L’Allemagne assouplit ses restrictions sur les ventes d’armes à la Turquie

Ayant fait l’acquisition de systèmes russes de défense aérienne S-400 Triumph, la Turquie a été exclue du programme de chasseurs-bombardiers F-35 par l’administration du président Trump en 2019, au titre de la loi CAATSA [Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act]. Et, contrairement à ce que peuvent dire certaines rumeurs, il n’est pas question pour Washington de revenir sur cette décision… Et Ankara devra donc se contenter de 119 avions de combat F-16 « Viper » [40 neufs et 79 anciens appareils portés à ce standard]. Du moins, si un contrat finit par être signé.

Dans le même temps, le ministère turc de la Défense a fait savoir qu’il avait entamé des discussions avec les autorités britanniques et espagnoles pour se procurer au moins 40 Eurofighter EF-2000 / Typhoon. Seulement, ayant suspendu ses exportations d’armes vers la Turquie après que celle-ci a lancé une offensive contre les milices kurdes syriennes [YPG], en octobre 2019, l’Allemagne n’a pas encore donné son accord à cette vente potentielle.

En juillet, en marge du salon aéronautique de Farnborough [Royaume-Uni], Giancarlo Mezzanatto, le PDG du consortium Eurofighter [BAE Systems, Airbus et Leonardo], a confirmé ces réserves allemandes, expliquant que celles-ci étaient « probablement liées aux activités de la Turquie en Méditerranée orientale », lesquelles avivent des tensions avec la Grèce et la République de Chypre.

Cela étant, si elle n’obtient pas d’Eurofighter Typhoon, la Turquie pourrait envisager une autre solution, comme le F-15EX [ou Eagle II]. Selon le site spécialisé turc TurDef, les États-Unis seraient « ouverts » à un tel projet… qui, pour l’heure, n’a fait l’objet d’aucune sollicitation officielle de la part d’Ankara.

La perspective de voir la Turquie se tourner vers Boeing pour acquérir des F-15EX va-t-elle inciter le gouvernement allemand à reconsidérer sa position, alors que l’Eurofighter EF-2000 / Typhoon n’a plus obtenu le moindre contrat à l’exportation depuis 2017 ?

Ce n’est pas impossible : il l’a d’ailleurs déjà fait avec l’Arabie Saoudite qui a montré son intérêt pour le Rafale, faute de pouvoir finaliser l’achat de 48 Typhoon de plus, à cause d’un opposition de principe affichée par Berlin.

En attendant, selon l’hebdomadaire Der Spiegel, la coalition gouvernementale allemande a assoupli ses restrictions à l’égard de la Turquie. Ainsi, alors qu’il n’avait approuvé que dix-sept « mini-ventes » d’équipements militaires à Ankara pour une valeur totale de 1,22 millions d’euros en 2023, le ministère de l’Économie et du Climat vient de changer de braquet.

En effet, il a donné son feu vert à la vente à la Turquie de 100 missiles surface-air RAM Block 2B [fruit d’une coopération entre MBDA Deutschland, Diehl Defence et Raytheon], de 28 torpilles SeaHake à longue portée ainsi que différents équipements pour les sous-marins type U209 de la marine turque. Le tout pour un montant total de près de 340 millions d’euros.

Au passage, la SeaHake mod4, conçue par Atlas Elektronik [filiale de ThyssenKrupp Marine Systems] est une torpille lourde de 533 millimètres, guidée par fibre optique. Sa portée peut atteindre 140 km.

Quoi qu’il en soit, ces autorisations traduisent un « changement de cap remarquable de la part du gouvernement » allemand, a souligné Der Spiegel. Au point d’augurer une prochaine vente d’Eurofighter à la Turquie ? En tout cas, cité par le journal Hürriyet, Akik Çağatay, un conseiller du président turc, Recep Tayyip Erdoğan, a récemment déclaré que des « avancées avaient été réalisées » sur ce dossier, sans toutefois donner plus de détails.

Photo : Atlas Elektronik