Danemark : Une enquête constate des irrégularités lors du choix de l’obusier ATMOS aux dépens du CAESAr

En janvier 2023, après s’être mis d’accord avec la France, le Danemark fit part de sa décision de céder à l’armée ukrainienne les 19 CAESAr 8×8 [Camions équipés d’un système d’artillerie] que Nexter [devenu KNDS France depuis] devait lui livrer. Logiquement, on pensait alors qu’il notifierait à l’industriel français une nouvelle commande portant sur autant de pièces. Mais c’était faire fausse route.

Une semaine après l’annonce du don des CAESAr à Kiev, le ministère danois de la Défense annonça qu’il entamerait des discussions exclusives avec le groupe Elbit Systems afin de se procurer 19 obusiers automoteurs ATMOS 2000 pour 105 millions d’euros ainsi que 8 lance-roquettes multiples [LRM] PULS pour 127 millions d’euros.

Le moment de sidération passé, KNDS France contesta cette décision. « Le CAESAr a fait ses preuves sur le champ de bataille, en Ukraine. Les soldats danois peuvent les utiliser et les pièces sont compatibles avec les systèmes informatiques de défense danois. Pour ces trois raisons, il serait inapproprié pour le ministère d’acheter à la place un système israélien qui ne répond à aucun des critères », fit-il valoir.

Mais ces arguments n’eurent aucun effet, le ministère danois de la Défense ayant mis en avant la capacité d’Elbit Systems à livrer rapidement les ATMOS 2000 commandés.

Quoi qu’il en soit, après qu’il leur avait été expliqué que les offres faites par Elbit Systems étaient sur le point d’expirer, les députés danois n’eurent pas d’autre choix que de valider les commandes d’ATMOS 2000 et de PULS. Était-ce une façon de forcer leur consentement ?

En tout cas, quelques mois plus tard, il apparut que le ministère de la Défense leur avait communiqué des « informations erronées » au sujet de ces deux marchés… Et que son Agence du matériel et des achats [FMI] avait écarté d’autres offres sans s’être donnée la peine de les examiner.

Face à la polémique, Jacob Ellemann-Jensen, alors ministre de la Défense par intérim, présenta ses plus plates excuses devant le Folketing [Parlement] et fit « sauter un fusible », en l’occurrence Morten Bæk, c’est-à-dire le secrétaire d’Etat permanent de son ministère au moment des faits [il fut « recasé » au ministère des Finances quelque semaines plus tard, ndlr].

Cela étant, l’affaire n’en resta pas là puisque, par le suite, le gouvernement danois confia au cabinet d’avocats Bruun & Hjejle le soin de mener une enquête judiciaire indépendante sur les modalités de l’achat des ATMOS 2000 et celui des PULS. Ce dernier a remis ses conclusions le 13 novembre.

Au passage, en avril dernier, le ministère danois de la Défense a été contraint d’admettre que les ATMOS 2000 ne lui seraient pas livrés aussi rapidement qu’il espérait, leur mise en service ne devant pas être effective avant 2026…

Reste que l’enquête de Bruun & Hjejle a mis en lumière des erreurs et des « irrégularités » dans la procédure de passation des marchés commises notamment par la FMI.

Outre les « erreurs » sur les informations relatives à la validité des offres d’Ebit Systems dans le temps, le cabinet Bruun & Hljejle a déterminé que la FMI n’avait pas suivi ses « procédures normales » en matière d’acquisition et qu’elle avait « favorisé Elbit sans regarder si d’autres industriels pouvaient fournir des équipements similaires à des conditions identiques ou meilleures », résume le journal Politiken.

Une autre point soulevé par l’enquête porte sur un arrangement à l’amiable que la FMI a trouvé avec Elbit Systems afin de mettre un terme à une procédure judiciaire intentée par le groupe israélien en 2020. La signature de ce dernier coïncide avec l’annonce de l’ouverture de discussions sur l’achat des ATMOS 2000 et des PULS.

Cependant, le cabinet d’avocat n’a pas été en mesure de déterminer si cet accord, tenu secret [ou du moins caché], a eu ou non une influence sur cette décision. Mais, selon lui, il aurait été « pertinent » et « nécessaire » que la FMI fasse la lumière sur les circonstances et les modalités de cet arrangement.

Cela étant, comme elle ne s’est concentrée que sur les pièces écrites du dossier, l’enquête n’a pas non plus permis d’établir des « responsabilités individuelles ». Cette tâche incombera, le cas échéant, au ministère danois de la Défense, qui, désormais, parle de « l’affaire Elbit ».

« L’enquête confirme clairement que plusieurs erreurs ont été commises dans l’affaire Elbit. Je la prends naturellement très au sérieux », a commenté Troels Lund Poulsen, le ministre danois de la Défense, avant de souligner que « des changements et des remplacements majeurs ont [déjà] eu lieu au sein de la haute direction » de son ministère et de la FMI.

Il est « aussi important que nous suivions l’affaire jusqu’au bout. C’est pourquoi j’ai décidé de suivre la recommandation selon laquelle la question du lien entre le règlement et la conclusion des contrats doit être clarifiée davantage par le biais de conversations avec un certain nombre de personnes. Une fois les entretiens terminés, on verra s’il y aura des conséquences en matière de droit du travail [comprendre : des renvois] », a conclu le ministre.