Pour le « Pacha » de la frégate Provence, les essaims de drones armés et l’IA vont « bouleverser » le combat naval
Pendant longtemps, même avec la généralisation de l’artillerie, la finalité du combat naval était de s’emparer du vaisseau de l’adversaire et non de le détruire. Puis, les choses ont évolué avec la torpille qui, bien qu’inventée au XIIIe siècle, a été utilisée à partir du milieu du XIXe siècle [lors de la Guerre de sécession, ndlr] pour couler les bateaux ennemis. Cette logique s’est ensuite renforcée depuis que l’on est entré dans l’ère du missile.
Avec les dernières évolutions technologiques, quels sont les armements susceptibles, aujourd’hui, de changer la façon dont sont menés les combats navals ? Interrogé à ce sujet par Marine & Océan, le capitaine de vaisseau Pascal Forissier a une idée précise de la réponse, pour avoir été le commandant de l’équipage A de la frégate multimissions [FREMM] « Provence » quand celle-ci était engagée en mer Rouge pour protéger le trafic maritime contre les attaques lancées par les rebelles houthis depuis le Yémen.
Ainsi, selon l’officier, les drones armés et les munitions téléopérées [MTO] seraient « assurément » en passe de « bouleverser » le combat naval, dans la mesure où ils représentent un « défi redoutable dans tous les milieux ». Mais une autre menace est en train de poindre : celle des drones sous-marins.
« Ce défi sera encore plus redoutable lorsque tous ces drones agiront en essaim, de façon à saturer nos forces », estime le capitaine de vaisseau Forissier. D’où l’utilité d’une capacité de combat collaboratif, illustrée par le système de veille collaborative navale que déploie la Marine nationale à bord de ses bâtiments.
Cela étant, le combat naval est sur le point de connaître une « autre révolution » avec les « armes à énergie dirigée » qui, selon le pacha de la Provence, « offriront une précision accrue et une capacité de tir illimitée ».
Curieusement, il n’a pas évoqué le canon électromagnétique, susceptible d’expédier un projectile à une vitesse hypersonique contre un navire adverse [l’Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis évoque Mach 8,7 pour le modèle qu’il est en train de développer, ndlr].
Toutefois, le CV Forissier estime que les « armes hypersoniques, […] plus difficiles à détecter et à intercepter, vont aussi représenter dans le futur une menace sérieuse dans le combat naval ». De telles armes existent déjà, avec le Zircon russe… Tout comme d’ailleurs la cyberguerre, qui « ne fera que croître », a-t-il dit.
« La protection de nos systèmes informatiques navals face à ces cyberattaques est une préoccupation croissante. Je suis persuadé que ces capacités de guerre cybernétique joueront un rôle crucial dans les conflits de demain », a développé le CV Forissier.
Enfin, la désormais incontournable intelligence artificielle [IA] va aussi « révolutionner la guerre navale en automatisant des tâches complexes, en améliorant la prise de décision et en permettant de couvrir le champ de bataille, terrestre ou aéronaval, de systèmes d’armes autonomes », a-t-il expliqué.
D’où, d’ailleurs, la stratégie SIGNAL [Supériorité Informationnelle pour la Guerre NavALe] que la Marine nationale a dévoilée en 2023. L’enjeu est de pouvoir, avec l’IA, prévenir toute menace grâce à la détection et à l’analyse de signaux faibles et en réduisant la boucle OODA [Observation, Orientation, Décision, Action]. « Ce raccourci va permettre de l’emporter dans un combat naval qui est par nature rapide, destructeur et décisif. Cet enjeu est véritablement crucial « , estime le CV Forissier.
Cela étant, celui-ci ne pense pas que des frégates rendues totalement autonomes grâce à l’IA auront un avenir. « Le niveau de complexité de ces bâtiments et de besoin en maintenance au quotidien est tel que j’ai du mal à imaginer que l’on puisse les opérer, dans la durée et loin de leurs points d’appui, sans intervention humaine », a-t-il dit.
Aussi, comme pour le Système de combat aérien du futur [SCAF] ou le MGCS [Main Ground Combat System / Système principal de combat terrestre], l’avenir du combat naval pourrait passer par une combinaison de navires « habités » et autonomes.
