Deux députés plaident pour une filière française de munitions de petit calibre

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En 1999, la fermeture, par Giat Industries, de l’établissement implanté au Mans sonna le glas de la production française de munitions de petit calibre.

Pour approvisionner les forces armées en cartouches F-5 stantard Otan, un marché fut attribué à BAE Systems et le groupe israélien IMI. Seulement, il apparut vite que les munitions founies ne convenaient pas, les balles n’étant pas adaptées au pas de rayures du canon des  Famas (fusil d’assaut).

C’est alors qu’un autre marché fut notifié ADCOM aux Émirats Arabes Unis. Mais là encore, après les premières livraisons en octobre 2007, au moins 37 incidents de tirs furent signalés. La cause en revenait à la composition des munitions, fabriquées en laiton et non en acier comme l’était la cartouche adaptée F1 destinée au Famas.

Entre 2009 et 2013, les forces françaises furent approvisionnées par la société américaine ATK, via la procédure des Foreign Military Sales (FMS). Dans le même temps, six fournisseurs furent évalués, dont ATK, l’allemand MEN, BAE Systems et le brésilien CBC.

En 2012, à une question posée par le député François Cornut-Gentille, qui s’inquiétait de « l’inadéquation avec le Famas F1 des munitions achetées sur étagères à l’étranger », le ministère de la Défense s’était voulu rassurant.

« Plusieurs fabricants de cartouches compatibles avec ce fusil et répondant aux normes de qualité définies par la France ont ainsi pu être identifiés. Certains produits ont d’ores et déjà obtenu la qualification requise et d’autres sont encore en cours d’instruction. En tout état de cause, le réapprovisionnement de nos forces jusqu’à la fin de vie opérationnelle du Famas F1 pourra être garanti en toute sécurité », avait-il répondu au député.

En outre, le ministère de la Défense avait aussi écarté l’idée de réinstaller en France une capacité de production de munitions de petit calibre. « La quantité de cartouches consommée par les armées françaises apparaît insuffisante pour permettre l’équilibre économique d’une telle filière, qui serait en outre confrontée à une concurrence étrangère capable de satisfaire les besoins de nos forces et extrêmement développée sur ce segment de marché », avait-il plaidé.

Mais cet argument est loin de convaincre les députés Nicolas Bays (PS) et Nicolas Dhuicq (LR), auteurs d’un rapport d’information sur la filière munitions en France.

Les munitions de 5,56 mm livrées aux forces françaises sont  » toutes étrangères et c’est bien ce qui inquiète les rapporteurs », ont-ils écrit. « Non pour leur qualité, pour celles qui ont été sélectionnées, ou parce qu’elles seraient de ce fait frappées d’infamie mais pour la simple sauvegarde de l’indépendance et de la souveraineté de nos approvisionnements », ont-ils expliqué, déplorant que cette question soit « balayée d’un revers de main » par les responsables rencontrés pour les besoins de le leur rapport.

« Pour beaucoup, le sujet était de fait clos avant d’être abordé, dès l’évocation de l’aspect économique. L’abandon de la production nationale a en effet engendré des économies substantielles pour la Défense. La cartouche de GIAT Industries était chère au regard de la concurrence. Par ailleurs, le marché mondial de la cartouche de petit calibre serait pléthorique et absolument aucun risque n’existerait d’une quelconque rupture des approvisionnements », ont résumé les deux rapporteurs.

Mais, ont-ils estimé, « la certitude d’une absence de risques est une notion pourtant peu familière en matière de défense, domaine dans lequel il est justement d’usage de les prévoir tous et de s’en prémunir. »

« La France serait-elle visionnaire en la matière alors que ses voisins ont pour la plupart conservé une industrie nationale de munitions de petit calibre qui alimente nos armées? Comment est-il possible de s’assurer qu’aucun de nos fournisseurs ne sera contraint de cesser ses livraisons en raison d’une législation nationale? Comment est-on certain d’un approvisionnement en cas de conflit majeur et pourquoi serions-nous dans ce cas les premiers servis? Pourquoi, si nos voisins parviennent à faire vivre une industrie de munitions de petit calibre, ne le pourrions-nous pas? », ont ainsi demandé MM. Dhuicq et Bays.

Aussi, ils plaident pour « l’étude sérieuse des conditions de la reconstitution d’une filière de production française de munitions de petit calibre ». Pour cela, ils ont demandé à la société Manurhin, spécialiste de machines-outils destinées à la production de munitions de petit et moyen calibres et qui exporte 100% de sa production, ce qu’il faudrait faire.

Ainis, implanter, en France, une usine de fabrication de munitions de petit calibre demanderait un « investissement initial de 100 millions d’euros », ce qui couvrirait l’achat du terrain, l’embauche du personnel et l’installation de la chaîne de production. Il faudrait aussi prendre en compte certaines contraintes, comme celles concernant les conditions de sécurité nécessaires pour stocker jusqu’à 20 tonnes de poudre (soit de quoi assurer 3 mois de production).

Selon les députés, trois à quatre ans seraient nécessaires pour qu’une telle usine soit totalement opérationnelle. « Une chaîne de production pourrait produire jusqu’à 80 millions de cartouches par an, étant entendu qu’une même ligne de production est en mesure de produire des munitions de plusieurs calibres différents », ont-ils indiqué.

Quant à la rentabilité, elle serait assurée « à partir d’une production annuelle de 60 millions de cartouches sous réserve qu’un niveau de commandes constant soit assuré durant les cinq premières années ». En outre, le marché des armes de petit calibre étant en forte croissance en raison du contexte international, cela pourrait être un opportunité pour cette filière française si elle devait revoir le jour.

Enfin, d’après les rapporteurs, la société Manurhin « pourrait être intéressée par d’autres voies à une participation à ce projet s’il devait se concrétiser ».

Pour les deux députés, il convient d’être « particulièrement attentifs » sur la question des munitions de petit calibre, notamment parce qu’il y a eu, en plus, des retards pour certaines commandes.

« La police et la gendarmerie commandent par exemple chaque année quelque 28 millions de cartouches de 9 mm et, en raison de la situation en Ukraine l’an dernier, des livraisons ont pris six à sept mois de retard, ce qui a conduit à décaler dans le temps certaines séances d’entraînement », a expliqué M. Bays, lors de la présention du rapport à ses collègues de la commission de la Défense.

« Ainsi, toute tension sur la scène internationale, peut avoir des répercussions chez nous, même si nous avons plusieurs fournisseurs », a-t-il conclu.

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