Lutte anti-sous-marine : Le ministère des Armées envisage de se procurer jusqu’à 4000 bouées acoustiques par an

En 2021, le ministère des Armées fit part de son intention de relancer une filière industrielle « souveraine » dans le domaine des bouées acoustiques, lesquelles sont essentielles pour la lutte anti-sous-marine et la surveillance des approches maritimes. Et cela alors que, encore aujourd’hui, les approvisionnements de la Marine nationale dépendent des États-Unis.

Pour rappel, il existe deux types de bouées acoustiques. Celles dites actives émettent une impulsion sonore et reçoivent l’écho éventuellement renvoyé avant de le relayer, via un émetteur UHF/VHF resté en surface, vers un avion ou un navire. Celles dites passives captent les signaux acoustiques avant de les transmettre à l’aéronef qui les a larguées.

Or, le projet porté par le ministère repose sur une nouvelle bouée acoustique « haute performance » développée par Thales. Appelée « SonoFlash », elle a la particularité d’être à la fois active et passive. En outre, elle est interopérable avec le sonar trempé Flash et les sonars remorqués CAPTAS des frégates multimissions [FREMM].

« La bouée acoustique SonoFlash, déployable par tout type d’aéronef de lutte anti-sous-marine, constituera un élément clé de protection face à une menace sous-marine croissante », a encore fait valoir la Direction générale de l’armement [DGA], à l’issue des premiers essais de « déploiement » de cette bouée depuis un avion de patrouille maritime Atlantique 2, en décembre dernier.

La livraison de ces bouées SonoFlash devrait commencer en 2025. Aussi, l’appel d’offres publié par le ministère des Armées, le 24 juin, a de quoi intriguer.

En effet, il est question de notifier un accord-cadre d’une durée de cinq ans pour livrer des bouées acoustiques à la Marine nationale.

« Il s’agit de fournir des bouées acoustiques et/ou passives, aérolargables, de type Otan. Ces bouées sont mises en œuvre par les avions de patrouilles maritimes ATL2 et les hélicoptères de lutte anti-sous-marine », lit-on dans cet appel d’offres.

« Sans engagement de la part de l’État, la quantité annuelle de bouées à approvisionner est, à titre indicatif, de l’ordre de 1000 bouées actives [de type Otan AN/SSQ62E par exemple] et de 2000 à 3000 bouées passives [de type Otan AN/SSQ 53D ou AN/SSQ 53G par exemple] », y est-il précisé. En clair, il est question d’acquérir un maximum de 20’000 bouées sur la période considérée.

Le montant de cet accord-cadre est significatif car il pourrait atteindre les 200 millions d’euros. En outre, comme le souligne le document, « cette procédure « n’est pas ouverte aux opérateurs économiques des pays tiers à l’Union européenne ou à l’Espace économique européen ». Ce qui exclut, de facto, les entreprises américaines.

« Pour l’exécution, les prestations seront réalisées dans les établissements du titulaire et de ses éventuels sous-contractants ainsi que dans les locaux du Centre d’Expérimentations Pratiques de l’Aéronautique navale [CEPA/10S], à Hyères, pour les essais de réception. La livraison des fournitures aura lieu sur la base de Lann Bihoué ou au CEPA », indique encore cet appel d’offres.

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35 contributions

  1. lecoq dit :

    c’est quoi encore ce bordel … on developpe une solution souveraine, et on passe un appel d’offre européen ???

    • Bazdriver dit :

      @Lecoq. Vous devriez tout de même être content, les US sont exclus sur ce coup là.

    • MC² dit :

      C’est la loi. En l’occurrence la code des Marchés Publics. On n’a plus le droit de restreindre un appel d’offre au seul marché français.

  2. Kamelot dit :

    Curieux, en effet, que doit-on comprendre? La bouée SonoFlash n’est pas prête et l’intervalle doit etre comblé ou il s’agit d’un appel d’offre respectant les règles de la libre concurrence dans l’UE? ils sont bien vertueux tout d’un coup…

  3. mistrhobbes dit :

    Bonjour,
    Comment fonctionne ce type de balise ? une fois à l’eau elle meurt une fois la batterie KO ou elle est récupérée ?

    • LM dit :

      C’est un mini sonar, avec un émetteur vers l’avion largeur.
      Elle coule dès que l’avion est trop loin pour la commander, ou minuterie, ou commande directe.

    • mudrets dit :

      Une pastille de sel fond et elle est sensée couler

    • Wagdoox dit :

      Apres quelques heures activites, elle coule.

  4. Félix GARCIA dit :

    Avec des hydravions, on pourrait utiliser des bouées réutilisables de temps à autre (si pas trop loin mer pas trop agitée, etc …) ?
    Pour gérer des réseaux d’hydrophones peut-être ? Conjointement avec des navires.

    Pour surveiller les fonds marins, en silence :
    https://vela-transport.com/bateaux/
    https://chantiers-atlantique.com/references/solid-sail-aeoldrive/

    ♫ Sous l’océan ! ♫
    https://www.youtube.com/watch?v=4iQETIfbzvk

  5. Ventoux du 40 dit :

    20 000 bouées à la mer , quelqu’un a-t-il penser pouvoir les récupérer après usage ?