Voilà un officier qui se pose les bonnes questions, tant mieux. Pour les armes à énergie dirigée, est-ce ça englobe les canons de type « railgun » ? Je pensais que ça se limitait aux lasers. Quelqu’un peut me répondre, svp ? Merci.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Arme_%C3%A0_%C3%A9nergie_dirig%C3%A9e
@ Le Suren……
Un canon électromagnétique, propulse un objet inerte (sabot) à très grande distance, et très grande vitesse, sans sortir du fonctionnement d’un tube qui balance un obus classique, donc une munition non guidée, dont il faut calculer la courbe, pour obtenir un effet au plus près possible de la cible.
Une arme a énergie dirigée, ouvre un faisceau lumineux (laser), qui détruit sa cible par échauffement. La différence entre ces 2 matériels, est que le support du laser suit sa cible, et concentre son rayon au même endroit
(pour fondre la matière), ou aveugler (et griller), les senseurs visuels de sa cible.
Donc non, un canon électromagnétique n’est pas une arme à énergie dirigée.
Plutôt que l’anglicisme « senseur », vous pourriez envisager d’employer le mot capteur.
@Robert Collins…..
Oui, dès que vous utiliserez un pseudo qui ne fleure pas l’américano/anglais!
Il est regrettable que vous n’ayez pas la référence :
https://www.lerobert.com/dictionnaires/anglais/langue
Attention quand même au syndrome « jeune école » qui a coûté si cher à la marine française.
Les drones pour défendre une zone côtière : oui.
Pour combattre en plein océan et porter le feu de l’autre côté : c’est pas encore l’idéal.
On sait déja droniser des navires de grande taille.
Mais on passera sans doute par une étape intermédiaire. Une frégate peut transporter un ou deux drones ( a la place des zodiacs) d assez grosse taille.
Suffisant pour déporter des effecteurs (par exemple SHORAD)
Les BPC pourront aussi servir de bateaux mere
@LM
Il n’y a aucune raison objective pour interdire la haute mer aux drones. On sait déjà parfaitement concevoir de grands drones de surface.
A ce sujet, regardez le projet Seaquest de Naval Group : le Seaquest L mesure 60 mètres, un gabarit respectable de la taille d’une corvette. L’US Navy de son côté opère déjà 4 drones de la classe Sea Hunter (40 mètres) et voit encore plus grand dans un très proche avenir. La Chine développe aussi de son côté de grands drones de surface. Plus près de nous, la Marine des Pays Bas va mettre en œuvre 2 « navires auxiliaires » de 55 mètres de long, 9.8 mètres de large et 550 tonnes, dotés dans un premier temps de 8 hommes d’équipage puis entièrement dronisés à terme, destinés à accompagner les frégates de défense antiaérienne néerlandaise pour accroître leur puissance de feu, et leur capacités d’autoprotection face aux attaques saturantes.
Ce rapide tour d’horizon (non exhaustif) montre que nous ne sommes plus dans la science fiction, ou dans une lointaine démarche prospective et futuriste. Les grands drones de surface sont déjà une réalité, et ils vont même pulluler à partir des années 2030. Il faut s’y préparer et développer nos projets en ce sens, car comme le pressent le CV Forissier, les drones vont bouleverser le combat naval, et pas seulement en environnement côtier ou dans des mers fermées. La haute mer est un terrain de jeu qui leur est parfaitement accessible, et où ils ont toute leur place. Il suffit pour cela de concevoir des drones assez grands et dimensionnés pour affronter la haute mer. C’est très largement possible avec les technologies existantes, quoi qu’on en dise sur le « politiquement incorrect » de cette réalité, et quoi qu’en pense le CV Forissier, qui semble (ou fait semblant ?) de ne pas y croire.
L’US Navy de son côté opère déjà 4 drones de la classe Sea Hunter ? Pauvres drones, si jeunes et déjà si malades…
L’USN ferait mieux de le mettre en œuvre, de les utiliser, de les employer, de les exploiter, de s’en servir ou d’y avoir recours
De leS mettre en œuvre.
Exact. Merci.
On a l’impression que char, avion et frégate sont dépassés, ou doivent rester en arrière pour larguer et contrôler des meutes de combattantes de drones divers en avant, car il sont devenus des cibles trop cher et facile pour les missiles intelligent et drones d’attaque. Un combat a distance sans humains au contact. Demain les drones se battront entre eux, a moins qu’on sache les contrer efficacement et massivement. La victoire consisterait alors à assurer qu’une zone ne puisse plus être parcourue par des drones ennemis, et qu’alors seulement l’humains, les véhicules de transport, des bateaux de débarquement, peut l’occuper. L’Ukraine est la prémisse de cette évolutions, et les tonnages que la Chine construit pour Taiwan semble destiné a aller au fond !
