Décès du général Lucien Poirier, l’un des théoriciens de la doctrine de dissuasion française

Le général Lucien Poirier, qui était l’un des « pères » de la doctrine de la dissuasion nucléaire française, avec les généraux Pierre-Marie Gallois, Charles Ailleret et André Beaufre, s’est éteint au cours de la nuit du 9 au 10 janvier.

Né en 1918 et issu d’un milieu modeste, Lucien Poirier est un jeune officier frais émoulu de l’Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr quand éclate la Seconde Guerre Mondiale. Retenu en captivité en Allemagne jusqu’en 1945, il prend ensuite part au conflit indochinois, à l’occasion duquel il côtoiera le maréchal de Lattre de Tassigny et où il servira au 2e Bureau. Il commence alors à réfléchir sur les aspects de la « guerre révolutionnaire ».

Après avoir été effectué deux périodes en Algérie (1955-57 et 1960-62), Lucien Poirier se voit confier par l’armée de Terre une étude portant sur les doctrines américaines en matière d’emploi d’armes nucléaires tactiques. C’est ainsi qu’il « entrera en stratégie », comme d’autres entrent « en religion ».

Affecté ensuite au Centre de prospectives et d’évaluation du ministère des Armées, il élabore le principe de la dissuasion « du faible au fort » basé sur la « vertu rationalisante de l’atome » et celui de « sanctuarisation » du territoire national et publie, en 1968, son premier ouvrage intitulé « Théorie de la stratégie nucléaire d’une puissance moyenne. » Ses travaux ont ainsi inspiré la doctrine de dissuasion française.

En 1974, Lucien Poirier est promu général à titre conditionnel et quitte l’uniforme. Il devient alors chargé de cours aux Universités Paris I et II, à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), à l’Ecole normale supérieure (ENS) et à l’ENA.

Dans le même temps, il dirige les études de la Fondation pour les Etudes de la Défense Nationale et publie de nombreux articles et ouvrages traiant de la stratégie militaire, de la politique de défense et de la polémologie. Et il sera également le co-directeur, avec Hervé Coutau-Bégarie, à qui la pensée stratégique française doit aussi beaucoup, de la collection Bibliothèque stratégique publiée par l’éditeur Economica, .

Le général Lucien Poirier est aussi le « père » de la notion de « stratégie intégrale », qu’il définit comme étant « la théorie et la pratique de la manoeuvre de l’ensemble des forces de toute nature, actuelles et potentielles, résultant de l’activité nationale ».

Cette « stratégie intégrale » a « pour but d’accomplir l’ensemble des fins définies par la politique générale. Elle combine les résultats des trois stratégies économique, culturelle et militaire dans une unité de pensée et d’action qui combine et leurs buts et leurs voies et moyens. » (lire : « Stratégie théorique« )

De par sa nature, le général Poirier était quelqu’un de discret et modeste. « Son refus de l’exhibition poussé jusqu’au jansénisme, son désintérêt à solliciter les faveurs ou même à faire reconnaître ce qui lui serait dû, font de Lucien Poirier un solitaire tenu en très haute estime et admiré par un petit nombre de gens » a écrit, à son sujet, l’écrivain et géopolitologue Gérard Chaliand.

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