L’annexion de la Crimée va-t-elle mettre un terme au désarmement de l’Europe?

Pour avoir annexé la Crimée, la Russie se voit imposer des sanctions de la part de l’Union européenne et des Etats-Unis, toute option militaire étant exclue. La question que l’on peut se poser est la suivante : si les pays européens n’avaient pas baissé leur garde en oubliant les impôts à payer sur les « dividendes de la paix », est-ce que cela aurait dissuadé le président russe, Vladimir Poutine de s’emparer de la désormais ancienne république autonome ukrainienne?

Car depuis la fin de la Guerre froide, c’est à dire un peu plus de 20 ans, tous les Etats européens ont taillé dans leurs dépenses militaires au point que que leur total somme a été dépassé par celui des budgets dédiés à la défense des pays de la région Asie-Pacifique , les effectifs ont été drastiquement revus à la baisse (-43% pour l’armée de Terre française depuis 2001, année de référence puisqu’elle marque la suspension de la conscription) et certaines capacités opérationnelles ont été réduites à la portion congrue.

Quant à la norme de l’Otan imposant un effort de défense équivalent à 2% du PIB, pratiquement aucun Etat du Vieux Continent ne la respecte… Et les secrétaires américains à la Défense qui se succèdent depuis quelques années peuvent toujours le déplorer, ce mouvement continue, généralement au nom d’une politique de maîtrise des dépenses publiques. Souvent, cela ne change rien à l’état des finances, comme l’on a pu le voir aux Pays-Bas, en Belgique et même en France. Mais comme les responsables n’osent pas faire autrement, alors…

Cependant, pour le ministre britannique de la Défense, Philip Hammond, des budgets militaires européens plus élevés n’auraient pas dissuadé le président russe d’annexer la Crimée. « Je pense, et c’est mon propre avis, qu’il est peu probable qu’un niveau de dépenses de défense plus élevé en Europe aurait eu une influence sur les calculs de Poutine lors des derniers évènements », a-t-il affirmé à ce sujet.

Peut-être. A vrai dire, l’on n’en sait rien et M. Hammond donne dans la politique fiction tout en laissant l’impression de s’excuser par avance des baisses importantes d’effectifs au sein des forces britanniques (ceux de la British Army seront ramenés à 80.000 hommes, autant que pendant la guerre des Boers) qu’il conduit actuellement. Et ce serait oublier que, comme le disait un ministre indien, « la paix est le dividende de la puissance » et qu’une diplomatie crédible repose sur un outil militaire efficace. « Tu vois, le monde se divise en deux catégories : ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent. Toi tu creuses », dit Blondin à Tuco, dans le film « Le bon, la brute et le truand ». Il ne faut jamais oublier ses classiques…

En tout cas, le résultat est là. Et le désarmement européen n’a certainement pas fait hésiter le président Poutine devant la poursuite de ses ambitions. Ambitions qui pourraient bien ne pas se limiter à la Crimée.

Et « s’il prenait à Vladimir Poutine l’envie d’aller plus loin (par exemple en direction des Etats baltes), aurions-nous les moyens de défendre le territoire de l’Union européenne? », s’est récemment interrogé Jean-Marie Colombani, ex-directeur du quotidien Le Monde et cofondateur de Slate.fr. Et d’ajouter : « La Russie, dont l’économie peut à court terme devenir chancelante et que nous avons sans doute les moyens d’affaiblir, est menacée de déclin par l’effondrement de sa démographie. Elle cherche, par la militarisation et le retour à une ambition impériale, à compenser ces faiblesses ». Il n’est pas le seul à se poser cette question et à faire ce constat… Sans doute un peu trop tard.

Car l’on ne peut pas dire que l’on n’avait pas été averti. La suspension du Traité FCE (Forces conventionnelles en Europe), la reprise des vols stratégiques dans l’Atlantique Nord, le conflit russo-géorgien, l’annonce d’un plan massif de réarmement des forces russes, le renouvellement des moyens de dissuasion nucléaire, les protestations régulières contre le bouclier anti-missile de l’Otan, etc. étaient autant de signes qui montraient, à l’évidence, que la Russie entendait défendre avec vigueur ses intérêts, quitte au besoin à employer les moyens que l’on a vus en Crimée.

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