Les États-Unis vont soutenir le programme japonais de planeur hypersonique pour 200 millions de dollars

En 2019, le ministère japonais de la Défense confirma que son agence dédiée aux acquisitions, à la technologie et à la logistique [ATLA] était en train de superviser deux projets d’armes hypersoniques pour assurer la défense des « îles éloignées », notamment celles situées en mer de Chine orientale, le long de l’archipel des RyÅ«kyÅ«.

Ainsi, il était question, à l’époque, de financer, à hauteur d’une cinquantaine de millions d’euros, des études sur un moteur de type Scramjet [ou superstatoréacteur] destiné à un missile de croisière hypervéloce [HCM – Hypersonic Cruise Missile].

Étant alors à un stade plus avancé, le second projet, appelé HGVP [Hyper Velocity Gliding Projectile] et confié à Mitsubishi Heavy Industries, portait sur le développement d’un planeur hypersonique propulsé par un lanceur à combustible solide.

Ces deux programmes devaient être complétés par un réseau de sept satellites pour permettre aux forces d’autodéfense nippones de s’affranchir des données de navigation issues de « systèmes étrangers ».

Depuis, seul le HGVP est régulièrement évoqué par le ministère japonais de la Défense, lequel s’est d’ailleurs récemment félicité du succès de quatre essais effectués depuis la cote Ouest des États-Unis [un en août 2024, deux en novembre 2024 et un en janvier 2025].

Le programme HGVP doit se dérouler en deux temps : afin d’accélérer le déploiement de cette nouvelle capacité, il est question de mettre d’abord au point une version dite « block 1 » qui, ayant une portée estimée pouvant aller de 500 km à 900 km, reposera sur des « technologies existantes ».

Viendront ensuite les versions « block 2A » et « block 2B », lesquelles bénéficieront de « capacités améliorées », dont un autodirecteur pour leur permettre de viser des cibles en mouvement, comme, par exemple, un porte-avions. Leur développement devant être achevé à l’horizon 2030, elles auront une portée allant de 2 000 à 3 000 km.

Seulement, le Japon ne possède pas forcément tous les éléments nécessaires à la réalisation d’un tel programme. D’où le recours aux États-Unis, lesquels ont développé une arme similaire, appelée « Dark Eagle [ex-Long-Range Hypersonic Weapon – LRHW], pour les besoins de l’US Army et de l’US Navy.

En effet, le 10 mars, la Defense Security Cooperation Agency [DSCA], chargée des exportations d’équipements militaires américains, a recommandé au Congrès d’accepter la vente au Japon de « planeurs hypervéloces et d’équipements connexes » pour un montant estimé à 200 millions de dollars.

Le Japon « a demandé l’achat d’équipements et de services pour soutenir sa capacité de planeurs hypervéloces [HGVP] », a indiqué la DSCA, sans livrer plus de détails, si ce n’est que les prestations en question seront fournies par le gouvernement américain.

La vente proposée « de cet équipement et de ce soutien améliorera la capacité du Japon à faire face aux menaces actuelles et futures en assurant la défense des îles éloignées. […] Elle ne modifiera pas l’équilibre militaire fondamental dans la région », a justifié la DSCA.

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21 contributions

  1. HMX dit :

    Bravo aux japonais. Nous avons nous aussi besoin d’un programme équivalent, qui pourrait être fédérateur en Europe.

    Les programmes français dans l’hypersonique sont actuellement au nombre de deux :
    – Le planeur VMaX, qui a effectué son 1er vol en juin 2023 avec succès, et qui devrait être suivi par un VMaX 2,
    – L’ASN4G, missile air-sol destiné à remplacer l’ASMP-A.
    Ces deux programmes ont un point commun : ils sont imaginés exclusivement pour emporter une charge nucléaire, dans le cadre plus large du renouvellement des moyens de notre dissuasion. Il s’agit là d’une spécificité franco-française tout à fait regrettable.

