Polémique entre Jeremy Corbyn, le patron du Labour, et le chef d’état-major de la défense britannique

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« Un idéaliste est un homme qui, remarquant que la rose sent meilleur que le chou, pense qu’elle fera un meilleur potage », disait l’essayiste américain Henry Louis Mencken. Sans doute que cette définition s’applique à Jeremy Corbyn, élu à la tête du Parti travailliste britannique en septembre dernier.

Ses prises de position ont fait tousser plus d’une fois les responsables de la gauche britannique au cours de ces dernières semaines. Pacifiste dans l’âme, Jeremy Corbyn est hostile à d’éventuelles frappes britanniques contre l’État islamique en Syrie et, dans un autre registre, au fonctionnement actuel de l’Otan.

En outre, appartenant aux organisations Stop the War Coalition et Campaign for Nuclear Disarmement, M. Corbyn est opposé aux armes nucléaires, et donc, à la dissuasion britannique.

« Il nous faut nous débarrasser des armes nucléaires coûteuses et dangereuses, et mettre un terme aux guerres qui ont ravagé le monde ces dernières années », dit M. Corbyn, qualifié de « gauchiste » par ses adversaires politiques, qu’ils soient conservateurs ou membres de son  propre parti. Et de jurer que, s’il devient un jour Premier ministre, il n’appuierait jamais sur le « bouton nucléaire ».

Ces propos ont fini par agacer le général Nicholas Houghton, le chef d’état-major des forces armées britanniques. Au point d’en oublier toute réserve.

Ainsi, interrogé par la BBC, le 8 novembre, sur les déclarations anti-nucléaires de M. Corbyn, le général Houghton n’a pas mâché ses mots, estimant qu’avoir un Premier ministre refusant par principe le recours aux armes nucléaires « compromettrait gravement » la « dissuasion » britannique, laquelle repose exclusivement sur 4 sous-marins nucléaires lanceur d’engins (SNLE), appelés à être remplacés dans un avenir proche.

« Ça m’inquiéterait si cette pensée devenait un pouvoir », a affirmé le général Houghton. « Quand les gens disent qu’on ne va jamais avoir recours à la force de dissuasion, je réponds que la force de dissuasion est utilisée à chaque seconde de chaque minute de chaque jour et que son but est de ne pas avoir à l’utiliser parce que vous avez réussi à dissuader », a-t-il expliqué.

« Si un Premier ministre dit qu’il n’appuiera jamais sur le bouton nucléaire, la dissuasion est alors complètement minée », a encore insisté le général Houghton.

Seulement, cette sortie du chef d’état-major britannique n’a pas été du goût de M. Corbyn, pour qui le responsable militaire a dépassé les bornes.

« Il est essentiel dans une démocratie que l’armée reste neutre politiquement en toutes circonstances », a-t-il répondu, par voie de communiqué. « En prenant publiquement parti sur des débats politiques actuels, Sir Nicholas Houghton a clairement violé ce principe constitutionnel », a-t-il ajouté, avant de préciser avoir écrit au ministre britannique de la Défense, Michael Fallon, pour lui demander de prendre « des mesures afin que la neutralité des forces armées soit maintenue ».

Quoi qu’il en soit, l’opposition de M. Corbyn à la dissuasion nucléaire est contestée par le « Shadow Cabinet », le gouvernement « fantôme » de l’opposition travailliste. Réunie en congrès à Brighton, début octobre, cette dernière a clairement marqué son désaccord avec les orientations de son chef.

Pour Maria Eagle, chargée des questions militaires au sein de ce Shadow Cabinet, les propos de M. Corbyn « démolissent d’une certaine façon » son travail sur les orientations en matière de défense du Labour.

« Tout premier ministre doit avoir la possibilité » d’avoir recours à l’arme nucléaire, a enchéri Hilary Benn, ministre des Affaires étrangères de ce gouvernement « fantôme ». Et d’ajouter : « Jeremy a son opinion de longue date, mais l’opinion du parti depuis des années – et elle a été réaffirmée ici à Brighton – est que nous pensons que nous devons maintenir notre capacité indépendante de dissuasion nucléaire. »

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