La prémisse ou les prémices ?
Au vu du contexte, il s’agit plutôt des secondes.
https://www.academie-francaise.fr/premisse-premices
Les tonnages que la Chine construit pour Taiwan semblent destinés à aller au fond.
Car il sont devenus des cibles trop chères et faciles.
Les cibles sont chères, les cibles coûtent cher.
L’institut St Louis (franco/allemand), a pratiquement finit les essais du calibre optimal de son canon électromagnétique, et les futurs bateaux s’en verront doté, car seul un bateau peut fournir l’électricité nécessaire à la propulsion du sabot, sans compter celle qui sera nécessaire à l’ensemble du système IA comprise, car c’est bien une IA qui calculera la hausse du tube, et la puissance électrique nécessaire pour toucher la cible en mouvement, et situer sa position au moment de l’impact…
Le sabot ne détruira pas le bateau cible, mais le traversera de part en part, grâce à sa vitesse d’arrivée (on parle de Mach 7 à l’impact à 200km), ce qui endommagera définitivement tout ce qui sera sur la trajectoire du sabot, et mettra hors service la cible.
On parle d’un tir toute les 10 secondes.
Ce qui entraîne la question du maintient du
« tube » en bon état… et là… c’est pas encore suffisamment au point pour garantir son intégrité sur plusieurs centaines de tirs, car chaque tir produit une très forte chaleur.
Le sabot n’est pas le projectile.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Sabot_(militaire)
« Les futurs bateaux s’en verront dotés » ou « les futurs bateaux s’en verront doter », mais pas « les futurs bateaux s’en verront doté ».
L’institut a pratiquement fini.
Un tir toutes les 10 secondes.
Tous les Acadiens, toutes les Acadiennes : https://www.youtube.com/watch?v=Mwf9aIYLSTc
Quand on maintient en bon état, on assure le maintien en bon état.
@Carin
Il se murmure que les applications potentielles du canon électromagnétique pourraient d’abord résider dans des canons à tir rapide de petit calibre, à vocation antiaérienne. les applications d’artillerie navale (puis terrestre) de plus fort calibre arriveraient dans un second temps… du moins, si l’on parvient à résoudre les problématiques d’alimentation en énergie électrique (plus simple à résoudre sur un bateau que sur un véhicule terrestre), et surtout d’échauffement et d’usure du rail du canon. Pour mémoire, les USA s’y sont (provisoirement ?) cassé les dents.
dans le détail, l’ISL travaillerait sur deux démonstrateurs :
– Canon NGL-60, un lanceur de calibre 60mm capable de tirer des projetciles d’un kilo
– canon RAFIRA (Rapid Fire Railgun), lanceur de calibre 25mm poouvant des salves de projectiles à des cadences très élevées.
Le canon électromagnétique a déjà fait la preuve de sa faisabilité technique. Comme indiqué plus haut, ce qui conditionnera l’émergence, ou l’échec de cette technologie, c’est sa soutenabilité économique. S’il faut changer le rail tous les quelques tirs, et que le système nécessite de lourds et coûteux dispositifs de refroidissement actif, cette arme restera dans les laboratoires ou dans les musées, à la rubrique des « fausses bonnes idées »… dans le cas contraire, si on parvient à solutionner ces problèmes, cette arme apportera une grande valeur ajoutée sur les champs de bataille du futur.
@HMX….
Oui, vous avez raison, et c’est à cause de cette usure que produit le projectile à son passage, qu’ils envisagent dans un premier temps des petits calibres. D’ailleurs, il me semble qu’un article était paru sur OPEX.
Merci de ces précisions.
Pas très enthousiasmant de faire bcp d efforts pour concevoir des solutions sophistiquées et sans doute coûteuses simplement pour qu un navire de surface soit en mesure de surface.
Pourquoi ne pas miser sur des drones d attaque en oubliant les navires de surface habités ?
Peut être y a t il moyen de concevoir de petits drones sous marin d attaque portant un ou quelques missiles de petite charge limitée mais à très longue portée permettant de dégrader des infrastructures difficilement accessibles comme en Extrême Orient russe et sans recourir à des SNLE
Ces drones utiliseraient la très basse fréquence pour communiquer à-25m (donc vulnérabilité donc low cost). Navigation en surface la nuit pour accroître l autonomie.
Mais peut être y a t il un problème de manque de discrétion de la liaison de communication très basse fréquence qui condamne le concept.