Les prérogatives du chef d’état-major des armées diminuées au profit du ministre de la Défense

Les décrets n°2005-520 et 2009-869 accordèrent une certaine autonomie au chef d’état-major des armées (CEMA) par rapport à son ministre de tutelle. Pour faire simple, ce dernier devait lui donner les moyens nécessaires pour l’emploi opérationnel des forces, en fonction des missions confiées par le président de la République.

Cette organisation a démontré la preuve de son efficacité lors de ces dernières années, avec les engagements en Afghanistan, en Côte d’Ivoire et en Libye. Mais l’opération Serval, lancée par la France en janvier dernier, a laissé entrevoir une nouvelle évolution – ou plutôt un retour en arrière. .

Déjà, le projet de Loi de programmation militaire (LPM) prévoit de revoir la gouvernance du ministère de la Défense, pour qu’elle soit « plus claire et plus simple ». Ainsi, le CEMA se verra priver de certaines prérogatives (ressources humaines, relations internationales et soutien), lesquelles seront en partie reprise par le Secrétaire général pour l’administration (SGA).

Mais ce n’est pas tout. Ainsi, un décret visant à redonner « redonne toute sa place au ministre de la défense dans la chaîne des responsabilités politiques en matière d’emploi des forces armées et de renseignement extérieur et d’intérêt militaire » a ainsi été présenté lors du dernier Conseil des ministres. Et les choses n’ont pas traîné puisqu’il vient d’être publié au Journal officiel.

Ainsi, ce texte précise que le ministre de la Défense est désormais « responsable de la préparation et, sous réserve des dispositions particulières relatives à la dissuasion, de l’emploi des forces ». En outre, il « prépare et met en œuvre la politique de défense conformément aux directives générales du Premier ministre. Il traduit ces directives en ordres et instructions pour les autorités subordonnées ».

Quant au CEMA, il « assiste le ministre dans ses attributions relatives à l’emploi des forces » et il est « responsable de l’emploi opérationnel des forces ». Enfin, « sous l’autorité du Président de la République et du Gouvernement, et sous réserve des dispositions particulières relatives à la dissuasion », il « assure le commandement des opérations militaires. Il est le conseiller militaire du Gouvernement. »

Voilà donc le CEMA relegué à un rôle d’assistant et de conseiller… Où comment l’on recentre les militaires sur « leur coeur de métier ». Dans une tribune publiée par Le Figaro, le général Henri Bentégeat, ancien chef d’état-major des armées, estime que cette réforme de la gouvernance du ministère pourrait « si l’on n’y prend pas garde, ébranler les fondements de l’institution militaire. »

Et, toujours selon l’ancien CEMA, elle traduit une forme de « défiance de principe à l’égard du loyalisme des officiers », laquelle est « non seulement infondée mais surtout incompréhensible pour des générations de militaires élevés dans le culte de l’obéissance républicaine. »

Et de prévenir : « Dans un système où les chefs militaires n’auraient plus la capacité d’influer sur les choix majeurs des responsables politiques, on prendrait le risque d’une triple évolution, souvent constatée dans les pays européens où les militaires sont tenus en suspicion : syndicalisation, politisation des élites et découragement des meilleurs ».

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]