trouver des solutions étant donné que les problématiques sont proches. « Les axes de recherche portent notamment sur les carbures de silicium, qui offrent des performances thermiques et structurelles avantageuses pour des coûts acceptables », avance la FRS.

Quoi qu’il en soit, « MBDA accueille avec enthousiasme la décision que vient de prendre le Conseil et mettra toute son énergie et sa riche expérience dans la défense antimissile dans les futures collaborations industrielles et transnationales pour les activités de R&T et R&D », s’est félicité Éric Béranger, le Pdg du missilier européen.

« Ce projet d’intercepteur de nouvelle génération représente une opportunité unique pour les Européens de faire converger leurs efforts dans le domaine des antimissiles et de reconquérir leur souveraineté dans un domaine essentiel pour leur autonomie stratégique. Ces intercepteurs de haut de gamme sont les missiles les plus exigeants en termes de technologies et leur mise au point fera faire à l’ensemble du secteur des missiles en Europe un saut qualitatif », a-t-il fait valoir.

Pour rappel, MBDA est également concerné par un autre projet retenu au titre de la CSP, à savoir le programme Beyond Line Of Sight [BLOS – en français TAVD Tir Au-delà de la Vue Directe], basé sur son Missile Moyenne Portée [MMP].

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