Bénin : Une attaque lancée par des jihadistes présumés a fait au moins 28 tués dans les rangs de l’armée

En février 2021, à l’issue d’un comité exécutif dédié au contre-terrorisme qui venait de se tenir sur la base aérienne d’Orléans-Bricy, Bernard Émié, alors Directeur général de la sécurité extérieure [DGSE], avait expliqué que les groupes jihadistes implantés au Sahel nourrissaient le projet d’étendre leur influence vers le golfe de Guinée, en particulier en Côte d’Ivoire et au Bénin. Cela était surtout vrai pour le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans [GSIM], lié à al-Qaïda.

Seulement, après les coups d’État survenus au Mali, au Burkina Faso et Niger, la France a dû retirer ses troupes jusqu’alors déployées dans ces pays et mettre un terme à l’opération de contre-terrorisme Barkhane. Et, visiblement, les groupes jihadistes ont désormais le champ libre, comme l’a laissé entendre Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, à l’antenne de CNews, le 8 janvier.

« En général, lorsque nous sommes partis [du Sahel], la lutte contre le terrorisme ne s’est pas poursuivie. C’est, du reste, un enjeu majeur pour nous », a-t-il dit. Évoquant le Burkina Faso, le ministre a donné le bilan de 2 500 civils tués lors d’actes terroristes depuis que les forces françaises en sont parties.

Le cas du Burkina Faso est symptomatique. En juillet dernier, un rapport des Nations unies sur la mouvance jihadiste a expliqué que le GSIM jouissait d’une « liberté d’action considérable dans l’ensemble » de ce pays et qu’il accentuait la « pression sur diverses localités tout en se déplaçant vers le sud ».

« Dans le nord [du Burkina Faso] il a été signalé un renforcement du sanctuaire à Djibo, où Ansarul Islam, qui lui est affilié, opère sous le commandement de Jafar Dicko. Dans cette région, Ansarul Islam maintient le blocus des villages et des villes et intensifie ses attaques sur les routes menant vers le sud. Il a également consolidé son sanctuaire autour de la ville de Pama dans le sud-est, aidant à organiser les corridors logistiques depuis le Mali et renforçant ainsi sa stratégie d’expansion vers le sud », a détaillé ce rapport, avant de qualifier cette situation de « particulièrement alarmante ».

Si la Côte d’Ivoire est relativement épargnée par les attaques jihadistes, ce n’est le cas ni du Togo, ni du Bénin.

Dans un rapport sur la situation en Afrique de l’Ouest qu’il remis au Conseil de sécurité le 2 décembre, Antonio Gutteres, le secrétaire général de l’ONU, a souligné que ces deux pays « continuent de subir des attaques violentes dans les régions limitrophes du Sahel central ». Et de pointer le GSIM, lequel a revendiqué plusieurs actions au Togo, dont l’attaque d’un avant-poste militaire à Kpinkankandi, [12 soldats tués] et l’explosion d’un engin explosif improvisé [EEI ou IED] près de Kankati.

Quant au Bénin, il a déploré une attaque commise par le GSIM dans le Parc national du W, en juillet dernier [12 tués]. Mais sans doute ne s’agit-il que d’un début…

En effet, le 8 janvier, dans une région située aux confins du Niger, du Burkina Faso et du Bénin, une attaque attribuée aux jihadistes a fait au moins vingt-huit tués dans les rangs de l’armée béninoise.

« Vingt-huit éléments des forces de défense et de sécurité ont été tués. L’attaque a eu lieu au niveau du triple point », a indiqué une source militaire haut placée béninoise à l’AFP. « Nous poursuivons le ratissage. Pour le moment 40 assaillants ont été neutralisés », a-t-elle continué.

Un source diplomatique sollicitée par l’AFP a rappelé que 121 soldats béninois ont été tués entre 2021 et décembre 2024. « Actuellement, il est clair que la menace s’intensifie, plus la situation au Niger et au Burkina Faso se dégrade, plus c’est dur pour le Bénin », a-t-elle ajouté, en soulignant que l’armée béninoise était « toujours en construction ».

« Il y a des résultats, l’armée béninoise arrive à tuer des terroristes mais elle ne veut pas communiquer dessus donc ce n’est pas toujours visible – notamment pour ne pas informer les djihadistes de leur stratégie et parce que c’est anxiogène », a-t-elle expliqué.

Cela étant, le 27 novembre, le Conseil des droits de l’Homme des Nations unies a salué « l’approche holistique » suivie par Cotonou en matière de lutte contre le terrorisme.

« Le Bénin a fait preuve d’une approche tournée vers l’avenir en alliant des mesures de sécurité avec des stratégies de développement », a en effet a déclaré Ben Saul, rapporteur spécial de l’ONU sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste.

« Les groupes terroristes exploitent souvent les griefs des communautés, tels que les inégalités persistantes et la perception de marginalisation. [Aussi] Les efforts visant à accélérer le développement inclusif et participatif, en particulier dans les régions du nord, sont essentiels pour renforcer la résilience à la radicalisation », a-t-il a poursuivi, avant de noter que le Bénin avait « renforcé la sécurité aux frontières pour empêcher l’entrée de terroristes en augmentant la présence de la police, de l’armée et des autorités frontalières, tout en offrant l’hospitalité aux réfugiés des pays voisins du Sahel.

Photo : Soldats béninois