Le porte-avions Charles de Gaulle mettra le cap vers l’océan Pacifique lors de la mission Clemenceau 25

En mars 2023, la France et le Royaume-Uni s’étaient mis d’accord pour maintenir une présence aéronavale européenne permanente dans la région Indopacifique. Mais les modalités de cette coordination entre la Marine nationale et la Royal Navy n’avaient pas été précisées.

Or, en décembre, le ministère britannique de la Défense a fait savoir qu’il enverrait un groupe aéronaval – le Carrier Strike Group 25 – dans l’océan Pacifique en 2025. Il « travaillera aux côtés des forces d’autodéfense japonaises et d’autres partenaires pour aider à défendre la paix et la stabilité dans l’Indopacifique », avait-il alors expliqué.

Puis, le mois dernier, la Royal Navy a confirmé qu’elle avait désigné le porte-avions HMS Prince of Wales pour ce déploiement, le HMS Queen Elizabeth ayant déjà eu l’occasion de naviguer dans l’océan Pacifique en 2021. Le groupe aéronaval britannique, qui mettra en œuvre 24 chasseurs-bombardiers F-35B, devrait intégrer deux navires norvégiens, à savoir une frégate appartenant à la classe Fridtjof Nansen et un bâtiment logistique HNoMS Maud.

La date exacte du départ du Carrier Strike Group 25 n’est pas encore connue, le HMS Prince of Wales étant encore dans une phase de montée en puissance. Mais va-t-il croiser la route du porte-avions Charles de Gaulle dans l’océan Pacifique ?

En effet, ce 8 novembre, lors du point presse du ministère des Armées, le contre-amiral Jacques Mallard, commandant de la force aéromaritime de réaction rapide et du Groupe aéronaval [GAN], a confirmé que le porte-avions Charles de Gaulle mettrait bientôt le cap vers l’océan Pacifique, dans le cadre de la mission Clemenceau 25.

Selon le contre-amiral Mallard, ce déploiement du GAN [ou TF 473] vise « à promouvoir un espace indopacifique libre, ouvert et stable avec nos partenaires régionaux dans le cadre du droit international et à contribuer à la protection de nos populations et de nos intérêts ».

« Déployer une force navale assez conséquente dans une zone qui, dans les dix prochaines années, verra plus de 40 % du PIB mondial transiter, montre l’intérêt de la France pour la zone au travers de la thématique de sécurité maritime, malgré l’éloignement », a aussi fait valoir le contre-amiral Mallard.

Si, entre 1966 et 1968, la Marine nationale déploya des groupes aéronavals formés autour des porte-avions Foch et Clemenceau [force ALFA] dans l’océan Pacifique afin de surveiller les essais nucléaires réalisés à Mururoa, la mission que mènera le GAN aura un profil inédit, d’autant plus qu’il n’est plus exclu qu’il fasse escale aux Philippines et au Japon.

Mais avant de rejoindre l’océan Pacifique, le groupe aéronaval devra traverser deux « points chauds », à savoir la Méditerranée orientale et, surtout, la mer Rouge, où le trafic maritime est régulièrement visé depuis le Yémen par les rebelles houthis [liés à l’Iran]. Aussi devrait-il contribuer, sans s’éterniser, à l’opération navale européenne Aspides. Ensuite, il prendra la direction de l’océan Indien, où il participera aux exercices Varuna [organisé par l’Indian Navy] et La Pérouse.

L’un des objectifs de cette mission étant de « développer l’interopérabilité » avec les alliés et les partenaires de la France, Clemenceau 25 donnera au GAN l’opportunité de s’entraîner avec la 7e flotte de l’US Navy, notamment lors de l’exercice « Pacific Steller », auquel participeront aussi les forces navales australiennes, japonaises et canadiennes.

Quant à la composition du GAN, elle sera appelée à évoluer au fil de la mission, avec l’intégration de navires étrangers [États-Unis, Grèce, Portugal, Italie, Maroc, Royaume-Uni, Canada, Japon, Australie]. Un sous-marin nucléaire d’attaque sera évidemment sollicité, de même que le Bâtiment ravitailleur de forces [BRF] Jacques Chevallier, ce qui permettra éventuellement de transférer des missiles Aster 15 à bord du porte-avions quand celui-ci est en mer. Ce mode opératoire a été expérimenté avec succès lors de la mission Akila, en avril / mai.

À noter que le groupe aéronaval sera accompagné en permanence par un avion de patrouille maritime Atlantique 2. Il complétera ainsi les capacités du groupe aérien embarqué [GAé], lequel comptera vingt Rafale M, deux E-2C Hawkeye et cinq hélicoptères.

La mission Clemenceau 25 sera aussi l’occasion de mener plusieurs expérimentations. Le contre-amiral Mallard a ainsi insisté sur « l’utilisation massive des données », grâce à « plusieurs data centers embarqués », lesquels permettront « d’extraire les données de nos senseurs, de les mettre en commun avec celles issues de l’historique du théâtre et de parvenir à en tirer une analyse pertinente essentielle en tant qu’aide à la décision ».

Pour cela, des réservistes opérationnels, spécialiste du traitement des données, seront sollicités. « Plusieurs applications spécifiques aux métiers de la Marine seront ainsi développées et évaluées dans des conditions réelles, celles d’une mission complexe et exigeante », a-t-il conclu.