Un appel d’offres a été émis pour remplacer une partie des moyens de franchissement de l’armée de Terre

En 2017, l’un des premiers enseignements tirés de la mission Lynx, menée en Estonie au titre des mesures de réassurance de l’Otan, était que l’armée de Terre manquait de moyens pour franchir les « coupures » [cours d’eau, crevasse, etc.]. « À l’est, nous pouvons être engagés sur des portions de terrain où il y a une coupure humide tous les dix kilomètres. À ce jour, il ne doit rester que cinq cents mètres de ponts, qui doivent en outre être modernisés », avait en effet expliqué le général Jean-Pierre Bosser, qui était alors son chef d’état-major [CEMAT].

Récemment mises en avant lors du franchissement de la Vistule à l’occasion de l’exercice Dragon 24, les capacités de l’armée de Terre en la matière reposent notamment sur l’Engin de franchissement de l’avant [EFA], le Système de Pose Rapide de Travures [SPRAT] et le Pont flottant motorisé [PFM]. Les deux derniers systèmes ont récemment été modernisés par CNIM Systèmes Industriels.

Seulement, la Loi de programmation militaire [LPM] 2019-25 fit l’impasse sur ces capacités de franchissement, mises en œuvres par les unités du Génie de l’armée de Terre. Du moins, elles ne furent pas explicitement mentionnées dans son rapport annexé.

Pour autant, le remplacement de ces moyens allait être incontournable, avec l’entrée en service des véhicules blindés issus du programme SCORPION, plus lourds que leurs prédécesseurs. Aussi, en mai 2021, la Direction générale de l’armement [DGA] publia une demande d’informations auprès de l’industrie afin de préparer un « éventuel » appel d’offres dans le cadre du programme SYFRALL [Système de franchissement lourd-léger]. Programme qui a depuis été confirmé par la LPM 2024-30.

D’où la procédure de « mise en concurrence » que vient de lancer la DGA au niveau de l’Union européenne, afin de remplacer les PFM et les EFA.

Dans le détail, il s’agit de développer et de fournir un « maximum d’une vingtaine de systèmes de franchissement de coupure humide classe MLC [Military Load Class] 85C, configurables en systèmes de classe MLC40R, MLC85C/100R et pont de classe MLC 85C/100R avec leurs camions porteurs, protégés ou non, capables de mobilité hors route ».

« Le marché pourra comporter une ou plusieurs tranche(s) optionnelle(s) selon les modalités qui seront explicitées dans le dossier de consultation. Les prestations faisant l’objet de tranches optionnelles sont susceptibles de s’ajouter aux prestations commandées de manière ferme. L’acheteur se réserve le droit de ne pas affermir ces tranches. Le marché pouvant présenter des aléas techniques importants, il comportera une part à commande sur provision pour l’achat potentiel de fournitures et de services qui n’ont pu être définis avec précision dans le marché public initial », a précisé la DGA.

Les industriels intéressés ont jusqu’au 11 juillet 2024 pour remettre leurs offres. Le groupe CNIM Systèmes Industriels, qui propose un « pont flottant motorisé de nouvelle génération » [qui a déjà été retenu par l’armée polonaise], est sans doute le mieux placé pour remporter ce marché. À moins qu’il se fasse damer le pion par CEFA, le fabricant de l’Engin de franchissement de l’avant.

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26 contributions

  1. Bricoleur dit :

    Une « capacité de franchissement de coupure humide » ( en clair, de « pont flottant ») s’exprime en longueur de pont. On parle ici d »une « vingtaine de systèmes » . Il est bien étrange que la longueur d’une système ne soit pas définie. Dans le passé, l’unité de pont ( un « système » donc ) était de l’ordre de 150 à 200 m de pont flottant. Dans le cas du maximum envisagé (20), on peut estimer que l’on pourrait disposer de 3 à 4000 m de pont flottant, ce dont nous disposions dans les années 90 : 3050 m de PFM et quelques centaines de mètres de Gillois encore en service. Une telle quantité paraît bien ambitieuse de nos jours pour une armée de terre dont les effectifs ont été divisés par 3. Mais « abondance » ne nuit jamais.

  2. Clavier dit :

    J’espère qu’on ne compte tout de même pas franchir le Dniepr avec ces moyens de franchissement améliorés ……à moins que ce soit pour reconquérir la rive gauche à hauteur du pont de l’Alma, ce qui me semblerait plus à notre portée….