  6. Prof de physique dit :

    Une fois larguées, ces bouées sont elles récupérables, et au moins en temps de paix, récupérées par nos forces.
    Il s’agit d’éviter :
    – qu’elle ne tombent entre de mauvaises mains,
    – le gaspillage, si elles sont réutilisables,
    – la pollution.

    • LM dit :

      Une fois inactive, elles coulent au fond de l’atlantique.
      Il a été étudié d’avoir un navire « re-pêcheur » = des milliers de litres de gasoil pour quelques bouées.
      Bilan écolo = catastrophique.
      Alors oui, c’est pas terrible de jeter des mini sonar comme des confettis, mais il n’y pas mieux pour trouver un sous-marin dans l’océan.

    • lym dit :

      Pour le permanent, le rachat d’ASN pourrait offrir quelques perspectives d’implantation sur les fonds marins…

  7. StJacques dit :

    Bonjour à tous,
    Une question que je me suis toujours posée mais sans réponse : que deviennent les bouées en mer ? Si elles restent « flotantes » un tiers peur les récupérer pour « analyse » ?

  8. LM dit :

    4000 / 15 atlantiques opérationnel = 267
    Je ne sais plus quel est la capacité d’emports de bouées, mais c’est plusieurs dizaines.
    En cas de conflit, et de chasse au sous-marins, un Atlantique videra son stock de bouées à chaque patrouille, tous les jours.
    Donc « haute intensité » pendant 1 ou 2 semaines max ?
    Donc en plus des 4000/an utilisées pour les exercices, va t on se faire un stock « de guerre » ?

    • joe dit :

      Comme toujours, la réponse n’est pas de voir la capacité d’UN pays mais de la coalition. L’Otan c’est un peu plus que la France seule… Pourquoi croyez vous que putler n’est pas attaqué en premier les états baltes qui peuvent être envahis en 48 heures ?

    • Themistocles dit :

      Il faut compter un peu plus d’une centaine de bouées emportées. C’est un emport à peu pres standard pour les avions de patrouille de cette gamme (P3
      P8, K1, CP140) . Les Casa et P72 emportent moins (30 environ) du fait de leurs caractéristiques plus limitées

  9. Fralipolipi dit :

    Des tests, concluants, de cette Sonoflash ont d’ailleurs été réalisés tout récemment depuis ATL2.
    https://www.navalnews.com/naval-news/2024/06/thales-tests-sonoflash-sonobuoy-from-atl-2-maritime-patrol-aircraft/
    La polyvalence (sonar actif/passif) associée à l’interoperabilité avec les sonars trempés Flash et les sonars Captas risque bien de donner une sacrée avance à Thales et à la MN !!!
    Que du prometteur !

  10. ji_louis dit :

    A tous ceux qui proposent de récupérer les bouées après usage : C’est impossible, elles coulent au fond après fonctionnement.

    Si elles restaient à flotter, il ne serait pas possible aux pêcheurs (ou autres usagers innocents de la mer) de savoir si elles sont en fonctionnement (donc utilisées, et à ne pas toucher ni s’approcher) ou pas (donc à ramasser).
    La Marine Nationale a fait un tel essai en Atlantique (époque ATL1), mais les équipages de patmar étaient mécontents parce que les pêcheurs les ramassaient pour toucher la prime alors qu’elles étaient fonctionnelles et écoutées (en prime, ils coupaient le câble de l’hydrophone parce que trop long et trop compliqué de le stocker à bord).

    Elles avaient un petit trou qui laissait pénétrer l’eau de mer pour permettre la réaction chimique dans la batterie , et faisait fondre progressivement une pastille de sel (pour saborder la bouée).

  11. Byzance dit :

    Avez-vous déjà repêché un homme tombé à la mer? Même un seau accroché à une bouée pour vous entraîner.

  12. Stéphane dit :

    en lisant tous le commentaires sur la récupéreration des bouées…
    n’y a t’il pas ici une opposition d’emploi pour des drones navals…
    Le drone patrouille dans la zone de largage, en émettant un certain signal…La bouée, dont le job de base est d’écouter, capte ce signal, et emet en retour sa position…

  13. Stéphane dit :

    opportunité d’emploi, pardon…

  14. vrai_chasseur dit :

    Les concurrents sérieux référencés OTAN sont américains, Sparton et Ultra Maritime.
    Or cet appel à consultation (il n’est pas demandé d’offre à ce stade) est circonscrit aux fournisseurs européens. Chacun comprendra ce qu’il veut.
    @mistrhobbes, @Ventoux@prof de physique @Stjacques : une bouée sonar coule une fois son potentiel d’énergie épuisé.

    • breguet dit :

      vrai_chasseur: non c’est pas tout à fait ça: on choisit la durée de fonctionnement ( qui peut être 1h,3h,8h par exemple) la pastille correspondante faisant le reste… Ne pas oublier de libérer les chenaux UHF/VHF pour faciliter la gestion pendant le pistage…A+

  15. paul dit :

    pourquoi pas larguer de l’Atlantique des petits drone sous-marin en guise de balises récupérables par des navires

    • ji_louis dit :

      Parce que :
      – Ils faut qu’ils émettent depuis la surface un signal radio qui puisse être capté par l’avion / l’hélico / la frégate / ‘le drone mère.

