L’armurier Verney-Carron sera finalement repris par le français Rivolier, aux dépens du belge FN Browning

Établi à Saint-Étienne depuis 1820, l’armurier Verney-Carron, réputé pour ses armes de chasse, a connu plusieurs déconvenues au cours de ces dernières années. Candidat malheureux des appels d’offres lancés pour renouveler les fusils d’assaut et de précision des armées françaises, il avait relancé la marque Lebel [nom du célèbre fusil des Poilus de 1914-18, ndlr] afin d’accroître la visibilité de ses activités dans le domaine de la défense. Pour autant, cela ne lui permit pas de surmonter ses difficultés…

Aussi, en 2022, le groupe Cybergun, spécialiste des répliques d’armes « airsoft » prit une participation de 65 % au capital de Verney-Carron, avec l’objectif d’imposer la marque sur les marchés de la défense et de la sécurité. Un an plus tard, l’armurier stéphanois signa un accord-cadre avec la compagnie d’État Ukrspecexport pour livrer 10 000 fusils d’assaut VCD-15, 2 000 fusils de précision VCD-10 et 400 lance-grenades Le Matru aux forces ukrainiennes pour un montant estimé à 36 millions d’euros. Seulement, il n’y eut pas de suite.

La diversification de ses activités n’ayant pas donné les résultats escomptés et son chiffre d’affaires étant en recul, Verney-Carron accumula un passif de 20,4 millions d’euros… Ce qui lui valut d’être placé en redressement judiciaire, en février dernier. Restait alors à trouver un éventuel repreneur.

Très vite, le groupe belge FN Browning fit savoir qu’il avait déposé une « offre ferme de prise de contrôle majoritaire » de l’armurier français. Plus précisément, il s’agissait de prendre une participation de 70 % au capital de Verney-Carron Développement et de relancer son activité grâce à un investissement de « plusieurs millions d’euros » dans l’outil de production.

On pensait alors que l’affaire était « pliée ». Sauf qu’un autre acteur se mit sur les rangs pour reprendre Verney-Carron. Presque aussi ancien que ce dernier [il a été fondé en 1830 à Saint-Étienne], le groupe Rivolier s’associa au gestionnaire tchèque de grandes fortunes RSBC pour déposer également une offre de reprise.

Au regard de sa surface financière [environ 930 millions de chiffre d’affaires], FN Browning semblait le mieux placé pour prendre le contrôle de Verney-Carron. Sauf que le Tribunal de commerce de Saint-Étienne a pris d’autres éléments en considération. En effet, le 4 juin, il a estimé que le tandem formé par Rivolier et RSBC était le mieux placé pour assurer la pérennité de l’armurier.

Selon le quotidien Le Progrès, qui a eu accès au délibéré du jugement, si les deux projets étaient « incontestablement sérieux et réfléchis », le Tribunal de commerce a insisté sur la « très bonne connaissance de la société Verney-Carron, de ses produits et de ses compétences » par Rivolier, dont le chiffre d’affaires s’est élevé à 150 millions d’euros l’an passé.

« Ce choix nous oblige et nous honore. Nous nous sommes battus pour reprendre cette entreprise, nous devons maintenant la sortir de cette impasse managériale et économique dans laquelle elle se trouve depuis plusieurs mois », a commenté Arnaud Van Robais, le PDG du groupe Rivolier, cité par Le Progrès.

Le nouveau repreneur de Verney-Carron [65 % du capital, le reste devant être détenu par RSBC] est organisé selon quatre divisions : Nature, Outdoor, Equipol et Sécurité/Défense. Cette dernière s’est récemment étoffée avec le rachat du constructeur de drones Hexadrone, en mars.

Quant à RSBC, il a entamé une diversification de ses actifs en se tournant notamment vers le secteur de l’armement. En avril 2024, il a ainsi acquis 100 % du capital de l’armurier autrichien Steyr Arms.

Photo : Verney-Carron

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32 contributions

  1. Stakan Vada dit :

    On ne peut que se réjouir de cette décision.

    • Le Breton dit :

      Un point positif sur une décision française de votre part ? Il va neiger demain !

  2. Auguste dit :

    Il me semblait que les compétences en la matière et l’envergure de FN donneraient plus de garanties qu’un distributeur.Espérons.

  3. Kamelot dit :

    Dans la mesure où cela reste dans le giron d’une société française, cela ne fait pas de mal… À voir ce qui en résultera à l’avenir et quid de la production de petites munitions souveraine ?

  4. EchoDelta dit :

    Au moins les deux volets civils et militaires seront adressés dans un bon équilibre.

