Quel avenir pour le fabricant de machines de munitions Manurhin?

Après l’arrêt de la fabrication des corps de bombes Mk82 par la Société des Ateliers Mécanique de Pont-sur-Sambre, des questions se posent au sujet de l’avenir de Manurhin, la société française numéro un au niveau mondial dans le secteur des machines de munitions pour armes légères, rendue célèbre avec son robuste pistolet MR73, utilisé notamment par la gendarmerie.

Avec 100 millions d’euros de commande, les perspectives de cette entreprise alsacienne créée en 1920 devraient pourtant être bonnes. Seulement, conséquence d’une gestion passée hasardeuse, il lui manque des fonds propres pour poursuivre son activité. Ainsi, en 2010, ses comptes étaient déficitaires de 2,5 millions d’euros, pour un chiffre d’affaires de 20 millions.

D’où la nécessité d’une augmentation de capital de 5 à 10 millions d’euros, ce qui lui permettrait d’honorer les contrats qu’elle a signés et de continuer à verser les salaires à ses 130 employés.

Après avoir été éconduit par le Fonds de consolidation et développement des entreproses (FCDE), Rémy Thannberger, le PDG de l’entreprise depuis 2010, a sollicité l’intervention de l’Etat. Ce dernier mettrait la main au portefeuille, via une prise de participation de Nexter et la société de revitalisation des territoires (Sofired). De même que la Sodiv, le fonds d’investissement du Conseil régional d’Alsace et Delta Defence, un groupe d’armement slovaque. Mais pour que l’opération puisse se faire, encore faut-il que tout le monde se mette d’accord. Ce qui n’est pas encore le cas.

En fait, compte tenu des contraintes réglementaires du secteur de l’armement, Delta Defence attend un engagement de l’Etat français avant de s’impliquer plus en avant dans le dossier. Et manifestement, les choses traînent, même si le groupe slovaque, qui deviendrait le premier actionnaire de Manurhin, a promis de ne pas délocaliser l’activité.

Pourtant, l’opération a obtenu le feu vert du président de la République et du ministère de la Défense. Dans ces conditions, l’on peut se demander pourquoi ce dossier tarde tant à aboutir. Le PDG de Manurhin a confié son idée sur cette question au quotidien L’Alsace.

« J’ai hélas pu constater, et je le regrette, que le patriotisme économique est une notion très relative dans certaines administrations : du coup, les décisions prises en faveur de Manurhin ont du mal — ou tardent — à être mises en œuvre. Cette situation me scandalise, à la fois comme chef d’entreprise et comme citoyen » a déclaré Rémy Thannberger, lors d’un entretien publié le 20 septembre dernier.

« Il me paraît en effet extravagant que les services de l’État et leurs responsables à un niveau élevé, puissent aller sciemment à l’encontre d’instructions gouvernementales. Dans ma conception de l’État, l’administration propose et le pouvoir politique dispose. Je n’accepterais pas que, dans le cas de Manurhin, ce soit l’inverse qui se produise » a-t-il ajouté.

En attendant, les salariés de Manhurin, qui étaient en grève le 25 octobre, attendent les résultats de la réunion du Comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri), prévue ce jour à Paris, et au cours de laquelle les acteurs du dossiers devraient finir par se mettre d’accord. « La situation a évolué dans le bon sens récemment, les investisseurs publics et les partenaires privés, dont le groupe Delta Defence, se sont engagés sur des modalités d’investissement, l’Etat s’est engagé sur un montant, mais il reste des ajustements à faire » a expliqué Rémy Thannberger, relativement confiant.

En revanche, si les blocages persistent, alors ce sera sans doute le dépôt de bilan, avec un coût social estimé à 25 millions d’euros, auquel s’ajoutera la perte d’un savoir-faire « unique au monde », comme l’affirme le site Internet de l’entreprise.

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