Les États-Unis mettent en garde l’Iran contre ses activités en Irak

La semaine passée, des heurts ont éclaté dans la province pétrolière de Bassorah [sud-est de l’Irak], sur fond de tensions sociales. Estimant ne pas profiter de juteuses recettes tirées de l’exploitation de pétrole, plusieurs centaines de manifestants ont exigé de meilleurs services publics (au moins 20.000 personnes ont été hospitalisées, en août, après avoir bu de l’eau polluée puisée dans Chatt al-Arab) et des mesures pour lutter contre le chômage.

Lors de ces troubles, qui ont coûté la vie à une douzaine de manifestants, plusieurs symboles du pouvoir, accusé d’être corrompu, ont été saccagés, de même que les locaux de partis et groupes armés chiites, pour la plupart proches de Téhéran. Et le consulat iranien a même été incendié.

Était-ce une façon de dénoncer l’influence grandissante de Téhéran dans les affaires irakiennes? Sans doute. Toujours est-il que les autorités iraniennes ont dénoncé un « complot destiné à détruire les relations d’amitié » entre les deux pays. En tout cas, cela n’a pas empêché l’inauguration, quatre jours plus tard, des nouveaux locaux du consulat d’Iran à Bassora…

Cela étant, ces évènements ont paradoxement renforcé le camp pro-iran sur la scène politique irakienne. Ainsi, Moqtada Sadr, dont la liste « La Marche pour les réformes » arriva en tête lors des dernières élection législatives, organisées en mai, a rompu l’alliance qu’il avait formée avec Haider al-Abadi, l’actuel Premier ministre, perçu comme étant « pro-Occident. »

Par la suite, Moqtada Sadr s’est rapproché avecle bloc « pro-Iran », emmené par Hadi al-Ameri, ce qui permettrait à ce dernier de former un gouvernement.

Qui plus est, le grand ayatollah Ali Sistani, le chef spirituel de la grande majorité des chiites d’Irak, a donné le sentiment qu’il ne voulait plus de M. al-Abadi comme Premier ministre, affirmant que « le futur gouvernement soit différent de ceux qui l’ont précédé ». Pour Qaïs al-Khazali, chef du groupe armé Assaïb Ahl al-Haq, ce serait « le coup de grâce pour le plan américain ».

Justement, pendant que les manifestants incendiaient le consulat iranien à Bassorah, ils ont aussi assiégé celui des États-Unis. Et, à Bagada, au moins trois obus ont été tirés en direction de la très sécurisée zone verte, où siègent le gouvernement irakien irakiennes et l’ambassade américaine. Les auteurs de cette attaque n’ont, à ce jour, pas été identifiés.

Alors que Téhéran a confirmé avoir lancé des missiles balistiques contre des position occupées dans le Kurdistan irakien par le Parti démocratique du Kurdistan d’Iran et qu’il a été rapporté que la milice chiite irakienne Kataëb Hezbollah disposait de tels engins via la force al-Qods, l’unité d’élite des Gardions de la révolution, les États-Unis ont adressé une nouvelle mise en garde aux autorités irakiennes.

« Ces derniers jours, nous avons assisté à des attaques dangereuses en Irak en particulier contre le consulat des États-Unis à Bassorah et contre le complexe qui abrite l’ambassade américaine à Bagdad », a commencé par rappeler la Maison Blanche, via un commniqué publié dans la soirée du 11 septembre. « L’Iran n’a rien fait pour arrêter ces attaques menées par ceux (…) que ce pays soutient grâce à des fonds, de l’entraînement et des armes », poursuit l’exécutif américain.

Aussi, a prévenu ce dernier, les « États-Unis tiendront le régime de Téhéran pour responsable de toute attaque dans laquelle nos équipes seraient touchés ou les bâtiments du gouvernement américain seraient endommagés » et « répondront de manière rapide et décisive pour défendre les vies américaines. »

Chef « sortant » de l’US CENTCOM, le commandement militaire américain pour l’Asie centrale et le Moyen-Orient, le général Joseph Votel a donné dans la même veine, ce 12 septembre, lors d’une réunion, au Koweït, avec des responsables militaires venus des pays arabes de la région.

« Nos priorités au CENTCOM n’ont pas changé », a dit le général Votel. C’est à dire qu’elles visent à « enrayer » les menaces posées par les « organisations extrémistes violentes » et les « actions déstabilisatrices de l’Iran. »

Aussi, a-t-il fait valoir, et alors que le Qatar est brouillé avec ses voisins depuis juin 2017 en raison de ses relations avec l’Iran, il « est impératif que nous améliorons et intégrons nos capacités, cela dans nos intérêts mutuels nationaux de sécurité. » Et d’ajouter, sans plus de précisions : « En tant que militaires professionnels, nous devons nous élever au-dessus de tous les autres aspects [notamment politiques, ndlr], […] farre face aux menaces ensemble » et tout faire pour éviter d’annuler des conférences de planification et des exercices militaires multilatéraux. »

Fin août, le chef du Pentagone, James Mattis, avait qualifié l’Iran de « plus grand élément déstabilisateur » au Moyen-Orient, tout en prenant soin de faire la distinction entre « le régime iranien et le peuple iranien. »

Si l’on prend le cas de l’Irak, la réponse à la menace incarnée par l’État islamique (EI ou Daesh) n’est pas seulement militaire ou sécuritaire : elle est également politique, c’est à dire qu’elle dépend de la façon dont seront traitées les communautés sunnites par le pouvoir chiite. Si ce dernier est fortement influencé par Téhéran (pour en pas dire inféodé), alors il est à craindre que, les mêmes causes produisant les mêmes effets, le terreau qui a permis l’émergence puis l’expansion de l’organisation jihadiste soit toujours présent.

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