    En effet, la totalité des pays qui se dotent d’armes hypersoniques prévoient un usage conventionnel (le plus souvent dual pour les pays dotés : nucléaire et conventionnel). Les armes hypersoniques seront bientôt incontournables pour espérer détruire des cibles de haute valeur, très protégées, et potentiellement mobiles (navires notamment). Pourquoi renoncer, ou renvoyer aux calendes grecques, le développement d’armes hypersoniques à charge conventionnelle alors que tous les autres pays le font ?

    La France pourrait prendre le leadership européen en la matière, en s’appuyant justement sur l’expérience de ses programmes hypersoniques à vocation nucléaire. On pourrait par exemple imaginer :

    – Un missile balistique tiré du sol ou d’un navire, type MRBM d’environ 5000km de portée, emportant un planeur hypersonique manÅ“uvrant à charge conventionnelle (et optionnellement à charge nucléaire, si la France décidait d’étendre sa dissuasion à d’autres Etats européens partenaires et financeurs de ce programme),
    – Un missile de croisière hypersonique à longue portée (2 000km ?),
    – Un missile air-air hypersonique avec une portée >400km, pour répondre à la menace du R37 russe et ses équivalents chinois,
    – Un missile anti-missile hypersonique : c’est l’objet du programme Aquila, mené par un consortium européen dirigé par MBDA. Dans le contexte actuel, nous aurions tout intérêt à « passer la seconde » sur ce programme, avec un financement et un planning considérablement accélérés.

    • KOUDLANSKI Romain dit :

      Ce serait bien de faire ça, en espérant que les Européens nous suivent et deviennent partenaire de ces programmes.

    • Roland Desparte dit :

      Bonjour HMX,
      Le programme de bouclier hypersonique à capacité d’interception endo-atmosphérique (100 km d’altitude), basé sur le missile Aquila de MBDA France [programme HYDIS, pour HYpersonic Defense Interceptor Study], réunit la France, l’Italie, l’Allemagne et les Pays-Bas, mais selon MBDA il ne devrait pas être opérationnel avant 2030… Et pourtant, ça urge !
      https://blog.ametragroup.com/comment-missiles-hypersoniques-revolutionnent-defense-europeenne/
      Les nouveaux SAMP/T NG, également capables d’intercepter des missile hypervéloces, devraient eux être opérationnels en 2027.
      Le V-MaX-2 devrait voler en 2025… (Opérationnel en 2030-2035 ?)
      https://ihedn.fr/notre-selection/hypervelocite-autrefois-pionniere-la-france-a-nouveau-dans-la-course/
      Par ailleurs, 5 000 km de portée ce n’est plus un MRBM (Medium Range Ballistic Missile) mais un IRBM (Intermediate Range Ballistic Missile), genre Super-Pluton ou Pluton NG à portée étendue, à charge conventionnelle ou nucléaire). Note : Nos Pluton ont malheureusement étaient démantelés en 1993 ; c’étaient des SRBM (Short Range Ballistic Missile), et déjà à l’époque, le Pluton était assisté d’un drone de tir ! Nous étions en avance, nous avions la technologie, et c’était un bon moyen pour faire passer un message à l’adversaire : Dernier avertissement ! (Peut-être aussi un moyen efficace pour “offrir“ notre parapluie ?)
      Enfin, n’oublions pas l’urgence de notre “tueur de satellite“ Yoda (Programmes Ares & Egide). La DGA envisageait le lancement d’un démonstrateur en 2025…
      https://www.defense.gouv.fr/comment-france-se-prepare-conflit-spatial/ares-dga-prepare-notre-maitrise-lespace

      • HMX dit :

        @Roland Desparte
        Les dates indicatives d’entrée en service que vous mentionnez sont exactes… dans le monde « d’avant », celui du temps de paix, où les budgets étaient serrés et les menaces encore lointaines. Depuis Trump, le monde a changé. Un des grands enjeux actuels, notamment sur les sujets qui touchent à la défense sol-air jugée prioritaire, c’est d’accélérer significativement. Ces dates et ces délais ont donc vocation à être redéfinis, conjointement avec les partenaires et les industriels concernés.

