À court de moyens, la marine allemande va engager un navire de recherche civil dans une mission de l’Otan

Un sous-investissement chronique et des choix capacitaires parfois discutables font que, actuellement, la Deutsche Marine [marine allemande] peine à répondre aux sollicitations de l’Otan et à tenir son contrat opérationnel. Et cela dans un contexte international tendu.

Le cas de la frégate F125 [ou classe Bade-Wurtemberg] est emblématique. Commandé à quatre exemplaires pour remplacer les huit frégates F-122 [classe Bremen] construites dans les années 1980, ce navire repose sur un concept qui n’a jamais paru très pertinent.

Affichant un déplacement de 7000 tonnes pour 149,6 mètres de long pour 18,8 mètres de large, la frégate F125 a été conçue – laborieusement – pour des missions allant de l’action vers le littoral à la lutte contre les trafics et la piraterie, en passant par le contre-terrorisme. Aussi, pouvant être déployée pendant deux ans, elle est dépourvue de capacité de lutte anti-sous-marine. Et son armement ne repose que sur huit missiles anti-navires Harpoon, deux systèmes surface-air à courte portée RAM RIM-113, deux canons de 27 mm, cinq mitrailleuses de 12,7 mm et une tourelle de 127 mm pouvant envoyer un obus à 70 km de distance. Ce qui, au regard des réalités du combat naval aujourd’hui, est léger.

D’où les réflexions en cours pour doter ces quatre frégates F125 du système surface-air IRIS-T SLM et de capacités de lutte anti-sous-marine. Seulement, de tels projets risquent d’être compliqués à mettre en œuvre, rien n’ayant été prévu pour leur installer les capteurs nécessaires, à commencer par le sonar. À moins de les associer à des drones de surface, comme le MEKO SX.

Cela étant, avec onze frégates et cinq corvettes, le format de la Deutsche Marine est insuffisant.

Certes, elle a été en mesure de déployer une frégate [une F125, justement] et un pétrolier-ravitailleur dans la région Indopacifique. Mais, en août, elle a dû surseoir à sa participation à l’opération navale européenne Aspides, en mer Rouge, la frégate Hambourg [classe Sachsen, F124] qui devait y être engagée ayant finalement été positionnée en Méditerranée orientale pour une éventuelle opération d’évacuation de civils du Liban.

Cependant, si le nombre de ses frégates ou de ses corvettes n’est pas suffisant, la Deutsche Marine peut toujours participer aux opérations menées par l’Otan ou l’Union européenne en déployant d’autres types de navires, comme les pétroliers-ravitailleurs, par exemple. Or, même là, elle est « à l’os ».

En effet, le 27 septembre, le ministère allemand de la Défense a fait savoir que le navire de recherche « Planet », qui est civil même s’il est à la disposition de l’Office fédéral des équipements, des technologies de l’information et du soutien en service de la Bundeswehr [BAAINBw], appareillera d’Eckernförde, le 1er octobre prochain, pour intégrer le 2e Groupe maritime permanent de l’Otan [SNMG2] et plus précisément la mission qui, lancée en 2016 à la demande de l’Allemagne, la Grèce et la Turquie, vise à surveiller les flux migratoires dans la région de la mer Égée.

« Avec l’adoption de la nouvelle organisation des forces de l’Otan, le 1er juillet 2024, les exigences envers la marine allemande ont considérablement augmenté. Les unités de combat et de soutien auparavant chargées de cette tâche sont donc plus sollicitées qu’auparavant. Afin d’augmenter sa marge de manœuvre, il a été décidé, dans le cadre d’une coordination inter-organisationnelle, de remplacer les forces militaires par des unités civiles adaptées à ces tâches », explique la Bundeswehr. Aussi, a-t-elle ajouté, « le navire de recherche ‘Planet’ […] a été identifié comme un remplaçant parfaitement approprié ».

Durant son engagement opérationnel, mis en œuvre par un équipage militaire, le Planet sera « subordonné au 3e Escadron de dragueurs de mines », a encore précisé la Bundeswehr, pour qui cette coopération entre la Deutsche Marine et le BAAINBw « montre ce qui est possible en période de pénurie de ressources ».