      – Une fois leur énergie épuisée, ils ne peuvent plus se signaler.

      – La poursuite d’un sous-marin « remuant » consomme plusieurs dizaines de bouées par jour. Une fois leur tâche achevée, elles encombreraient le spectre hertzien si elles devaient se signaler pour être récupérées. Or, la quantité de fréquences disponibles pour écouter ces bouées est limitée :
      — par construction,
      — par les parasites radio sur zone,
      — par les autres émissions radio (dont émissions civiles).

      – Il faudrait un ou plusieurs navires (ou drones) à l’avance sur zone pour permettre le repêchage. Or, les évolutions d’un sous-marin adverse en situation de combat* sont peu ou pas prévisibles (heureusement pour lui), donc chacun aurait une large zone à surveiller pour récupérer les bouées (surtout en Atlantique Nord). Le coût de fonctionnement de l’opération serait supérieur au coût de la consommation des bouées.

      * En transit, les sous-marins soviétiques/russes étaient/sont largement prévisibles entre leur départ de Mourmansk et leur lieu de patrouille en Méditerranée Orientale.

  16. Le pingouin dit :

    elles sont munies d’une pastille de sel qui se délite au bout d’un certain temps, puis elles se remplissent d’eau de mer et coulent … elles sont inutilisables après car les composants se corrodent rapidement par effet Galvani… il est arrivé que des bateaux en récupèrent alors qu’elles sont encore en surface pour examen technique dans des services techniques spécialisés. je me souviens d’un Russe faisant surface et mettant à l’eau un dinghie pour récupérer une de nos bouées DSTV4 , je le vois encore en train de rentrer le câble de l’antenne acoustique… la partie intéressante du système est à bord de l’avion, soit un système Sonar déclenché par radio soit un système genre JEZABEL ( corrélateur acoustique multivoie) pour le traitement du signal récupéré par les récepteurs ARR52 embarqués…

  17. Etienne Declercq dit :

    Ça ne sert à rien de déceler des sous-marins à moins de les couler.

    • Pascal, (l'autre) dit :

      @Etienne Justement cela permet d’affiner la technologie de détection, de se savoir capable de débusquer les sous marins « hostiles »! Sinon dans le genre à quoi bon équiper nos chasseurs de radar si ce n’est pour ne pas descendre un avion adverse le cas échéant!

    • Howk dit :

      @Etienne. Bonjour. Pas du tout.

      En temps de paix, les sous-marins sont plus discrets que les frégates pour renseigner leur force navale. L’objectif est d’enregistrer les signatures acoustiques des bâtiments d’en face, de déterminer des parcours et d’observer des comportements.

      L’enregistrement de la signature acoustique d’un sous-marin par un autre, ou par une bouée passive, est un enjeu majeur qui fera la différence plus tard en cas de conflit. Les signatures valent de l’or.

      Au passage, déceler la présence d’un soum est une chose. Identifier la piste avec certitude en est une autre. En acceptant l’idée qu’aucune sous-marinade au monde ne transmet à l’avance les positions de ses bâtiments aux autres, l’obligation d’identification évite les bavures ou tirs fratricides.

      Par exemple, un Atl2 dans le Golfe de Gascogne détecte un bruit de cavitation puis affine.Quand sait-il si il a topé un SNA français, étranger, un diesel-electrique étranger, sans bibliothèque préalable de signatures connues ?

      Pour finir, vous n’êtes pas obligé (en cas de conflit) de couler une piste détectée si hostile. Vous pouvez la forcer à faire surface, la chasser pour l’écarter d’un point d’intérêt en la déstabilisant, rester derrière en attendant qu’elle devienne agressive pour la détruire au dernier moment.

      Merci quand même pour la hauteur de vue o7

      • breguet dit :

        Howk: oui mais ne pas oublier qu’en temps de paix les subs peuvent ‘(et ils le font ) simuler, en créant des fréquences un peu plus bruyantes, une fausse signature pour masquer la vraie…Et c’est la que les opérateurs entrainés feront la différence sur d’infimes détails, d’où l’entrainement et encore l’entrainement… C’est un métier!

        • Howk dit :

          Merci @Breguet d’approfondir le sujet. Ça fait plaisir de lire des gens compétents en source ouverte. J’ajoute une petite hypothèse profane sur le petit bruit de fond volontaire, pour masquer une présence :

          Imaginons que mon soum de 100 mètres de long fasse « zéro » son et dispose d’une superbe couche anechoide qui renvoie que dalle. Ça donne quoi sur un écran de détecteur ASM quand j’avance à 4 noeuds sur le même axe pendant dix minutes ?

          J’arrête de dire des bêtises. Merci d’avoir abordé l’émission sonore qui dilue un soum aux milieu du reste. C’est toujours agréable de vous lire sur ce site.