L’armée russe affirme avoir détruit un blindé AMX-10P français… qui n’a pas été officiellement livré à l’Ukraine

En juin 2023, l’armée russe avait revendiqué la destruction d’un char Leopard 2 ukrainien par un missile antichar 9K121 Vikhr tiré par un hélicoptère d’attaque. Et elle avait même diffusé les images de cette séquence. Mais sans doute aurait-elle dû s’abstenir car si l’engin visé était bien de conception occidentale, il s’agissait en réalité d’une machine agricole américaine, en l’occurrence un pulvérisateur automoteur John Deere 4830.

Cela étant, cette communication avait été faite à un moment crucial puisque les forces ukrainiennes venaient de lancer leur contre-offensive. En clair, si la ficelle pouvait sembler grosse pour un œil averti, elle ne l’était pas pour un public peu au fait des questions militaires. Aussi, on ne pouvait écarter une tentative de manipulation.

Qu’en est-il de la dernière annonce faite par Moscou ? Ainsi, le 28 novembre, le service de presse de la Garde nationale russe a annoncé la destruction d’un véhicule de combat d’infanterie [VCI] AMX-10P, de conception française, dans la région de Koursk, où l’armée ukrainienne a réalisé une percée en août dernier. Selon les explications qu’il a données, l’engin a été victime d’une mine, avant d’être atteint par une munition téléopérée [MTO]. Des images de cette attaque ont été diffusées par l’agence officielle TASS.

« L’opérateur d’un drone de la Garde russe a détruit un véhicule de combat des forces armées ukrainiennes dans la région de Koursk. Un véhicule blindé de transport de troupes, vraisemblablement un AMX-10P de fabrication française, a été immobilisé puis détruit », a relaté cette dernière.

Seulement, si, en février 2023, il a été question de donner aux forces ukrainiennes des AMX-10P retirés du service depuis près de dix ans, aucun ne leur avait officiellement été livré au 1er juin 2024. Certes, cela n’empêche pas que quelques exemplaires ont pu être envoyés en Ukraine depuis… Mais aucune communication n’a été faite sur ce sujet par le ministère des Armées.

En outre, il n’est pas prévu d’en fournir à la brigade Anne de Kyiv, laquelle vient de terminer sa formation dans les camps de l’armée de Terre situés dans l’est de la France [il est question de 128 véhicules de l’avant blindé, de 18 CAESAr, de 18 blindés de reconnaissance AMX-10RC et de 10 camions TRM, ndlr].

U regionu Kursk, gde su ukrajinske snage izvršile invaziju, ruska Rosgvardija, koristeći bespilotnu letelicu uništava oklopni transporter, verovatno francuski AMX-10P, prenosi TASS. pic.twitter.com/CrfAc7F7JZ

— Oruzje Online (@oruzjeonline) November 28, 2024

Pourtant, une MTO russe a bien frappé un blindé de conception occidentale… Même si la qualité des images diffusées par TASS est médiocre, quelques détails suggèrent qu’il ne s’agit pas d’un AMX-10P. L’accès à ce véhicule se fait par l’arrière, à l’aide d’une rampe, percée de deux portes et de deux meurtrières.

Or, le véhicule visé compte deux portes qui ne sont pas scellées dans une rampe. Deuxième élément : la forme de la caisse est légèrement arrondie, ce qui n’est pas le cas de l’AMX-10P, qui est anguleuse. Enfin, on constate une trappe circulaire, assez large, sur le côté droit de l’engin. Or cela ne correspond pas au blindé de conception française.

En revanche, ce véhicule pourrait être un Pansarbandvagn 302 [ou Pvb 302] de conception suédoise. En mai dernier, Stockholm avait annoncé qu’entre 180 et 239 exemplaires seraient déstockés pour être livrés à l’armée ukrainienne. Les premiers blindés ont été mis en service en octobre.

Photo : copie d’écran