    • Fusco dit :

      @Clavier
      Un des affluents du Dniepr s’appelle ……. La Bérézina. Il ne faudrait pas que l’Histoire bégaye.

  3. Denis PARMENTIER dit :

    A priori l’auteur a raté un effet majeur, la CEFA et CNIM CSI avec SOFRAME sont en GME pour répondre ensemble à ce projet …..

  4. Rakam dit :

    Effectivement un trou dans la raquette…500m de pont en tout et pour tout et pas nessessairement adapté…il était temps de si atteler…

  5. Rogger dit :

    bonjour, incroyable ils y a une coupure humide tous les 10 km .. quel nouveautés…
    bon , l’armée de terre manque de système de brechage, de systèmes de pont mobile, de capacité a franchir des champs de mine, ext… ext… dire que le génie combats et franchissement sont des parents pauvres..
    d’ailleurs l’artillerie de défense aire sol, n’existent plus non plus …
    s’est juste pour dire que les appuis sont moins d’être suffisant pour notre petit armée de terre…

  6. KEL-TO dit :

    il y a fort longtemps » 50 ans » je les trouvais nombreux les gus du Génie , quelqu’un a une idées des effectifs qu’il faudrait aujourd’hui
    pour avoir la vingtaine « de système de franchissement » ? et toujours la même question c’est des « chiffons gras  » qu’il faut non ,
    on a ça dans nos lycées et collèges ?

    certain ici ne voit que la technique , perso chaque fois que je vois une belle  » machine » je me demande combien d’humains autour
    skynet n’a pas encore pris le pouvoir

    • P'tit Lapin dit :

      C’est bien vu KEL-TO, cela pourrait créer un apport d’informations supposées neutres. Donc derrière chaque char Leclerc, Abrams, Leopard, combien de militaires ? Même chose pour chaque JAS 39, F16 ou18, Rafale ? Et enfin par solidarité avec au moins les Belgo/Suisses, combien de militaires pour faire voler un discuté et rondouillard LM-F35 d’entée de gamme ? Enfin…, ce qui m’intéresse avant tout ici c’est : Combien de militaires sont répertoriés dans une Cie de Franchissement ?

  7. Niko dit :

    On ne remplace pas, bon sang, on complémente et on STOCKE. Ils n’ont donc pas encore compris?

  8. JILI dit :

    Lorsque je lis  » Fit l’impasse », comment de telles erreurs ont pu être commises délibérément, et menacer gravement la sécurité de notre pays car aujourdhui, notre armée est sous armée. Bref, comment une bande d’abrutis a pu décider de tels économies et nous mettre en péril, et surtout ont-ils tous été éliminés ou virés du circuit militaire et armement?

  9. Bob dit :

    Franchir les coupures humides est indispensable comme on le voit dans la guerre d’Ukraine et pour le théâtre d’opération européen contrairement à la BSS. Il faut pouvoir faire traverser les MBT Leclerc.
    Il n’y a guère de monter en puissance alors qu’on parle d’armée de combat et de guerre en Europe. On conserve les faire savoir au moins. Pour un engagement de haute intensité, le manque de masse est alarmant mais pour 2 brigades blindées cela est suffisant surtout pour « le bas du spectre » de la gamme de Cockerill.

  10. bob dit :

    cet modernisation des capacités de franchissement signifie que la France va aider l’Ukraine dans ce domaine : envoyer nos anciens ponts flottants sur le front afin de reconquérir la Crimée.

    • Pascal, (l'autre) dit :

      OK Baube! Par contre il va falloir nous « affranchir » dans la manière dont les Ukrainiens vont devoir s’y prendre surtout avec une couverture aérienne assez « limite » et sans avoir « traité » le terrain dans la profondeur sur l’autre rive! Mais bon, un « p’tit » délire ça ne mange pas de pain!