Peu après le début de la guerre en Ukraine, le chef des forces terrestres allemandes, le général Alfons Mais, avait déclaré que l’armée qu’il commandait « était plus ou moins à sec ». Visiblement, ce constat était aussi valable pour la Deutsche Marine…

Photo : Dr. Lothar Ginzkey – Eigenes Werk, CC BY-SA 2.0 de

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19 contributions

  1. francois dit :

    70 km de distance ? et ce serait leger.. une coquille (de noix) peut etre ?

  2. Pascal, (l'autre) dit :

    Ach so, scheiße, z’est defenu la kroissière zamuze, sapotache!

  3. akrak dit :

    Comme quoi, le sous-équipement des forces armées Européennes relève avant toute chose de choix politiques, les contraintes budgétaires venant en deuxième. Qu’ils soient peu endettés ou beaucoup, les investissements n’ont pas été à la hauteur. Ceci est d’autant plus étonnant qu’il y a une industrie d’armement dans beaucoup de ces pays.

    • Pascal, (l'autre) dit :

      @akrak Les « dividôôôndes de la paix! Il se dit que gouverner c’est prévoir, ah les jean foutre!

    • Rémi dit :

      On ne peut pas faire de la quantité et des dividendes.
      Les industries d’armements sont devenue des pompes à crédit, inutiles et coûteuses.

  4. SimLabeng dit :

    Quatre beautés avec de l’armements obsolètes et aucun programme de modernisation, trois machine de guerre avec des missiles mer-air obsolètes qui sont impossible à remplacer (???), donc ils vont mettre à la casse le navires au complet (???), et trois pioches qui font de l’embonpoint qui sont tout juste pour s’auto-défendre…

    Ouaip…

  5. Themistocles dit :

    Avantage, avec un batiment civil,les allemands n’auront pas à se poser de questions si ça commence à chauffer. Pour pouvoir utiliser leurs armes, il leur faut un vote du Bundestag, une bénédiction des prêtres écologistes, suivi d’une thérapie de groupe et d’un séminaire de reinsertion inclusif, non-genre, vegan et racise….

  6. olgi dit :

    C’est sûr que c’est plus facile d’avoir un budget à l’équilibre et une dette à 69% du PIB…….
    Et après ça sert de tête de pont industrielle à l’armement de l’oncle Sam en Europe avec des financements européens.
    Voir l’EDIP.
    les USA sont nos alliés militaires mais nos concurrents économiques.
    Hélas, je ne vois pas comment faire changer les choses. C’est pour ça que j’en suis juste à commenter. J’espère qu’un jour, une majorité de décideurs européens réaliseront qu’à long terme c’est un choix perdant même pour ceux qui y gagnent à l’heure actuelle

  7. Parabellum dit :

    Notre marine n est guère plus vaillante…il n y a quasiment pas d hélicoptères dédiés pour les mistral et les plate formes des navires de surface …on est dans l’unitaire et sous armement…et on a la zee des plus vastes..affaire de choix et de responsabilité politique face à l’impérialisme chinois et autres…

    • Momo dit :

      Nein!
      Aucune comparaison entre la marine allemande et la Royale.
      Sans même parler des SNLE.
      Evazez ze mezage trollesk et rekommenzez, luger!

  8. Rakam dit :

    La prise de conscience est tardive, mais réelle…bonne chose, pourvu que l’ont aient le temps…

  9. VieDesign dit :

    Ce bateau n’est pas civil, mais militaire … et justement très adapté à cette mission.

    Extrait wikipedia
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Planet_(2005)
    « Entre autres choses, le navire est équipé d’une installation de lancement de torpilles »

  10. Pascal, (l'autre) dit :

    Leur navire ressemble à celui du mégalo patron de médias Elliot Carver dans le James Bond  » Demain ne meurt jamais »!
    « La distance entre la folie et le génie ne se mesure qu’à l’aune du succès. » Monsieur Bond!

  11. Mica X dit :

    Un peu HS mais pas trop : Notre chancelier socialiste national à d’autres chats à fouetter, actuellement c’est un peu la panique à Berlin. Une banque italienne, oui, italienne, un « pays club med » ose vouloir acquérir une grosse banque teutonne (Unicredit & la CommerzBank). Notre chancelier est donc parti en croisade contre ce projet.

    NB Il n y a pas pire qu’une banque allemande, frais énormes, rendements ridicules, à éviter.