        Par exemple, on espère que MBDA soit en capacité de booster le programme Hydis, pour une mise en service avant 2030, avec une capacité à anticiper la phase de production en série à un rythme soutenu. Une fois encore, un engagement de commande ferme constitue le meilleur argument pour motiver l’industriel…

      • C'était l'été dit :

        Nos Pluton ont malheureusement été démantelés en 1993.

    • Bloodasp dit :

      @HMX: Patience jeune padawan, attendez que les budgets soient débloqués, normalement il est prévu qu’on remette au goût du jour des MRBM mobile, ie verrais bien un recyclage des M45 avec planeur hypersonique dessus.
      Maintenant attention à ne pas trop se disperser, dans l’immédiat je pense qu’il faut remettre d’aplomb nos forces conventionnelles, +de Rafale, + de bateaux, +de chars… et surtout regarnir les stocks de munitions, une fois cette étape passée, ce qui devrait au bas mot prendre 5 à 10 ans, concentrons nous sur la production de masse des armes hypersonique.

      • HMX dit :

        @Bloodsap
        Le « recyclage » de M45 est en effet une piste franco-française… et il est certain que la France pourrait sans difficultés majeure produire seule un nouveau missile. Mais ce n’est pas l’enjeu ! L’enjeu consisterait justement à créer une dynamique d’adhésion autour de cet « Euromissile », en fédérant plusieurs pays autour de la conception d’un nouveau missile, avec son véhicule lanceur et son planeur hypersonique (la charge nucléaire embarquée restant sous clé française).

        La dimension symbolique serait en effet essentielle dans un tel projet, chaque pays ayant la responsabilité (et la fierté, point à ne pas négliger…) d’apporter sa contribution à l’édifice d’une dissuasion à l’échelle européenne.

  2. Stakan Vada dit :

    Tu m’étonnes que nos ex alliés américains soutiennent le Japon. Ce seront, avec les Philippines, leurs proxy face aux chinois.

    • desi dit :

      Les philippins ne font absolument pas le poids pour être un proxy crédible

    • Carin dit :

      @Stakan Vada…… Vous avez tout compris, au grand frère américain.
      Son problème est la Chine continentale, il caresse donc dans le sens du poil, le seul vrai « partenaire » du coin…. Le Japon….. ennemi héréditaire de la Chine continentale.
      Mais pour que le Japon se concentre uniquement sur la Chine, il faut lui supprimer le problème Russe… ça fait 15 ans que chaque président américain, nous dit que le problème Russe est pour l’Europe, car il ne peut se battre sur 2 front a plus de 10 000 km de chez lui.
      Aujourd’hui Trump s’enferre tout seul dans ses délires (il veut taxer les produits français à 200%…), mais cela nous donne une indication très sûre de quel pays les States craignent en Europe…..
      La stratégie de Macron, est non seulement la bonne, mais elle va payer, même en partie, en ralliant sous sa bannière nombre de pays européens… certes pas tous les plus gros (voir l’insistance polonaise pour obtenir des B61-12 sur son sol en lieux et places de l’Allemagne).
      Allemagne d’ailleurs qui commence à rêver de pouvoir se débarrasser du joug américain (c’est pas gagné).
      La stratégie de Trump est de taper très très fort… à côté du clou à planter, pour démontrer qu’il peut le planter d’un seul coup…
      L’Europe a la réponse à cette façon de faire… il faut s’attendre à de grands bouleversements si l’Europe choisie de substituer le clou, que les states pensent qu’elle est, par l’enclume, qu’elle peut être…. Un marteau n’a jamais fait mal à une enclume, mais l’onde de choc en retour à cassé de nombreux poignets!
      Le mode de vie américain, à un besoin presque vital des produits européens…

      • Choisir, c'est renoncer dit :

        Si l’Europe choisit la substitution, la substitution sera choisie.

