Chammal : Le jour où un drame a été évité in extremis sur le porte-avions Charles de Gaulle

Les comptes-rendus, diffusés chaque semaine par l’État-major des armées, donnent les bilans des missions assurés par les forces françaises sur des théâtres extérieurs ou intérieurs. Seulement, ils ne disent pas tout, dans la mesure où il faut garder une certaine confidentialité sur les opérations en cours.

Ainsi en a-t-il été de l’incident qui s’est produit le 6 février 2016 sur le pont du porte-avions Charles de Gaulle, alors engagé dans le golfe arabo-persique (GAP) au titre de l’opération Chammal. Ce jour-là, apprend-on dans un rapport [.pdf] du Bureau enquêtes accidents défense – Air (BEAD-Air), une patrouille de deux Super Étendard Modernisés (SEM) de la Flotille 17F est catapultée pour une mission d’appui au sol qui durera près de six heures.

Au retour, lors de l’approche, l’officier d’appontage (OA) remarque que la trajectoire du chef de la patrouille est trop prononcée. Il lui demande alors de « raccrocher au moteur », c’est à dire d’augmenter le régime afin d’éviter que le Super Étendard ne passe sous le plan de descente.

À mi-finale, l’OA demande à nouveau au pilote d’augmenter le régime moteur pour que l’avion puisse prendre la bonne assiette pour apponter. Là encore, le pilote s’exécute. Seulement, au dernier tiers de la finale, le taux de descente croît fortement et l’appareil risque alors de passer sous le plan.

L’OA intervient immédiatement et donne l’ordre « moteur! moteur! moteur! moteur! » au pilote. Ce dernier met alors plein gaz. « À l’entrée du pont d’envol, la poussée maximale du moteur est établie. L’avion a une trajectoire légèrement ascendante lorsque la crosse de l’appareil prend le brin n°1 », raconte le BEAD-Air.

Seulement, le Super Étendard est alors brutalement plaqué sur le pont. « L’atterrisseur droit touche le pont en premier, suivi par l’atterrisseur auxiliaire et enfin par le gauche. Lorsque la roue avant touche le pont d’envol, l’amortisseur se comprime jusqu’à atteindre sa butée. La fourche entre alors en contact avec le pont puis se brise. La roue avant est projetée vers la proue du PA [porte-avions]. L’appareil s’immobilise rapidement », lit-on dans le rapport.

Bilan : le pilote du Super Étendard est gravement blessé au dos (il faudra une grue VLIPE (Véhicule léger d’intervention pont d’envol) pour l’extraire de son appareil. En outre, selon le rapport, les contacts entre la fourche de l’atterrisseur auxiliaire et le pont d’envol ont endommagé partiellement le revêtement de la piste à plusieurs endroits.

Quant aux autres avions encore en vol au moment de cet accident, il ont été « dégagés vers un terrain à terre », précise le BEAD-Air.

En tout cas, tout s’est joué très vite. Sans la réaction de l’officier d’appontage et la réactivité du pilote, qui a obtempéré immédiatement aux ordres, un « accident aux conséquences plus graves » a ainsi pu évité, souligne le rapport.

Selon ce dernier, un manque d’anticipation des perturbations aérologiques générées par le château du porte-avions (perturbations qui interférent avec l’axe d’approche des avions à l’appontage) et, en très courte finale, « l’action à cabrer » du pilote qui « pense devoir se représenter pour un nouvel appontage », alors qu’il est moins d’une seconde avant la prise de brin, pourraient expliquer cet accident, l’avion étant hors de cause.

« La forte demande cognitive induite par la mission a pu entraîner une fatigue cognitive du pilote. Cela a pu conduire à une altération de son jugement dans les instants précédents l’accroche du brin », explique le rapport du BEAD-Air.

La durée des vols des Super Étendard, désormais retirés du service, était limitée à 6 heures pour des raisons techniques. Or, selon le BEAD-Air, « il n’existe à ce jour aucune limitation liée aux facteurs humains. » Aussi, des réflexions sont actuellement en cours pour imposer une « limite horaire concernant le Rafale M, pour prendre la spécificité de l’appontage en compte. »

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