    • Czar dit :

      « seront adressés  »

      en poste restante ? Y pas que pour les afghans qu’il faut prévoir des cours de français

    • Robert Collins dit :

      Employer de cette manière le verbe adresser est autant un solécisme qu’un anglicisme, alors que le verbe aborder traduit parfaitement le concept que vous évoquez.

      Au moins, les deux volets civil et militaire seront abordés dans un bon équilibre.

      https://www.dictionnaire-academie.fr/article/DNP0260

  5. Kardaillac dit :

    L’article n’est pas clair sur le contrat ukrainien. VC a-t-il livré ou pas les fusils de précision ?
    Difficile à comprendre aussi que dans la période présente, un armurier aussi réputé se mette en faillite.
    Si la faute est aux « fondamentaux » de l’entreprise, les repreneurs auront du mal à redresser la barre.

    • Bastan dit :

      Fallait bien que certains politiciens gagnent des voix pour être élus. La politique c’est leur métier et gagne pain.

    • Convertor dit :

      « Les Ukrainiens ont besoin de beaucoup de matériels. Ils doivent donc faire des choix, dans l’enveloppe qui leur a été impartie. Ce sont bien eux qui font le choix final mais la France fait aussi valoir ses propres priorités et orientations. Et selon nos contacts ukrainiens, notre dossier n’a jamais été poussé auprès d’eux comme une priorité par la DGA, contrairement à celui de gros groupes, et ils ne valideront pas s’ils ne sont pas assurés du financement. Du côté français, on nous dit que ce sont les Ukrainiens qui choisissent… », relate Hugo Brugière. La Tribune, 20 février 2024.
      En clair, un contrat sans financement n’est pas un contrat, pour un industriel sérieux, qui ne peut pas se contenter de promesses, fussent-elles étatiques … Pas d’argent, pas de suisses ; pas de bras, pas de chocolat …

      • dolgan dit :

        En clair, les Ukrainiens ont trouvé des fusils ailleurs , sans doute de meilleure qualité et pour moins cher.

        Ils n avaient aucune raison de s interesser a VC autrement que sous forte pression Fr.

    • Rakam dit :

      @ Kardaillac…voilà la bonne question…une réponse serai la bienvenue…

  6. Bastan dit :

    Encore faudra-t-il leur passer des commandes et non des promesses de commandes par le canal des médias. Je reste persuadé par expérience qu’à l’issue du conflit ukrainien, quand les médias passeront à autre chose, que la priorité du réarmement ne sera plus la priorité. Les besoins financiers au niveau des budgets sont énormes pour la santé, les infrastructure, la réindustrialisation, la sécurité intérieure, la justice, etc…

  7. Lex dit :

    C’est bien que Verney Carron ne disparaisse pas,
    mais c’est quand même malheureux de constater qu’il faut des fonds d’investissements étrangers.
    Tout ça parce que nos banques font des difficultés à prêter aux entreprises de la BITD,
    soit disant pour respecter des engagements écologiques plus ou moins fumeux…
    Elle a bonne mine l’économie de guerre !

    • Courmaceul dit :

      Investissement, prêt, vous voyez une différence ou pas ?

    • JC dit :

      Accorder des prêts à des sociétés qui auront des difficultés à se faire payer par un client qui lui aussi a des difficultés financières, voilà un vaste programme.

    • Quant-à-soi dit :

      Soi-disant.
      Sans « t » à « soi » (c’est le pronom personnel, pas une forme du verbe « être ») et avec un trait d’union.
      Littéralement : disant de soi-même. Faisant état d’une qualité qu’on s’attribue soi-même.

      Soi-disant pour respecter des engagements écologiques plus ou moins fumeux…

      En toute rigueur, cet usage de « soi-disant » ne correspond pas à la définition précitée. En l’occurrence, il semble préférable d’utiliser « prétendument ».

      Prétendument pour respecter des engagements écologiques plus ou moins fumeux…

  8. Le Chouan dit :

    On ne peut qu’applaudir cette décision !

  9. kaiox dit :

    Vu le partenariat en cours avec les Belges dans CAMO, qui justement demandent plus de compensations, et vu la qualité du dossier de FN, c’est à se demander si on souhaite se facher avec eux alors qu’ils font partie des rares à faire des partenariat de défenses avec nous… et on risque de revoir Verney-Caron réaparaitre au tribunal de commerce dans quelques années vu la faible ampleur du repreneur…Je crains qu’on s’achète une bonne conscience à court terme au dépend du futur… (par contre on laisse tomber Vencorex ce qui menace toute une plateforme chimique alimentant défense et spatiale…)

    • Kardaillac dit :

      C’est un tribunal local, recentré sur les problèmes locaux. D’où Rivolier. Mais je pense aussi que le dossier repassera.

