Un sous-marin russe a-t-il été traqué par les forces françaises, britanniques et norvégiennes près de l’Irlande ?

Faute d’investissements suffisants pour renouveler ses capacités militaires, l’Irlande est, en quelque sorte, le « ventre mou » de l’Union européenne [UE] en matière de défense, d’autant plus que transitent par sa zone économique exclusive [ZEE] environ trois quarts des câbles sous-marins de communication de l’hémisphère nord. D’où l’intérêt que lui porte la Russie…

Ainsi, en août 2021, le navire espion Yantar, exploité par la Direction principale de la recherche en eaux profondes [GUGI] de la marine russe et pouvant mettre en œuvre un mini sous-marin de type AS-37 [Projet 16810], s’était attardé au large des comtés de Mayo et de Donegal, à proximité des câbles AEConnect-1 et Celtic Norse, lesquels relient respectivement l’Irlande aux États-Unis et à l’Écosse.

Puis, l’année suivante, les navires russes « Fortuna » [construction offshore], « Umka » [ravitaillement offshore] et Bakhtemir [spécialisé dans les opérations de sauvetage] attirèrent l’attention en raison de leur comportement suspect au large des côtes occidentales de l’Irlande.

Qui plus est, en mai 2021, Ben Wallace, alors ministre de la Défense, confia qu’un sous-marin russe, appartenant a priori à la classe Kilo, avait été repéré en mer d’Irlande, ce qui n’était plus arrivé depuis « très longtemps ».

Un autre cas fut signalé en décembre 2023, quand l’Irish Examiner, évoqua la présence d’un sous-marin russe « juste à l’entrée du port de Cork » [sud de l’Irlande], à la « limite extérieure des eaux territoriales irlandaises ».

D’autres sous-marins russes se sont-ils aventurés dans le secteur, en profitant des déficits capacitaires des forces navales irlandaises en matière de détection et de lutte anti-sous-marine ? Probablement… Du moins, c’est ce que suggère une mission récemment effectuée par un avion de patrouille maritime Atlantique 2 de la Marine nationale, au large du comté de Clare, sur la côte ouest de l’Irlande.

Selon le Sunday Times, qui a révélé cette information, la Royal Air Force et la force aérienne royale norvégienne ont dépêché des avions de patrouille maritime P-8A Poseidon pour prendre la suite de l’Atlantique 2. Ces appareils se sont concentrés sur une zone située au large des comtés de Sligo et de Donegal, laquelle abrite des câbles sous-marins mais également le gisement gazier de la Corrib.

« Ces avions sont utilisés pour traquer les sous-marins. […] Les efforts déployés pour suivre ce qui se passait montre à quel point ils prennent l’affaire au sérieux. Cela montre également à quel point l’Irlande n’est pas capable de se défendre. Les Irlandais auraient été impliqués dans cette opération s’ils avaient eu quelque chose à apporter », a commenté Keir Giles, un analyste du groupe de réflexion Chatham House, basé à Londres.

Sollicitée par le journal britannique, l’Otan a seulement confirmé que « l’activité des sous-marins russes dans l’Atlantique avait augmenté » et que les « forces de l’Otan les traquaient régulièrement à proximité des eaux alliées ». Sauf que, étant neutre, l’Irlande ne fait pas partie de l’Alliance.

Quant au ministère britannique de la Défense [MoD], il a fait valoir qu’il n’avait aucun commentaire à faire sur les opérations. Cela vaut aussi pour ses homologues français et norvégien.

🇬🇧 Royal Air Force P-8 Poseidon MRA1 active from RAF Lossiemouth, out for a second patrol west of the Outer Hebrides of Scotland

FALCN04 ZP809 #43C920 pic.twitter.com/ihJG8ze2um

— Liese (@liese_riese) June 1, 2024

Ces deux derniers jours, selon des données obtenues via les sites de suivi du trafic aérien, les P-8A Poseidon de la RAF ont été particulièrement actifs autour des îles Hébrides [nord de l’Écosse]. Faut-il y voir un lien avec les vols réalisés au-dessus des eaux irlandaises ?

Quant à la présence d’un Atlantique 2 dans les cieux irlandais, elle n’a rien d’inédit. En mai 2023, un appareil de ce type avait été contraint à faire un atterrissage d’urgence à Cork après avoir déclenché une alerte « pan pan » pour un incident technique.

Photo : Marine nationale / Archive