Syrie : Les forces américaines ont visé un groupe méconnu lié à al-Qaïda

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Peu à peu, l’on commence à avoir une idée précise des cibles visées en Syrie par les forces américaines et leurs « partenaires » (seule la Jordanie a confirmé sa participation à cette opération pour le moment mais l’on y compte l’Arabie Saoudite, le Qatar, Bahreïn et les Émirats) au cours de la nuit du 22 au 23 septembre. Selon un bilan donné par l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), ces frappes, réalisées dans le nord, le nord-est et l’est de la Syrie auraient fait au moins 120 tués dans les rangs jihadistes.

La coalition a ainsi effectué au moins 20 frappes contre les positions tenues par l’État islamique (EI, ou Daesh) à Raqa et les localités proches de Tabqa, Aïn Issa et Tall Abyad et autant dans la région de Boukamak, frontalière avec l’Irak et située dans la province pétrolière de Deir Ezzor.

Si la coalition emmenée par les États-Unis, et à laquelle France participe (mais aucun de ses avions n’a pris part aux raids en Syrie) vise avant tout l’EI, qui a instauré un califat à cheval entre la Syrie et l’Irak et menace désormais Bagdad mais aussi d’autres pays formant la région du Levant, qui englobe aussi le Liban, la Jordanie, Israël et les territoires palestiniens, elle a également frappé la branche syrienne d’al-Qaïda à l’ouest d’Alep (nord).

Plus précisément, les forces américaines – qui, au passage, ont tiré 47 missiles Tomahawk depuis les destroyers USS Arleigh Burke (photo) et USS Philippine Sea – a frappé un groupe peu médiatisé faisant partie du Front al-Nosra et appelé Khorassan (ou Khorasan).

En fait, Khorasan désigne un territoire englobant l’Afghanistan, le nord-est de l’Oran, le sud du Turkménistan, de l’Ouzbékistan et du Tadjikistan. Le groupe qui a pris cette appellation est commandé par un certain Muhsin al-Fadhli, un Koweïtien qui a fait partie de la garde rapprochée d’Oussama ben Laden au moment des attaques du 11 septembre 2001, et cela malgré son jeune âge (19 ans).

Suite à la chute du régime taleb à Kaboul, Muhsin al-Fadhli aurait été impliqué dans plusieurs attentats, dont celui commis en octobre 2002 contre le pétrolier français MV Limburg (1 tué et 4 blessés parmi l’équipage). Selon Washington, il aurait aidé Abou Moussab al-Zarkaoui (le fondateur de ce qui allait devenir plus tard l’EI) contre les troupes américaines en Irak.

On trouve ensuite sa trace en Iran, où il a été dit qu’il avait remplacé Abdel Aziz Khalil Ezedin (alias Yasin al-Suri) en tant que chef d’Al-Qaïda dans ce pays. Et, en 2012, sa tête avait été mise à prix par Washington à 7 millions de dollars.

Les relations entre les autorités iraniennes et l’organisation fondée par Ben Laden ont toujours été complexes et ambigues.

« Les deux sont historiquement alliés dans leur lutte contre l’Occident depuis 2001. L’Iran est devenu un territoire de transit pour nombre de combattants jihadistes en route ou de retour d’Afghanistan. (…) Les autorités iraniennes ont toujours soufflé le chaud et le froid, jouant des laisser-passer et des expulsions de combattants liés à Al-Qaida selon ses intérêts. Leur objectif était de montrer qu’elles étaient capables d’arrêter ces transits de jihadistes, mais qu’elle pouvait aussi, quand elle le désirait, fermer les yeux. (…) Lorsque des divergences d’intérêts apparaissaient entre l’Iran et Al-Qaida, les combattants de la nébuleuse jihadiste se trouvaient inquiétés, voire expulsés », expliquait, dans les colonnes du Monde, Dominique Thomas, un spécialiste des réseaux terroristes.

À la mi-2013, al-Fadhli s’est installé en Syrie. On l’a su grâce à une enquête de l’Arab Times, publiée en mars dernier, et selon laquelle il aurait agi sur ordre d’Ayman al-Zawahiri, le successeur de Ben Laden à la tête d’al-Qaïda, pour trancher le différent entre le Front al-Nosra et l’EI (qui s’appelait encore à l’époque « État islamique en Irak et au Levant, EIIL).

Tout cela était resté relativement confidentiel jusqu’à ce une récente intervention de James Clapper, le directeur du renseignement américain (DNI). Ainsi, selon ce dernier, « en termes de menace pour la patrie, Khorasan pose une menace au moins aussi grande menace que celle de l’État islamique », a-t-il affirmé. Et pour les responsables de services d’outre-Atlantique, le fait de se focaliser sur l’EI a permis à Muhsin al-Fadhli de se faire très discret.

Or, le plus grand danger immédiat, selon eux, ne vient pas forcément de l’EI, qui est, pour le moment, dans une logique de conquête territoriale, mais plutôt de Khorasan. Pourquoi? Parce que ce groupe, composés de vétérans du jihad, s’attacherait à recruter en priorité des jihadistes occidentaux et qu’il s’est spécialisé dans les attaques commises avec des explosifs dissimulés, à l’instar d’al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA), avec qui il aurait des liens.

La décision prise en juillet dernier par les autorités américaines d’interdire à bord des avions les téléphones et les ordinateurs portables aux batteries déchargées aurait un lien avec les activités de Khorasan.

« Les efforts répétés du groupe pour dissimuler des explosifs dans les avions montrent à quel point ils persévèrent à réaliser des attaques de grande envergure contre l’Occident, mais aussi leurs connaissances des systèmes de sécurité occidentaux et leurs efforts pour s’y adapter », a expliqué Nicolas Rasmussen, le directeur adjoint du Centre national de lutte contre le terrorisme, lors d’une audition récente devant une commission du Sénat américain.

Visiblement, le danger était important de voir le groupe Khorasan de passer à l’action dans un avenir proche. D’où le bombardement de ses installations par les forces américaines. Au total, les 8 frappes effectuées ont visé des camps d’entraînement, une installation de production d’explosifs et de munitions, un bâtiment de communication et des installations de commandement

« Les Etats-Unis espèrent ainsi avoir empêché la préparation d’attaques imminentes contre les intérêts américains et occidentaux, menée par un réseau composé de vétérans aguerris d’Al-Qaïda – un réseau parfois appelé groupe Khorassan – qui a trouvé refuge en Syrie où il peut tranquillement préparer des attaques ou attentats, construire et tester des engins explosifs, et recruter des Occidentaux pour mener ces attaques », a expliqué l’US CENTCOM, le commandement militaire américain pour l’Asie centrale et le Moyen Orient, dans un communiqué.

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