    • Lalande dit :

      @Stakan Vada

      Effectivement, si guerre il y a dans la région, les USA auront besoin de proxys et pas seulement d’alliés. (Tiens, comment dit-on « proxy » en français ?)

      Je ne comprends pas pourquoi, sur ce site entre autres, certains parlent de cette possible guerre comme si elle allait se dérouler dans un monde où les armes nucléaires n’existeront plus. Comme si on allait simplement rejouer le volet Pacifique de la seconde guerre mondiale, avec la Chine dans le rôle du Japon (pre-Hiroshima).

      Mais… non, de même qu’on aurait pas imaginé Biden envoyant des GI’s au Dombass affronter les Russes, les USA et la Chine ne pourront pas vraiment s’affronter directement. Toute la question sera de savoir jusqu’où ils pourront le faire sans que ça parte en escalade nucléaire. J’enfonce-là des portes ouvertes mais pour certains elles semblent fermées.

      Perso, cette guerre, je n’y tiens pas du tout. Facile à dire, bien sûr, mais quand même je la sens pas.

  3. Benoit dit :

    Vu le prix de la bête, je ne suis pas convaincu.
    Ne vaut il pas mieux lancer 10 missiles dont certains seront intercepté qu’un seul?

    • Carin dit :

      @Benoit…..
      Le problème, est que l’on parle de missiles nucléaire… vous ne pouvez pas en envoyer 10 pour espérer le passage d’un seul… pour la simple raison que si plus d’un passent, vous faite un bond, de l’avertissement (c’est la raison d’un ASMP/A), à l’attaque, qui elle risque fort d’entraîner une riposte totale, et adieu le monde.

    • VinceToto dit :

      La Chine maitrise très probablement l’interception d’autres types de missile. Les dégâts que peuvent faire les missiles hypersoniques sur/sous des bunkers et etc. sont plus importants que ceux que peuvent faire les missiles de croisière subsoniques. De plus, ils peuvent aussi être très utiles grâce à leur rapidité, quelques minutes, pour neutraliser des défenses AA mobiles terrestres (voir navales pour ceux qui maitrisent bien l’hypersonique) à des centaines de km, voir plus. Pour ce qui est du prix, il est fort probable que les Russes et Chinois les produisent à beaucoup moins cher que les Storm Shadow/TAURUS/Tomahawk. Si les Japonais ne se laisse pas gangréner par la coruption et l’incompétence, ils pourraient avoir des solutions correctes vers 2030.

      • Avekoucenzeh dit :

        Plutôt que le verbe « voir » (dont ce n’est pas le sens), c’est l’adverbe « voire » qui convient pour dire « et même ».

        Pour neutraliser des défenses AA mobiles terrestres (voire navales pour ceux qui maitrisent bien l’hypersonique) à des centaines de km, voire plus.

    • ji_louis dit :

      Une fois qu’on peut en faire un à coup sûr, on peut en faire 10.
      Les bombardements en Ukraine montrer que les missiles non-interceptables donnent des résultats terribles.

  4. PHILIPPE dit :

    c’est la concrétisation du report engagé par les américains sur la zone Indo-Pacifique.

  5. MERCATOR dit :

    « En effet, la totalité des pays qui se dotent d’armes hypersoniques prévoient un usage conventionnel (le plus souvent dual pour les pays dotés : nucléaire et conventionnel). »

    Le problème réside dans le fait que rien ne permettra de savoir au pays attaque de quel type de charge, il s’agit et donc dans le doute, l’option de réponse nucléaire sera automatique en retour .
    Ce type d’arme est inemployable pour attaquer une puissance nucléaire à moins de vouloir sa propre vitrification en réponse programmée .

    • Frédéric dit :

      Dans les années 2010, quand les États-Unis étaient plus  »raisonnables », le Congrès avaient refusé que l’on embarque des charges conventionnelles sur les Trident II des Ohio pour éviter des méprises.

  6. LEONARD dit :

    DOGE n’est pas encore passé au Pentagone, manifestement.