Washington envisage de sortir d’un traité autorisant la surveillance des mouvements militaires des pays signataires

Après avoir dénoncé le Traité sur les forces nucléainres intermédiaires [FNI] au motif que la Russie en avait violé les dispositions en déployant un missile interdit [le Novator « 9M729 », en l’occurrence], l’administration Trump envisagerait d’en faire de même avec un autre texte négocié et signé à la fin de la Guerre Froide.

En 1992, à Helsinki, 34 pays membres de l’Otan et de l’ex-Pacte de Varsovie adoptèrent le traité dit « Open Skies », lequel autorise des vols d’observation non armés au dessus du territoire des signataires, afin de surveiller les éventuels mouvements militaires des uns et des autres. Ce texte est entré en vigueur 2002, après sa ratification par le Parlement russe.

Concrètement, chaque signataire doit accepter un certain nombre de survols de son territoire à des fins d’observation [on parle alors de quota passif]. En échange, il peut effectuer autant de vols qu’il en a reçus [quota actif], à la condition d’adresser un préavis de 72 heures aux autorités du pays concerné.

Outre le fait que ce traité permet de renforcer la confiance mutuelle entre les signataires, il peut aussi être utilisé à des fins plus politiques. Ainsi, par exemple, les États-Unis envoyèrent l’un de leurs deux avions OC-135B « Open Skies » survoler l’Ukraine afin de marquer leur soutien à Kiev après l’arraisonnement de navires ukrainiens par la garde-côtière russe dans le détroit de Kertch, en novembre 2018.

Seulement, selon CNN, qui cite un responsable américain, l’administration Trump a l’intention de dénoncer ce traité au motif que la Russie aurait manqué, là aussi, à ses obligations, notamment en restreignant les vols au-dessus de l’enclave – fortement militarisée – de Kaliningrad. Une annonce en ce sens devrait bientôt être faite.

« [Le président russe] Vladimir Poutine a violé le traité ‘Ciel ouvert’ pendant dans des années en continuer à bénéficier de vols de surveillance au-dessus des États-Unis. Le président [Trump] devrait s’en retirer et redéployer les centaines de millions de dollars que le Pentagone gaspille en vols d’observation pour accroître les capacités de combat des États-Unis », a par ailleurs résumé Tom Cotton, un sénateur républicain.

Cependant, des élus démocrates s’inquiétent du projet de M. Trump. Et cela d’autant plus que, pour le moment, Washington n’a nullement consulté ses alliés au sujet de ses intentions.

« Le retrait du Traité Ciel ouvert, un important accord multilatéral sur la maîtrise des armements, serait un cadeau supplémentaire de l’administration Trump à Poutine », ont ainsi estimé les sénateurs démocrates Bob Menendez et Jack Reed, ainsi que les représentants Eliot Engel et Adam Smith, dans un courrier [.pdf] adressé au chef du Pentagone, Mark Esper, et à Mike Pompeo, le secrétaire d’État.

« Non seulement il n’y a aucune raison de s’en retirer pour des raisons de sécurité nationale et il n’y a eu aucune consultation du Congrès ou de nos alliés au sujet de cette décision », affirment les parlementaires démocrates.

De son côté, un porte-parole du Pentagone a expliqué que la Russie n’avait pas respecté ce traité par le passé et que, en conséquense, les États-Unis avaient imposé des mesures [de restriction] lors du survol par les Russes du territoire américain [en 2017, ndlr]. « Nous continuerons à travailler avec nos partenaires pour faire pression sur la Russie afin qu’elle respecte le traité », a-t-il assuré.

Paradoxalement, les élus démocrates qui ont dénoncé le projet de l’administration Trump ont indirectement reçu le soutien de l’ambassade de Russie à Washington. « Nous considérons que le Traité Open Skies est un instrument important pour assurer la sécurité européenne au même niveau que le document de Vienne de 2011 sur les mesures de confiance et de sécurité », a-t-elle plaidé.

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