Le projet franco-allemand de canon électromagnétique avance

Les États-Unis, et en particulier l’Office of Naval Research [ONR], communiquent régulièrement sur le programme de canon électromagnétique (ou Railgun), lancé en 2005. Un telle arme révolutionnerait l’artillerie navale et terrestre de par ses performances, lesquelles sont sans commune mesure avec celles des canons à poudre traditionnels.

Mais l’ONR n’est pas le seul à travailler sur ce sujet. Le discret Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis (ISL), placé sous la tutelle de la Direction générale de l’armement (DGA) et du Bundesministerium der Verteidigung (BAAINBw), développe en effet une arme de cette nature.

Et ce projet a été mis sous le feu des projecteurs à l’occasion du dernier Forum DGA Innovation, qui a lieu le 7 décembre à Palaiseau. Et, visiblement, les chercheurs de l’ISL ont bien avancé, même s’il reste encore quelques défis à relever.

Le principe du canon électro-magnétique consiste à faire circuler un courant électrique très intense couplé à un champ magnétique entre deux rails conducteurs d’électricité parallèles. Grâce à la force de Laplace, résultante de celle de Lorenz, un projectile, également conducteur et placé entre ces deux rails subit une accélération très forte au point d’être ejecté à une vitesse d’au moins Mach 5, ce qui l’envoie à une distance de 200 km.

Actuellement, les meilleurs systèmes d’artillerie ont une portée allant de 40 à 70 km (cas du Lance Roquettes unitaire, par exemple). Avec ce canon électromagnétique, il sera donc possible d’envoyer un projectile 3 à 5 fois plus loin. Cela permettra ainsi de tirer sans s’exposer à la riposte adverse, c’est à dire à distance de sécurité. Et sans avoir recours à des missiles de croisières, au coût élevé.

Les avantages du canon électro-magnétique sont nombreux. Il permet ainsi d’éviter de stocker des explosifs, comme par exemple à bord d’un navire. Et son coût est abordable. D’après les données américains, un tir devrait coûter au maximum 50.000 dollars (essentiellement dû au projectile utilisé, qui devra être guidé) contre 500.000 à 1,5 million de dollars pour un missile.

Cela étant, des travaux sont encore nécessaires pour en faire une arme pleinement opérationnelle. Chaque tir donne lieu à des contraintes physiques importantes, ce qui limite la possibilité de tirer des salves. L’ONR y travaille, tout comme l’ISL.

« Le courant électrique de plusieurs millions d’ampères créé des gaz incandescents, que l’on veut éviter, car ils réduisent l’efficacité et endommagent le canon », explique la DGA. Mais le défi principal, ajoute-t-elle, « réside dans le stockage et la libération de l’énergie électrique nécessaire. » Car pour envoyer un obus à 200 km, il faut une « quantité d’énergie pas considérable, mais délivrée en un instant tellement court que la puissance électrique nécessaire est comparable à celle nécessaire pour une ville de 500.000 d’habitants. »

Visiblement, l’ISL est sur le point de remédier à ces problèmes. L’Institut travaille en effet sur des alimentations électriques ultra compactes pouvant délivrer jusqu’à 1 GW dans un volume 10 fois moindre qu’avec une technologie classique, grâce à un stockage magnétique, des interrupteurs ultrarapides et des matériaux supraconducteurs.

« Au-dessous de -200°C, certains matériaux n’opposent plus de résistance au passage du courant. Ce qui signifie qu’ils peuvent transmettre l’électricité sans perte », précise la DGA.

Si un camion équipé d’un tel canon électromagnétique a été présenté sur le stand de l’ISL lors du forum Innovation, la première application opérationnelle « concernera des plateformes navales », indique la DGA.

Photo :  Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis

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