Entre 15 et 20 gendarmes sont actuellement sous surveillance pour radicalisation

Le 3 octobre, Mickaël Harpon, alors employé par le service informatique de la Direction du renseignement de la préfecture de police de Paris [DRPP], a tué quatre de ses collègues à l’arme blanche, avant d’être abattu par un jeune fonctionnaire de police.

L’enquête, conduite sous l’autorité du Parquet national antiterroriste [PNAT], a montré que cet individu, converti à l’islam depuis une dizaine d’année, s’était radicalisé au point de justifier l’attentat contre Charlie Hebdo. Pourtant, son comportement n’avait pas été signalé, alors même qu’il travaillait au sein d’un service de renseignement.

Depuis, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, a été invité à s’expliquer sur ce dysfonctionnement majeur lors d’auditions parlementaires. Et le Premier ministre, Édouard Philippe, a aisi l’inspection des services de renseignement pour lui confier deux missions.

La première concernera la DRPP et visera à examiner les procédures qu’elle avait mise en place pour détecter d’éventuels signes de radicalisation parmi ses agents. La seconde aura une portée plus générale puisqu’elle visera à s’assurer que tous les signalements de cas de radicalisation dans l’ensemble des services de renseignement ont bien été pris en compte et traités.

C’est dans ce contexte que le Directeur de la gendarmerie nationale [DGGN], le général Richard Lizurey, qui fera ses adieux aux armes le 15 octobre, a été interrogé sur les cas de radicalisation parmi les gendarmes, lors d’une audition au Sénat.

« Nous avons mis en place, depuis 2013, un système d’identification des signaux faibles, qui s’est amélioré et qui a évolué en 2015, à la suite d’un incident important », a rappelé le général Lizurey aux sénateurs, en faisant référence, sans doute, au cas d’une femme gendarme qui, affectée au Centre national de formation au renseignement opérationnel, avait donné des informations à son compagnon, un proche d’Amédy Coulibaly, l’auteur de la prise d’otages de l’Hyper Cacher, en janvier 2015.

Ainsi, a expliqué le DGGN, les signaux faibles de radicalisation ou de changement de comportement, quand ils sont détectés au sein d’un groupement ou d’une compagnie de gendarmerie, « remontent » vers le bureau de lutte anti-terroriste [BLAT]. « Toutes les semaines, un travail mené sous la responsabilité de mon chef de cabinet permet de lister les sujets et les cas individuels », a-t-il précisé.

Pour rappel, depuis que la Gendarmerie a quitté le giron du ministère des Armées pour celui de l’Intérieur, le suivi des éventuels cas de radicalisation [ou d’ingérence] ne relève plus de la Direction du Renseignement et de la Sécurité de la Défense [DRSD, ex-DPSD] mais du BLAT.

« Le suivi est réalisé en lien avec les services de renseignement, et notamment la DGSI. La détection est facilitée par la vie en caserne. Le nombre de personnes faisant l’objet d’un suivi est, d’après la direction générale de la gendarmerie nationale, extrêmement faible [à mettre en relation avec l’effectif total d’environ 130 000 gendarmes, dont 100 000 gendarmes d’active et 30 000 réservistes] », avait souligné un rapport parlementaire publié en juin par les députés Éric Diard et Éric Poulliat, au sujet justement de la radicalisation au sein des services publics.

« Nous avons à peu près une vingtaine de cas individuels qui sont en cours de traitement », a indiqué le général Lizurey lors de son audition au Sénat. Tous ne concernent pas la seule mouvance islamiste. « Nous avons aussi des cas d’extrême-droite, qui sont traités de manière spécifique », a-t-il confié.

Cependant, ce 14 octobre, sur le plateau de la chaîne de télévision CNEWS, le général Lizurey n’a évoqué qu’une « quinzaine de cas » de gendarmes faisant l’objet d’une surveillance en raison d’une suspicion de radicalisation. Certains « savent qu’ils sont surveillés, d’autres pas », a-t-il précisé

Quoi qu’il en soit, le DGGN a confirmé le chiffre qu’il avait déjà livré aux sénateurs. À savoir que, depuis 2013, une vingtaine de gendarmes et de candidats à un engagement au sein de la Gendarmerie ont « été accompagnés vers d’autres horizons professionnels » parce qu’il a été estimé qu’ils « n’avaient pas forcément leur place chez nous », a-t-il expliqué, tout en soulignant que, toutefois, « aucun système n’offre une garantie absolue ».

Selon le rapport des députés Diard et Poulliat, pour écarter des gendarmes radicalisés, la Gendarmerie « dispose d’un arsenal juridique qui lui paraît aujourd’hui suffisant, allant du non-renouvellement de contrat à la radiation des cadres [après consultation d’un conseil d’enquête], en passant par les différentes sanctions disciplinaires existantes » ainsi que, « comme les autres forces armées, de la procédure, non disciplinaire, de sortie du service [radiation des cadres ou résiliation de contrat] prévue par l’article L. 4139-15-1 du code de la défense, lorsque ‘le comportement [du] militaire est devenu incompatible avec l’exercice de ses fonctions eu égard à la menace grave qu’il fait peser sur la sécurité publique' ».

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