    • JDLF dit :

      Aux dépens de.
      Expression qui a plus à voir avec le nom dépense qu’avec le verbe dépendre.

      Aux dépens du futur.
      Être condamné aux dépens.
      Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute.

  10. Baudouin dit :

    Vraiment pas intelligent.

  11. Carin dit :

    Je constate que même le repreneur parle d’ »impasse managériale »…
    Je ne sait plus à qui je répondais que le plus gros problème de Verney-Carron provenait des options prises par la direction.
    J’espère que cette prestigieuse entreprise pourra être remise sur pieds, ses fusils de chasse étaient de pures merveilles, mais réservés à une certaine élite, qui est de moins en moins chasseuse.
    Et tout miser dans le fusil d’assaut sans rien apporter de plus que les autres, et surtout y investir beaucoup de subsides pour déclencher un contrat un peu/beaucoup par obligation avec l’armée française, c’est jouer à la roulette russe avec l’emploi de ses ouvriers.
    La direction de Verney-Carron n’a pas compris qu’à ce jeu, pour gagner, il ne faut pas se tirer une balle en pleine tête.

  12. LaMeuse dit :

    Oui, surtout quand c’est déjà un français qui contrôle HK.

    • JILI dit :

      Quel désastre dramatique dans cette région et dans bien d’autres en ce qui concerne l’armement individuel ! Ceci reflète parfaitement le nombre considérable d’entreprises Françaises de renommées mondiales que nous avons perdues dans tous les secteurs d’activités, et les dépôts de bilan incessants des PMI-PME, et tout ça, parce que chez nous, les Bureaucrates et les Technocrates dirigent le pays. Le pire est en train de se réaliser dans le secteur privé, et est bien dissimulé par nos politiciens car il est certain qu’ils craignent d’avoir à rendre des comptes. En 2024 et sans compter le remplacement des fonctionnaires partis normalement à la retraite, près de 65.000 ont été embauchés anormalement en plus, et ce chiffre a été donné car de nombreux spécialistes. Bref, l’état perpétue ses dettes démentielles, cherche toujours à les faire supporter aux Français et aux entreprises alors que déjà nous payons les charges et impôts les plus élevés d’Europe, et bien sûr ne fait quasiment rien pour réduire ses dépenses anormales.

  13. Scalp dit :

    je ne me prononce pas sur ses fusils de chasse mais en espérant que Verney Carron cesse de produire des grosses daubes comme le VCD-15

  14. Thomas dit :

    Je suis songeur sur cette opération.

    Auguste le précise, Rivolier est distributeur d’armes, ils expliquent d’ailleurs sur leur site qu’ils ont résolument fait ce choix au tournant des années 90 lors du changement de propriétaire, afin de mieux se concentrer sur la distribution, stoppant une fabrication qui était sous-traitée depuis les années 70.

    FN est toujours manufacteur d’armes, et ils avaient l’envergure nécessaire pour intégrer et relancer les productions de Verney au sein de leur propres gammes de produits, avec probablement de bonne synergies industrielles à la clef, sans compter les autres enjeux (CaMo et co).

    Le message envoyé par Rivolier est pour le moins étrange ; l’acquisition ces dernières années de nombreux autres distributeurs ne va pas dans le sens d’une stratégie de développement vertical telle que suggérée par ce rachat.

    L’intervention d’un obscur fond de l’Est dans cette opération ne donne pas un meilleur éclairage ; je suppose seulement que d’autres éléments, peut-être de nature politique, ont du joué dans cette décision.

    @ Vrai_Chasseur, une anecdote sur cette opération ?

    • Infini'Tifs Coiffure, 25 Bd de la Libération - 32100 Condom dit :

      Ils ont dû jouer.

  15. Thomas dit :

    Fait du Prince ? Revanche d’une guerre industrielle locale perdue il y a plus de 50 ans ?

    En tout cas, je m’étonne de l’attitude d’une entreprise qui fait désormais ses choux gras avec la distribution d’accessoires pour animaux de compagnie !!

  16. comtedeflandre dit :

    Ce n’est que partie remise, la FN mettra la main dessus pour moins cher quand les pertes seront encore plus importantes.
    Vous ratez le coche les frouzes de ne pas faire confiance à des vrais pros du marché international, dommage pour St Etienne qui va encore plus s’enfoncer dans la ruine