La Bundeswehr aurait besoin d’au moins 75000 soldats de plus pour tenir ses engagements envers l’Otan

Actuellement, les forces armées fédérales allemandes [Bundeswehr] comptent environ 180’000 militaires dans leurs rangs. Peu après le début de la guerre en Ukraine, dans le cadre du « Zeitenwende » [« changement d’époque »], et alors que la conscription a été suspendue en 2011, le gouvernement allemand s’est donné l’objectif de porter cet effectif à 203’000 personnels d’ici 2031, essentiellement au profit de la Heer [force terrestre].

Seulement, lors du sommet de Vilnius, en juillet 2023, les membres de l’Otan ont adopté une « nouvelle génération de plans de défense régionaux, établis sur la base des plans stratégiques et des plans par domaine existants », afin d’améliorer la dissuasion et la défense de l’Alliance contre « toutes les menaces, y compris sans préavis ou sur court préavis », selon un approche dite à « 360 degrés ».

Or, pour que ces plans puissent fonctionner, les Alliés ont pris l’engagement de doter l’Otan « des forces, capacités et ressources nécessaires à toute la gamme de ses opérations, missions et activités ». Ce qui fait que, pour l’Allemagne, le format de la Bundeswehr tel qu’il est prévu pour 2031 sera insuffisant. C’est en effet ce qu’a révélé l’hebdomadaire Der Spiegel, sur la foi de documents confidentiels du ministère allemand de la Défense.

Les exigences de l’Otan pour ce qui concerne les forces terrestres [divisions, brigades, soutien] se traduisent « par un besoin supplémentaire de 75’000 soldats pour la Bundeswehr », a avancé Der Spiegel, en se référant à un rapport intitulé « Préparation opérationnelle et soutien aux forces armées ».

Un autre document interne, également évoqué par l’hebdomadaire, estime que les plans de l’Otan « exigeraient un effectif supérieur à 272’000 soldats ». D’après une source militaire de haut rang sollicitée par Reuters, la Bundeswehr pourrait devoir aller encore plus loin étant donné que l’Allemagne serait une « zone de transit et un centre logistique majeur » en cas de conflit.

Ces documents ont été évoqués alors que le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, a engagé un bras de fer avec Christian Lindner, son collègue des Finances, pour obtenir une rallonge budgétaire d’au moins 6,5 milliards d’euros pour l’exercice 2025. Et cela alors que le Fonds spécial de la Bundeswehr, doté de 100 milliards d’euros, devrait être épuisé en 2028.

Au-delà des aspects financiers, la Bundeswehr devra surmonter les problèmes qu’elle éprouve actuellement en matière de recrutement. Le nombre de candidats à un engagement peine à décoller, tandis que le taux de dénonciation de contrat par les recrues reste à un niveau élevé [30 % environ]. Et c’est sans compter sur les évolutions démographiques. « D’ici à 2050, il y aura 12 % de personnes en moins dans la classe d’âge des 15-24 ans », a déjà souligné M. Pistorius. D’où l’idée de rétablir la conscription, en s’inspirant du modèle en vigueur en Suède, où les forces armées ne retiennent que les conscrits dont elles ont besoin, si possible sur la base du volontariat.

Le retour de la conscription permettrait par ailleurs de porter le nombre de réservistes « qualifiés » à au moins 60’000. « La réserve, dans son ensemble, doit également être entraînée et équipée, comme pendant la guerre froide, de manière à pouvoir renforcer ou remplacer les troupes actives au combat. […] Je suis convaincu que nous devons adapter la réserve aux défis actuels de la politique de sécurité », a ainsi déclaré le général Andreas Hoppe, adjoint du commandant de la Bundeswehr, dans les pages du Spiegel.