La France va alléger sa participation à l’opération européenne de lutte contre la piraterie somalienne

En 2011, la Marine nationale avait connu quelques difficultés pour assurer la continuité de sa présence dans l’océan Indien en raison de sa participation importante à l’opération Harmattan, lancée en mars de cette année-là en Libye. Plus tard, lors d’une audition devant une commission parlementaire, son chef d’état-major (CEMM), l’amiral Bernard Rogel, avait parlé d’un « format juste suffisant pour répondre aux ambitions de défense et de sécurité » de la France.

Et il avait ainsi déploré « l’interruption de la présence d’Atlantique 2 en Océan indien suite aux déploiements au Sahel puis en Libye, (…) l’absence de SNA en Atlantique pendant quatre mois, la réduction de la présence en Océan indien à un seul bâtiment de surface à compter du mois de juin, le gel de la mission Corymbe dans le golfe de Guinée en juillet 2011 ainsi que l’annulation de deux missions sur quatre de lutte contre le narcotrafic en Méditerranée ».

Depuis 2008, année de son lancement, la Marine nationale a toujours pris part à l’opération Atalante, la mission de l’Union européenne visant à lutter contre la piraterie au large de la corne de l’Afrique et dans l’océan Indien. Mais les choses vont prochainement changer.

Alors que les actes de piraterie ont considérablement diminué au cours des ces derniers mois, grâce à une combinaison de plusieurs facteurs (présence de forces navales, gardes armés embarqués, soutien aux autorités somaliennes, procédures, etc), Catherine Ashton, Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a récemment appelé la communauté internationale « à continuer à oeuver ensemble pour éradiquer la piraterie et consolider les progrès déjà accomplis ». Par conséquent, l’opération Atalant, dont le TCD Siroco est actuellement le navire amiral, devrait être reconduite.

Seulement, la France va y alléger sa participation afin de réaliser 10 millions d’économies au titre des surcoûts des opérations extérieures. L’annonce en a été faite par le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, lors deux auditions à l’Assemblée nationale.

« Nous allégerons par ailleurs notre participation à l’opération Atalante sur la corne d’Afrique : elle a donné de bons résultats et, là aussi, certains de nos partenaires en assurent la bonne continuité », a-t-il ainsi affirmé devant les députés de la commission de la Défense et des Forces armées, lors d’une audition dédiée à l’opération Sangaris, le 14 janvier.

« Si notre participation à l’opération Atalante sera réduite, c’est parce que d’autres pays s’associeront à la lutte contre la piraterie dans cette zone, à commencer par le Japon. Il faudra en revanche renforcer la protection maritime dans le golfe de Guinée ; certains États riverains doivent nous y aider », a-t-il encore précisé.

Deux jours plus, s’exprimant cette fois devant les députés de la commission des Finances, M. Le Drian s’est expliqué sur l’enveloppe de 450 millions d’euros prévues annuellement par la Loi de Programmation Militaire (LPM) 2014-2019 devant financer les surcoûts des opérations extérieures. Pour beaucoup, ce montant apparaît comme sous-évalué. La Cour des comptes, dans un récent rapport, avait d’ailleurs pointé la sous-estimation chronique de cette ligne de dépenses, la différence étant prise sur la réserve de précaution interministérielle, abondée par des gels de crédits annuels…

Cela étant, le ministre a fait valoir que les surcoûts liés aux interventions militaires à l’étranger diminueront avec « l’adaptation du dispositif, arrêtée à la fin de l’année 2013 en conseil de défense », ce qui « se traduira d’une part par un désengagement des forces françaises des opérations extérieures à dimension militaire faible, voire nulle, et d’autre part par un réaménagement des forces prépositionnées », notamment dans la bande Sahélienne et dans le golfe arabo-persique (Emirats).

Ainsi, la France continuera son désengagement d’Afghanistan (fin de la gestion de l’aéroport de Kaboul et de l’hôpital militaire d’ici décembre 2014), mettra un terme à sa présence militaire au Kosovo, dans la mesure, dixit le M. Le Drian « où les conditions sécuritaires et politiques dans ce pays ne rendent plus nécessaire une capacité de réaction militaire » et allégera, donc, sa participation à l’opération Atalante.

« Notre dispositif de lutte contre la piraterie au large de la Corne de l’Afrique sera également allégé, non parce que nous le considérons comme secondaire – vous m’avez souvent entendu souligner la nécessité d’assurer la sécurité du trafic maritime dans cette région –, mais en raison de son efficacité, qui a permis de réduire le nombre d’actes de piraterie d’environ 2 00 en 2010 à seulement 7 en 2013. De plus, les pays participant à la mission Atalante sont désormais plus nombreux », a-t-il assuré. « Il ne s’agit pas d’un abandon : simplement, nous passons d’une présence permanente à une présence intermittente, assurée en alternance avec d’autres », a-t-il insisté.

Reste que, après avoir demandé aux Etats membres de l’Union européenne de s’engager en Centrafrique pour soutenir l’opération Sangaris, cette annonce risque d’être mal prise. D’ailleurs, le député UMP Pierre Lellouche en a fait la remarque. « Même si cela vous permet d’économiser une dizaine de millions, il me paraît regrettable que la France, seule à porter véritablement le projet d’une défense européenne, se désengage en partie de l’unique opération efficace mise en œuvre par l’Union », a-t-il déploré.

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