Fruit d’un programme mené tambour battant, le Mirage IVA prenait son envol il y a soixante ans

C’était sans doute l’un des plus beaux avions militaires produits par l’industrie aéronautique française : il y a 60 ans [le 17 juin 1959 exactement], le Mirage IVA-01 prenait son avec le pilote d’essais Roland Glavany aux commandes.

« J’effectuai le premier vol à Villaroche le 17 juin 1959 avec Jean Robert comme ingénieur d’essais. Les deux premiers vols furent si parfaits que nous fûmes autorisés par les services officiels à effectuer un passage au-dessus du Salon de l’aéronautique du Bourget, en présence du général de Gaulle, le 20 juin 1959. Le prototype n’en était qu’à son troisième vol! », racontera Roland Glavany dans ses mémoires [« DU BATAILLON DE CHOC AU MIRAGE« ].

La conception du Mirage IVA aura été réalisé en un temps record, malgré les nombreux défis qu’elle imposait. Les premières études portant sur la mise au point d’un nouveau bombardier capable d’emporter une bombe nucléaire furent lancées en 1957. Et, trois mois plus tard, les caractéristiques de l’appareil furent approuvées le ministère des Armées.

Dans les grandes lignes, il fallait un avion pouvant être en mesure de pénétrer les défenses aériennes de l’adversaire [et celles de l’Union soviétique étaient considérées comme étant les meilleurs du monde]. Pour cela, il fallait donc à cet appareil pouvoir « tenir » Mach 2 pendant un certain temps. Plus que pour le Mirage III qui ne pouvait soutenir une telle vitesse que pendant quelques minutes. Ce qui jouait sur la structure externe et les équipements de l’appareil ainsi que sur ses fluides internes [pétrole, liquide hydraulique, etc].

« Les écarts de températures au cours des phases d’accélération ou de décélération rapides provoquent des contraintes qui doivent être prises en compte pour le dimensionnement », explique d’ailleurs Dassault Aviation. Même s’il partage la ligne « générale » du Mirage III, le Mirage IVA est deux fois plus imposant.

En réalité, cet appareil devait préparer le terrain au Mirage IVB, prévu pour être encore deux fois plus grand que le Mirage IVA, avec quatre réacteurs, une surface alaire de 130 m², une longueur de 28 m pour une envergure de 16 m et une masse maximale de 57 tonnes! Seulement, étant donné que la France aurait dû dépendre d’une licence étrangère pour la propulsion de se bombardier géant et que les coûts allaient vite devenir prohibitif, ce programme fut abandonné, même si trois exemplaires de présérie avaient déjà été commandés à Dassault Aviation.

C’est donc ainsi que le Mirage IVA deviendra le fer de lance des Forces aériennes stratégiques [FAS], qui créées en 1964, seront également dotées d’avions ravitailleurs C-135FR d’origine américaine. Mais avant, les prototypes de cet appareil engrangèrent les records de vitesse internationaux, avec 1.822 km/h sur 1 000 km en circuit fermé, puis 1.972 km/h sur 500 km.

« Le déroulement du programme Mirage IV peut à tous égards être considéré comme exemplaire. Les défis techniques ont été résolus que ce soit pour la cellule, les moteurs ou les équipements électroniques. Les performances de vitesse, d’altitude et de rayon d’action ont été conformes aux exigences des clauses techniques. Les qualités de vol ont été considérées comme exceptionnelles par les pilotes utilisateurs. La précision globale du système de navigation et de bombardement a été démontrée conforme à la valeur demandée. Les dates annoncées pour l’aboutissement du programme, dès 1958, souvent considérées comme utopiques ont été respectées », expliquera Jean Cabrière, ancien directeur technique de la Générale aéronautique Marcel Dassault.

Outre le Mirage IVA-01, trois autres prototypes serviront aux essas en vol : le IVA-02 pour régler les détails concernant la cellule et d’aérodynamique, le IVA-03 destiné au CEAM de Brétigny et donc à l’armée de l’Air ainsi que le IVA-04, doté des réacteurs définitifs ATAR 9K et très proche de la version de série, pour les essais dy système d’arme complet.

Les avancées technologiques du Mirage IVA sont nombreuses : commandes de vol électriques mono-chaîne [sur le gauchissement et la profondeur] en mode de pilotage normal, usage du titane pour les principaux ensembles mécaniques et les servocommandes hydrauliques, intégration de nouveaux matériaux pour l’étanchéité et les circuits internes pour soutenir Mach 2, pièces mécaniques de grande dimension fraisées dans la masse, etc. Et ces progrès serviront à un programme civil : le Concorde.

Mis en oeuvre par un pilote et un navigateur, le Mirage IVA peut alors voler à la vitesse maximale de Mach 2,2, à l’altitude de 59.000 pieds [18.000 mètres]. Le tout avec une vitesse ascensionnelle de 12.588 m/min et un rayon d’action allant jusqu’à 4.000 km avec réservoirs externes. Pour décoller des pistes courtes, il lui est alors fixé 12 fusées d’appoint JATO [Jet Assisted Take-Off], censées lui fournir 5.000 kg de poussée supplémentaire.

Ravitaillable en vol, le Mirage IVA est équipé d’une suite de guerre électronique, avec les brouilleurs « Agacette » [remplacés plus tard par le « Mygale » et l' »Agasol »], des lance-leures électromagnétiques et infrarouge.

Entre le premier vol et la mise en service de cet avion, il sera passé environ cinq ans… En effet, le premier escadron doté de Mirage IVA et de la bombe nucléaire AN-11 de 40 kt [puis AN-21/22 de 70 kt] sera déclaré opérationnel en octobre 1964…

Au total, 62 exemplaires du Mirage IVA furent assemblées, pour un coût total de 2,8 milliards de francs. Ce programme a mobilisé 300 entreprises, fédérées autour de Dassault Aviation.

Après avoir été modernisé, dans les années 1980, pour lui permetre notamment d’emporter le missile de croisière nucléaire ASMP, le Mirage IV commencera être progressivement retiré du service, à mesure de l’arrivée du Mirage 2000N. Les derniers exemplaires seront reconvertis en appareils de reconnaissance. Ces derniers participeront ainsi à l’opération Heraclès [Afghanistan, 2001-2002] puis à l’opération Tarpan [février/mars 2003], qui consista à mener des missions au-dessus de l’Irak pour le compte des Nations unies.

En 2005, le Mirage IV fut retiré définitivement du service, avec la mise en sommeil de l’escadron 1/91 Gascogne. En 41 ans de carrière, malheureusement émaillée par des accidents [au moins 9, dont celui du Mirage IVA-001, en 1963], cet appareil aura effectué près de 340.000 heures de vol, avec une disponibilité technique supérieure à 80% au moment de son retrait.

Photo 1 : (c) Jean Bouvier/ECPAD/Défense

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