Pour compenser le don de Mirage 2000-5F à Kiev, l’armée de l’Air veut accélérer les livraisons de Rafale F4

Le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, l’a encore rappelé lors d’un entretien accordé à CNews, le 21 novembre : les cessions d’équipements militaires français à l’Ukraine ne doivent pas détériorer notre modèle de sécurité et de défense. Or, la décision de livrer six Mirage 2000-5F [soutien compris] à la force aérienne ukrainienne va déroger à ce principe étant donné qu’elle va hâter le retrait de ce type d’appareil, que l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE] comptait utiliser jusqu’en 2030.

Pour rappel, au 31 décembre 2023, 28 Mirage 2000-5F étaient en service au sein de l’AAE. Ces appareils sont exploités par le Groupe de chasse 1/2 Cigognes, unité référente en matière de défense aérienne, ainsi que par l’Escadron de chasse 3/11 Corse, qui mène régulièrement des missions dites SUCAP [Surface Close Air Protection] aux abords du détroit de Bab el-Mandeb, en mer Rouge.

Dans l’avis budgétaire sur la « Préparation et emploi des forces – Air » qu’il a récemment publié, le député Frank Giletti [RN] a prévenu que les « cessions de Mirage 2000-5 occasionneront […] un report d’activité sur la flotte de Rafale et de Mirage 2000D rénovés au risque d’un accroissement inévitable des coûts de Maintien en condition opérationnelle [MCO] et d’une dégradation de leur disponibilité. Elles accéléreront également sous toutes réserves le retrait du service opérationnel du Mirage 2000-5 ».

Aussi, selon le député, la seule solution pour y remédier, consisterait à « anticiper les livraisons issues de la 5ème tranche de Rafale au standard F4 », ce qui serait un « compromis respectable pour limiter le ‘trou capacitaire’ consécutif aux diverses pertes et cessions ».

Lors d’une rencontre avec l’Association des journalistes de défense [AJD], le 20 novembre, le chef d’état-major de l’armée de l’Air [CEMAAE], le général Jérôme Bellanger, a partagé ce constat et prôné la même solution.

Aujourd’hui avec les journalistes de l'@AJDPresse. Très haute altitude, SEAD, guerre en Ukraine, protection de nos bases aériennes… L'occasion de revenir sur les défis de l'@Armee_de_lair et d'échanger autour de ma vision pour une puissance militaire aérospatiale. pic.twitter.com/68W2YUCW46

— Chef d'état-major armée de l'Air et de l'Espace (@CEM_AAE) November 20, 2024

« Ces dons [de Mirage 2000-5F] vont percuter le format de l’aviation de chasse. Par exemple, cela aura un effet sur l’usure des Rafale, qui devront voler davantage. Le ministère l’a compris et on regarde comment on peut pallier cette cession », a-t-il dit, selon des propos rapportés par le quotidien Les Échos.

Et cela passe par une accélération de la livraison des 42 Rafale F4 commandés en janvier 2024 par le ministère des Armées pour 5 milliards d’euros, au titre de la 5e tranche de production. Le premier exemplaire doit être livré à l’AAE en 2027. L’objectif est que cette dernière puisse aligner 137 Rafale et 48 Mirage 2000D rénovés au terme de la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30.

En clair, le ministère des Armées compte sur Dassault Aviation pour accélérer sa cadence de production de Rafale. En mars dernier, son PDG, Éric Trappier, avait indiqué que celle-ci passerait à 3 avions par mois d’ici la fin de cette année.

« Nous passons d’une cadence, qui était quasiment inférieure à un en 2020, où cela devenait vraiment critique, à une cadence 3. Aujourd’hui, nous sommes à cadence 2 », avait expliqué M. Trappier, lors de la présentation des résultats de Dassault Aviation pour l’exercice 2023. Et d’ajouter que, malgré les « difficultés récurrentes » de la chaîne de sous-traitance, il serait possible de porter le rythme de production à quatre Rafale par mois, à condition d’obtenir de nouvelles commandes. « L’usine de Mérignac est capable de soutenir une telle cadence », avait-il assuré.