Environ 7% des militaires français ayant été engagés en Afghanistan seraient victimes de troubles psychiques

Selon les chiffres donnés en octobre dernier par le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, lors d’un colloque organisé aux Invalides, le Service de santé des armées (SSA) suit actuellement 550 militaires affectés par des troubles de stress post-traumatique (PTSD), détectés à l’issue d’un engagement sur un théâtre d’opérations extérieur.

Ces troubles sont causés par la tension nerveuse éprouvée tout au long d’une mission, la perte au combat de camarades ou encore la vision de scènes difficilement supportables. Ils se traduisent par des cauchemars, de l’irritabilité ou bien encore par des comportements addictifs et suicidaires.

Pour ce qui concerne l’armée française, il est fort probable que le nombre de militaires affectés par ces troubles soit encore plus élevés que celui avancé par le ministre, étant donné que beaucoup hésitent à en parler, soit pour éviter d’être jugés, soit par crainte d’une éventuelle inaptitude à exercer leur métier.

« Globalement, lorsque l’on suit une brigade ou un bataillon qui rentre sur six à neuf mois, on a entre 6% et 7% de personnels qui ont un trouble psychique, pas forcément un état de stress post-traumatique, mais qui ont une souffrance psychique », a expliqué le directeur adjoint du SSA, le médecin-général Jean-Paul Boutin, lors d’un séminaire sur la prise en charge des « traumatismes psychiques dans les armées » organisé le 3 décembre à l’hôpital du Val-de-Grâce, à Paris.

Cette estimation a été obtenue via un questionnnaire à choix multiple adressé aux personnels de trois régiments de l’armée de Terre ayant été déployés sur un théâtre d’opérations, en l’occurrence en Afghanistan, au cours des trois dernières années. Il avait été demandé aux intéressés de noter de 1 à 5 la fréquence de 17 « problèmes et symptômes » survenant généralement « à la suite d’un épisode de vie stressant. »

Sachant qu’en 11 ans, 20.000 militaires français ont été engagés en Afghanistan, cela donne une idée du nombre d’entre eux vivant avec un trouble psychique.

« A partir du moment où l’intensité des combats auxquels a participé l’armée française s’est développée, le nombre de nos soldats qui ont pu être traumatisés psychiquement a arithmétiquement augmenté » a poursuivi le médecin-général Boutin. « La réponse doit donc être adaptée, au sens du réseau de soins que nous devons mettre en place » a-t-il ajouté.

Pour autant, l’armée française a mis en place un dispositif afin de prévenir ce type de problème, avec l’envoi sur le terrain de psychologues de la Cellule d’intervention et de soutien psychologique de l’armée de Terre (CISPAT). Des officiers d’environnement humain (OEH), formés par SSA, sont également présents, de même que le médecin d’unité.

Un « référent section » est également désigné pour qu’il puisse veiller sur ses camarades et détecter des signes avant-coureurs de PTSD. En outre, les aumôniers militaires ont également un rôle à jouer. Enfin, une fois la mission terminée, les soldats passent par un « sas de décompression » à Chypre, où l’occasion leur est donnée de parler de ce qu’ils ont vécu et vu lors de « débriefings médico-psychologiques. »

Ce dispositif « mis en place pour mieux encadrer les combattants d’Afghanistan » a ainsi permis, comme l’a expliqué le médecin-général Boutin, à des militaires « d’exprimer une souffrance qui datait du Rwanda ou de la Bosnie. » Et d’insister : « Ils sont venus nous parler maintenant d’un problème dont ils n’avaient jamais osé parler. »

Les militaires les plus affectés et qui présentent « un état de stress aigu » lors de leur rapatriement en France sont, dans 70% des cas, des blessés au combat. « Les personnels dans l’action, les ‘chasseurs’, semblent relativement plus protégés que les personnels logistiques qui ont le sentiment d’être chassés et qui, quand ils sont sur la route, ne savent ni d’où ni quand peut venir le danger » a toutefois expliqué le médecin-général Boutin.

Reconnues comme blessure de guerre depuis 1992, les « blessures psychiques » ont donné lieu à l’octroi de 1.100 pensions militaires d’invalidité en dix ans, sur 1.600 dossiers déposés. Le taux moyen d’invalidité est en moyenne de 10 à 30%. Et sur les 150 demandes acceptés depuis deux ans, 80 concernent des militaires ayant servi en Afghanistan.

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