Ben Laden : Le commando américain a récupéré une masse importante de renseignements

Il ne sert à rien de chercher à connaître avec exactitude les circonstances de l’opération Geronimo qui a permis d’éliminer Oussama ben Laden, le chef d’al-Qaïda, le 1er mai dernier, à Abbottabad, cette ville-garnison située au Pakistan.

Depuis, différentes versions de cette opération ont été données par l’administration américaine et par le gouvernement pakistanais. Les seuls qui savent comment les choses se sont passées sont les membres de l’équipe Seal du Naval Warfare Development Group (DevGru) et les gens de la CIA.

Les autorités américaines ont pour habitude de ne jamais commenter les actions du Joint Special Operation Command (JSOC). Aussi, l’impression de cafouillage dans les déclarations qui ont été faites au sujet de l’élimination de Ben Laden sert avant tout à masquer le mode opératoire des commandos Seal, lequel n’a pas à être étalé sur la place publique.

« Les Américains ont besoin de comprendre que le raid était une opération clandestine et que si quelques aspects ont été révélés étant donné ses conséquences au niveau international, il est important de protégers les détails opérationnels » a fait valoir le Pentagone.

Peu importe, donc, qu’il y ait eu 24 ou 79 commandos ou encore que Ben Laden ait été armé ou pas lors de sa capture : seul le résultat compte. Quoi qu’il en soit, la disparition du chef d’al-Qaïda donne du grain à moudre. Certains experts estiment ainsi que le jihadisme est en perte de vitesse, parce qu’il a perdu à la fois sa figure emblématique et la face lors du « printemps arabe », comme si tous les pays concernés étaient semblables et sans savoir si les révoltes en cours vont réussir ou échouer. En Egypte, par exemple, que feront les Frères musulmans?

Et puis faut-il encore rappeler que sans la curiosité d’un vendeur ambulant, une voiture piégée aurait pu exploser à Times Square, le 1er mai 2010, soit un an avant la mort de Ben Laden? Et sans la présence d’esprit d’un passager du vol assurant la liaison Amsterdam-Détroit, le jour de Noël 2009, un jeune kamikaze nigérian aurait pu faire sauter un avion de ligne en vol.

Si ces deux tentatives avaient réussi (et elles ont échoué d’un rien), certains commentaires que l’on peut entendre et lire actuellement seraient sans nul doute différents. Et encore, l’on ne parle pas de la fusillade de Fort Hood, où une dizaine de militaires américains ont été tués par un officier médecin, radicalisé par Internet en lisant les prêches de l’imam d’origine américain al-Aulaqui, un membre d’al-Qaïda pour la péninsule arabique (AQPA) réfugié au Yémen.

L’opération américaine au Pakistan a certes tué Ben Laden, mais elle n’a pas mis fin à son idéologie. Le noyau dur d’al-Qaïda, le « canal historique » est certes considérablement affaibli. Mais il l’est déjà depuis relativement longtemps, ses dirigeants historiques ayant été progressivement neutralisés, que ce soit sous l’ère Bush ou celle d’Obama. Mais il a aussi essaimé de par le monde : dans la péninsule arabique, avec AQPA, au Maghreb (AQMI), en Somalie (Shebabs) et en Irak. Des liens ont été tissés avec d’autres organisations, qui partagent le fondamentalisme de Ben Laden : c’est le cas, par exemple, de la Jemaah Islamiyah en Indonésie, du Lashkar-e-Taïba et des taliban pakistanais, ou encore avec les mouvements radicaux islamistes du Caucase.

La disparition de Ben Laden peut être considérée comme une « victoire » politique de l’administration Obama mais d’un point de vue opérationnel, elle n’apporte rien de neuf car la direction d’al-Qaïda relève, depuis quelques années, d’Ayman al-Zawahiri, le numéro 2 de l’organisation. En revanche, ce n’est pas le cas des renseignements récupérés lors de l’opération Geronimo. Et plus que la mort du fondateur d’al-Qaïda, c’est sans doute l’accès aux informations qu’il détenait qui permettra de porter de nouveaux coups à la mouvance radicale islamiste.

Selon le directeur de la CIA, Leon Panetta, et son numéro 2, John McLaughlin, le commando du DevGru a mis la main sur une « mine d’or », c’est à dire sur une quantité « impressionnante » d’informations, contenues dans une dizaine d’ordinateurs et de disques durs ainsi que dans une centaine de CD, DVD et clés USB.

Etant donné que l’Inter-Service Intelligence, le service secret pakistanais, est fortement soupçonné d’avoir aidé Ben Laden, il est fort probable que les renseignements recueillis permettront d’en savoir plus sur cet aspect, voire même de découvrir d’autres éléments en rapport avec l’organisation des attentats du 11 septembre.

Il est également possible que la CIA, qui a mis en place une équipe dédiée pour exploiter la masse de documents, puisse en savoir davantage sur les réseaux de financement ainsi que sur les relations que le dirigeant d’al-Qaïda entretenait avec d’autres mouvements islamistes. Enfin, à partir de ces données, d’autres responsables de l’organisation terroriste pourront être localisés.

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