  11. Bricoleur dit :

    Je reviens sur 2 points.
    1 – M. Lagneau précise que CNIM ou CEFA seraient les mieux placés pour remporter ce marché. N’oublions pas qu’il s’agit d’un appel d’offres européen. Bien probable , en effet, car il n’existe, guère de concurrence en Europe. En fait Allemagne, UK, Suède, et d’autres pays sont équipés du système allemand amphibie M2/M3 fabriqué à l’ origine par EWK à Kaiserslautern, société rachetée en 2002 par l’ américain Général Dynamics. Cette société fabrique également un système transporté par camion: le Ribbon Bridge On peut faire confiance à l’ Allemagne pour tenter une manœuvre afin de répondre avec une filiale US.
    2 – L’ AO laisse ouverte la réponse technique: système transporté par camion ( genre PFM et Ribbon Bridge) ou amphibie (genre EFA , MA/M3 ou Samur turc). A mon sens, ayant travaillé avec les deux, je privilégie un système amphibie: plus discret, plus rapide de mise en œuvre et moins consommateur de personnel que celui sur camion. Le seul et gros problème: la charge à l’ essieu qui a conduit à devoir transporter l’EFA sur semi-remorque surbaissée … Cette charge à l’essieu est de 10 tonnes seulement dans la majorité des pays ( https://fr.wikipedia.org/wiki/Charge_%C3%A0_l%27essieu). Les Turcs ont créé le FNSS Samur, une copie du M2/M3 avec 4 essieux (https://en.wikipedia.org/wiki/FNSS_Samur). Sa masse de 36 tonnes sur 4 essieux répond au problème. Le GME évoqué par Denis Parmentier pourrait s’en inspirer !

    • Alfred dit :

      PFM F3
      modifier
      CNIM poursuit en 2019, sur financement interne, le développement d’un PFM F3 qui permettra de s’adapter à l’aide au franchissement de véhicules plus lourds, jusqu’à 120 tonnes (soit un char et son porte-char), de réduire encore la masse de personnel nécessaire pour la mise en œuvre et l’emploi de tracteurs 8 x 8 (par exemple sur un PPLOG). La longueur des modules sera de 6,75 m ou de 10,1 m de long pour une masse unitaire de 14 tonnes. Les moteurs sont désormais des Evinrude de 115 chevaux.

      Dans sa version PFM3L, il pourra aussi s’assembler automatiquement, sans recourir à des semi-rigides pour assister le montage. Ce dernier pourrait être réalisé en 15 à 30 minutes. Le module de base MLC30 nécessite quatre véhicules, et porte deux rampes longues et deux sections. CNIM estime la ressource humaine à quatre pilotes et six sapeurs.

      La version longue à neuf sections et deux rampes longues (106 m) nécessite 11 véhicules pour son transport, 11 pilotes pour son maniement et 20 sapeurs.

      Un ferry MLC40 (trois modules, deux rampes) de PFM F3 XP et ses quatre camions 8 x 8 et huit personnels peuvent être projetés avec deux avions de type A400M.

      Le PFM F3 devait être disponible à partir de la fin 2020, soit deux ans après le lancement du concept.

      Toute ressemblance, etc….

      • KEL-TO dit :

        merci j’ai une meilleure compréhension des effectifs nécessaires , reste que ça fait du monde et je ne suis pas sur que l ‘état actuel
        de la France offre une telle ressource .

  12. Vieux sapeur dit :

    Est-ce là l’occasion de disposer d’un système de franchissement européen comme envisagé par l’OCCAR en 2022 (https://www.forcesoperations.com/la-france-pourrait-rejoindre-le-duo-anglo-allemand-pour-renouveler-ses-capacites-de-franchissement/) . Travailler avec les Anglais et les Allemands, un sacré défi !

  13. Kardaillac dit :

    Même dans ce domaine où nous étions précurseurs (Gillois) nous sommes en calbar !
    C’est pour quand l’économie de guerre ?

    • PK dit :

      « C’est pour quand l’économie de guerre ? »

      Vous n’avez pas bien compris ce qu’il voulait dire : il disait qu’il était en guerre contre notre économie.

      Avec un certain succès il est vrai…

  14. Alfred dit :

    Dans l’annexe « caracteristiques du systeme », il est question de porteurs + moyens de franchissement modulaires permettant de realiser indifferemment des portieres MLC40 à 85C/100R ou un pont MLC85C/100R. Il est egalement question de pente de berge inferieure à 10%, de profondeur d’eau inferieure à 1,5m, et de vitesse de deplacement sur route de 80km/h, ce qui oriente plutôt vers des éléments de pont flottant

  15. Roland Desparte dit :

    Sujet intéressant, y compris en matière de sécurité civile !
    https://youtu.be/j09JZoZioys
    Merci à @Bricoleur et @Alfred pour les infos délivrées.