Amiral Prazuck : L’amélioration des conditions d’exercice du métier de marin est un « enjeu existentiel » pour la Marine

Le projet de Loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025, actuellement examiné par le Parlement, prévoit la création de 6.000 postes supplémentaires au sein du ministère des Armées. Sachant que la moitié profitera au renseignement et à la cyberdéfense, le reste se partagera entre le soutien aux exportations, les coopérations internationales et européennes et les unités opérationnelles (à hauteur de 1.850 postes). Cela sera-t-il suffisant, compte-tenu des besoins exprimés notamment par les aviateurs et les marins?

En tout cas, pour le chef d’état-major de la Marine nationale (CEMM), l’amiral Christophe Prazuck, le dossier des ressources humaines est en haut de la pile. Et la future LPM devrait répondre à ses attentes dans ce domaine.

« Les augmentations de personnel prévues dans la LPM permettront-elles de retrouver une marge de manœuvre? Je le pense, compte tenu du renouvellement des équipements. Des augmentations d’effectifs permettront de combler certains déficits », a en effet estimé le CEMM lors de sa dernière audition devant les députés de la commission de la Défense nationale. Au passage, il a également confirmé que la réduction des équipages est allée trop loin, ce qui n’est pas sans conséquence sur le rythme de travail des marins.

D’ailleurs, a-t-il dit, « je constate que je dois améliorer les conditions d’exercice du métier de marin » car « c’est un enjeu existentiel pour la marine. » À telle enseigne que « les autres marines européennes sont en très grande difficulté sur le sujet. »

« J’observe par ailleurs le décalage croissant entre le mode de vie des marins, d’une part, et le mode de vie et les aspirations des jeunes Français et Françaises, d’autre part. J’offre de la rusticité, de l’imprévisibilité et de la rupture numérique : c’est souvent à l’inverse de leurs attentes », a ensuite souligné l’amiral Prazuck.

À partir de ce constat, il faut « prendre des mesures fortes et innovantes, afin de rétablir un équilibre entre vie professionnelle et vie privée », a-t-il dit.

Quatre axes ont été identifiés. Le premier porte sur les compensations des sujétions propres à l’état de marin et de militaire. « Nous avons fait ces deux dernières années un effort ciblé pour compenser l’absence opérationnelle, grâce à des mesures indemnitaires fortes (indemnité de sujétion d’absence du port base, indemnité d’absence cumulée). Je dois poursuivre dans cette voie grâce à d’autres leviers, notamment l’amélioration des conditions de vie à bord », a expliqué l’amiral Prazuck.

Ensuite, le « plan Famille » du ministère des Armées permettra une « meilleure prise en charge du logement, de la mobilité géographique liée aux mutations, de l’accueil de la petite enfance, de l’information des familles et de l’action sociale. »

Le troisième axe consiste à préserver le « modèle de flux ». « Tous les ans, nous embauchons 3 500 marins ; tous les ans, 3 500 marins quittent la marine. Cela permet d’obtenir une moyenne d’âge faible : 35 ans en général, 30 ans sur les bâtiments, 29 ans à bord des sous-marins. Cette moyenne d’âge faible garantit l’efficacité de nos équipages et de nos bâtiments, car naviguer pendant plusieurs mois demande de la forme physique, de la résistance et de la jeunesse », a fait valoir le CEMM.

Seulement, fidéliser des marins pour conserver des compétences rares tout en maintenant une moyenne d’âge peu élevée revient à « agir en même temps sur l’accélérateur et le frein », comme l’a souligné l’amiral Prazuck. « En réalité, tout dépend des contraintes propres à chaque métier et chaque spécialité », a-t-il ajouté, avant de préciser que, actuellement, la Marine manque de sous-mariniers pour ses 10 sous-marins nucléaires (4 SNLE, 6 SNA). « Nous tentons donc de conserver les personnels en place en gagnant une année ou deux avant leur reconversion. Mais dans deux ans, ce sera peut-être une autre catégorie de personnel qui sera concernée », a-t-il indiqué.

Cela étant, la formation peut être un moyen d’atteindre cet objectif paradoxal. « Au cours des deux dernières LPM, le temps de formation a été réduit de l’ordre de 20 % et il y a des domaines où les effets ont été durement ressentis. Nous voulons réinvestir dans la formation, en agissant au stade des écoles mais aussi en réorganisant l’ensemble de la marine », a indiqué le CEMM.

Mais cela ne suffira pas. D’où la « politique de compétences » que l’amiral Prazuck entend mettre en oruvre. « Nous sommes en effet passés d’une marine d’effectifs à une marine de compétences. Je dois donc générer ces dernières, en offrant aux marins nouvellement formés un parcours attractif en termes de rémunération, de progression professionnelle, de perspectives de carrière. Nous y travaillerons particulièrement lorsque sera examinée la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) », a-t-il affirmé.

Photo : Marine nationale

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