M. Le Drian laisse entendre que des crédits supplémentaires pourraient être alloués au ministère de la Défense

Quand, en janvier, le président Hollande annonça le maintien de 7.500 postes au sein des armées sur les 23.500 qu’il était prévu de supprimer dans le cadre de la Loi de programmation militaire 2014-2019, l’on se demandait comment le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, allait faire entrer « l’édredon dans la valise » sans marge financière supplémentaire.

La déflation des effectifs dans les armées devait en effet permettre de maintenir les investissements en faveur des équipements avec un budget de la Défense à niveau constant (31,4 milliards d’euros, soit le même niveau depuis 2012). Et comme il n’est pas question de toucher aux programmes d’armement, dont certains ont été renégociés, parfois non sans mal, avec les industriels, le ministre n’a pratiquement aucune marge de manoeuvre, sauf à miser sur la baisse du prix du pétrole ou sur une inflation moindre. Et encore, rien n’est moins sûr, car d’autres facteurs sont à prendre en considération, comme par exemple les surcoûts liés à l’opération intérieure Sentinelle (1 million par jour) ou encore aux interventions extérieures (Sahel, Irak, Centrafrique).

Lors d’un débat sur l’actualisation de la LPM, organisé le 2 avril au Sénat, M. Le Drian a laissé entendre que son ministère pourrait obtenir des crédits budgétaires supplémentaires. Et cela d’autant plus que l’acquisition et le renforcement de certaines capacités pourraient être décidés, comme par exemple dans le domaine des hélicoptères de manoeuvre.

« Si on augmente les effectifs, en particulier pour l’armée de terre – il y aura aussi des recrutements nécessaires dans le renseignement, la cyberdéfense -, ce coût n’entre pas obligatoirement dans l’enveloppe des 31,4 milliards d’euros », a ainsi affirmé le ministre.

Mais il faudrait déjà pouvoir disposer de la totalité de ces 31,4 milliards prévus par le budget 2015 de la Défense! Or, pour le moment, les 2,2 milliards d’euros de recettes exceptionnelles (REX) attendues ne seront pas au rendez-vous dans les délais et les surcoûts de l’opération Sentinelle devraient être à la charge des armées (dixit le ministre du Budget, Michel Sapin).

Au sujet des REX, le sénateur Daniel Reiner (PS) a souligné leur « caractère aléatoire » avant d’estimer que « simple bon sens exige que la défense soit financée exclusivement par des crédits budgétaires ». Et d’insister : « Nous avons besoin de crédits sûrs! ».

Mais en attendant, afin d’éviter la cessation de paiement (la DGA pourrait ne plus honorer ses factures d’ici la fin août si les 2,2 milliards en question ne sont pas trouvés d’ici là), M. Le Drian défend le dispositif des sociétés de projet, qui, dotés de capitaux publics obtenus par des cessions de l’État, auraient pour objet d’acquérir ou de racheter du matériel pour les louer aux armées. Deux structures de ce type sont prévues, l’une pour les FREMM, l’autre pour les A400M.

Ce montage suscite des réserves chez les députés et les sénateurs quand ce n’est pas l’opposition du ministère du Budget, qui y voit une dépense « maastrichtienne ». Bien qu’ayant des défauts, ce système est, pour M. Le Drian, la seule façon de remédier à l’absence de REX.

« Ce n’est pas de la cavalerie financière : l’État cède chaque jour des actifs. Mais la Lolf [ndlr, Loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances] impose que ce soit pour des dépenses en capital, donc pas pour acquérir une frégate. C’est pourquoi le ministère de la défense ne peut mobiliser ce levier qu’en recourant à des sociétés de projets. L’article 50 de la loi Macron lève les quelques obstacles juridiques qui demeurent. Je reviendrai vous dire à quoi cet argent aura été employé », a plaidé le M. Le Drian.

Sur ce point, le ministre a reçu le soutien appuyé de Jean-Pierre Raffarin, le président de la commission sénatoriale des Affaires étrangères et de la Défense. « Nous ne voulons pas être mis devant le fait accompli en juillet. Il faut poser les problèmes pour trouver les solutions : 2,2 milliards de recettes exceptionelles à trouver et des besoins nouveaux liés à la multiplication des opérations », a-t-il dit.

« Les chefs se sont engagés devant leurs troupes. Nous sommes tous collectivement engagés. Le chef de l’État le dit : les 31,4 milliards seront sanctuarisés, et sa parole n’est pas légère. Mais un ministère situé au bord de la Seine [ndlr, Bercy] fait sa propre loi de programmation militaire, à 2 milliards de moins », a lancé l’ancien Premier ministre de Jacques Chirac.

« Nous n’acceptons pas ces hésitations. Personnellement, je ne suis pas choqué par les sociétés de projets. En tant que Premier ministre, j’ai eu recours aux partenariats public-privé ; il faut balancer le coût et l’intérêt. En revanche, il est désagréable d’entendre des responsables critiquer une solution qui sera finalement retenue », a encore ajouté M. Raffarin. Et de conclure : « Sur l’article 50 de la loi Macron, nous ne voulons pas que le Parlement bloque une solution pour nos armées. Nous sommes prêts à vous soutenir, monsieur le ministre, mais nous nous défions de certains de vos collègues de la rive droite, au bord de la Seine ».

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