Le ministère des Armées appelé à « clarifier » ses relations avec Opale Défense, l’opérateur privé du « Balardgone »

En 2010, un Partenariat public-privé (PPP) fut signé avec le groupement Opale Défense, emmené par Bouygues, pour la construction d’un « Pentagone à la française » à Balard, dans le XVe arrondissement de Paris. L’idée était alors de regrouper toutes les emprises parisiennes du ministère des Armées sur un unique site. Cette opération devait permettre de réaliser des économies substantielles et d’obtenir des recettes exceptionnelles, grâce à la vente des locaux inoccupés.

Le coût global de ce projet était alors évalué à 4,3 milliards d’euros, pour un loyer annuel versé à Opale Défense de 143 millions d’euros sur 30 ans, cette somme comprenant le coût de prestations externalisées (alimentation, informatique, etc). Sauf que, rien ne se passe jamais comme prévu, surtout si l’on se fie à des prévisions un peu trop optimistes.

D’où l’avertissement de la Cour des comptes qui, dans son dernier rapport, indique que ce projet pourrait coûter 1,5 milliard d’euros de plus que prévu, pour s’élever donc à 5,8 milliards.

« L’opération de regroupement à Balard reposait sur l’hypothèse que le coût serait intégralement supporté par le ministère des Armées. Les économies générées par l’opération devaient permettre de financer cette dernière. En cas de dérapage, il s’engageait à couvrir les coûts supplémentaires par redéploiement de ses propres crédits », rappellent les magistrats de la rue Cambon.

Or, ajoutent-ils, « l’analyse financière du contrat de partenariat montre que cette contrainte initiale n’a pas été respectée; le ministère a dû bénéficier de ressources supplémentaires pour équilibrer le plan de financement du contrat ». Aussi, est-il estimé dans le rapport, ce projet « complexe », qui a pourtant été une « réussite opérationnelle », ne « respecte pas sa feuille de route financière. »

Pourtant, le ministère des Armées a su profiter d’une évolution favorable des taux de crédits après 2011, ce qui lui a permis de réaliser « près de 185 millions d’euros (hors taxes) d’économies sur le coût du financement par rapport à l’évaluation initiale de 918 millions d’euros. »

Cependant, cela est loin d’être suffisant. « Si l’on cherche à reconstituer le coût global du regroupement au-delà de celui du seul contrat, il faut également prendre en compte des dépenses connexes. Sans qu’on puisse parler de surcoût par rapport au coût du contrat, le coût global devrait approcher, selon l’estimation de la Cour, 5,8 milliards d’euros », lit-on dans le rapport. Une somme, y est-il précisé, qui « ne ne prend pas en compte les gains effectués sur les opérations de refinancement. »

Plusieurs éléments expliquent cette situation. D’abord, les dérapages liés aux coûts de construction, « restés relativement contenus et inférieurs à 7% du coût total des investissements ». Puis « le surcoût de 990 millions d’euros résultant du soutien conservé en régie et un montant de 355 millions d’euros correspondant à des investissements supplémentaires », indique la Cour des comptes.

En outre, des dépenses auraient sans doute pu être évitées, comme les 13 millions d’euros payés pour une opération de dépollution alors que le ministère des Armées aurait pu évoquer une garantie de parfait achèvement des travaux. En encore comme ces 90 millions d’euros qu’ont coûtés les demandes de modification lors de la période d’aménagement.

Dans le même temps, les cessions immobilières n’ont pas encore généré toutes les recettes attendues.

Un autre point soulevé par les magistrats est que les économies attendues de fonctionnement et de personnels ne sont pas au rendez-vous.

« Entre 2012 et 2017, le manque de financement au titre des économies de fonctionnement a atteint 18 M€ (7,5 % des ressources attendues). Ce manque résulte d’une évaluation excessive des économies réalisables au moment du plan de financement et des charges afférentes au maintien de troupes à l’ilot Saint-Germain » et « le manque de financement au titre des économies de charges de personnel a atteint 32 M€ (24 % des ressources attendues) », détaille la Cour des comptes, pour qui cela annonce des « difficultés futures » pour le ministère des Armées.

La gestion du « Hexagone Balard » pourrait être améliorée, notent les magistrats. « La sous-direction Balard tend aujourd’hui à effectuer une série de contrôles qui devraient relever de l’opérateur [Opale Défense]. La maîtrise des différents partenaires (dans les domaines de la restauration, de l’entretien, de l’énergie, etc.) nécessite la mobilisation d’un nombre important d’agents du ministère », souligne en effet leur rapport.

Qui plus est, des aspects du contrat avec Opale Défense n’ont pas été respectés. Alors que l’opérateur « est contractuellement engagée, lorsque le montant prévisionnel d’une modification est supérieur à 5 M€ HT, à ouvrir une procédure de publicité et de mise en concurrence pour la réalisation des travaux, la Cour constate que 18 accords ou avenants et 97 fiches modificatives, dont plusieurs ont, individuellement, dépassé ce seuil, ont été formalisés sans que cette clause de mise en concurrence ait été appliquée.et sans que le ministère n’en ait exigé la mise en œuvre », a constaté la Cour des comptes, avant de regretter que « le ministère des Armées n’ait pas activé cette clause qui aurait pu lui procurer des économies significatives. »

Aussi, poursuit-elle, ce « déséquilibre dans la relation entre le titulaire du contrat et le ministère constitue un des axes d’amélioration de la gestion de cette opération, ainsi que l’avait d’ailleurs déjà recommandé le contrôle général des armées. »

C’est la raison pour laquelle le rapport invite le ministère des Armées à « clarifier » ses relations avec Opale, afin de « revenir à une gestion plus conforme aux termes du contrat », en mettant en place, « comme dans la phase de construction, un pilotage de Balard en mode projet et en confier la direction à une personnalité rendant compte directement au ministre. »

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