Berlin pourrait plus facilement prendre des participations dans le secteur allemand de l’armement

Dans certains milieux économiques, il est de bon ton de critiquer la tradition colbertiste française, celle-ci étant considérée comme étant un frein à la compétitivité des entreprises dont le capital est en partie détenu par l’État. Seulement, cette « vérité » n’est pas absolue. Et, surtout, elle fait fi de quelques réalités.

À commencer par le fait que toutes les industries n’ont pas la même importance stratégique et que certaines – comme celles de l’armement – peuvent avoir besoin de l’appui de la puissance publique [ou de la commande publique, notamment quand elles sont américaines…]. Connaître le prix des choses n’exonère pas d’estimer leur valeur et on peut considérer que construire des sous-marins nucléaires est plus stratégique que de produire des pâtes alimentaires. En outre, une participation étatique peut faciliter des négociations de gouvernement à gouvernement. C’est d’ailleurs ce qu’a récemment souligné le chef de la marine argentine pour l’achat de trois nouveaux sous-marins.

C’est pourquoi, en France, l’État est actionnaire de KNDS [à hauteur de 50 % via Giat Industries], de Naval Group [62,25 %], de Thales [26 %] ou encore de Safran [11,23 %]. Or, l’Allemagne est sur le point de suivre la même voie.

Ainsi, outre-Rhin, selon le quotidien économique Handelsblatt, le ministère de l’Économie est en train de finaliser une stratégie visant à renforcer la Base industrielle et technologique de défense [BITD] allemande. Au stade des réflexions en cours, il serait question de faciliter pour le gouvernement la prise de participations capitalistiques dans les entreprises qu’il estimerait stratégiques. Comme il l’a d’ailleurs fait en s’invitant dans le capital du groupe d’électronique de défense Hensoldt, en rachetant 25 % de ses actions.

« Le projet mentionne sept mesures, dont l’entrée directe de l’État dans des entreprises ou des projets d’importance stratégique. Il s’agit de considérations concrètes, mais elles doivent encore être coordonnées entre tous les services concernés », a en effet avancé Handelsblatt.

Une telle disposition faciliterait très certainement une participation de l’État fédéral allemand au capital de ThyssenKrupp . Selon l’agence Reuters, la banque publique KfW et la société de capital-investissement Carlyle auraient des discussions afin de prendre conjointement le contrôle de ThyssenKrupp Marine Systems [TKMS], c’est-à-dire la division du groupe dédiée à la construction navale militaire.

Par ailleurs, le ministère allemand de l’Économie envisage de supprimer une clause dite « civile » qui empêche le financement de projet ayant une « éventuelle application militaire ». Enfin, les jeunes entreprises [start-up] de la BITD pourraient avoir un accès plus facile au capital-risque.