L’entreprise Turgis & Gaillard va dévoiler l’AAROK, le premier drone MALE français
Selon le projet de Loi de programmation militaire [LPM], l’armée de l’Air & de l’Espace disposera, à l’horizon 2035, de six systèmes « Eurodrone », chacun d’entre-eux étant composé de trois drones MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] et de deux stations au sol. Or, les plans actuels prévoyaient l’achat de quatre systèmes pour un montant d’environ 2 milliards d’euros, les coûts de développement étant inclus. Ce qui, au passage, fait un prix unitaire de 160 millions d’euros…
L’Eurodrone est développé depuis 2013, dans le cadre d’une coopération réunissant Airbus Defence & Space [en tant que maître d’oeuvre], Dassault Aviation et Leonardo. D’une masse de dix tonnes pour 26 mètres d’envergure, une longueur de 16 mètres et une hauteur de 6 mètres, ce drone sera imposant, au point qu’il aura besoin de deux turbopropulseurs Catalyst [fournis par Avio Aero, filiale italienne de l’américain General Electric, ndlr] pour voler.
Au regard de telles caractéristiques et de l’évolution de la conflictualité [engagement de haute intensité et intervention dans des environnements contestés, ndlr], la pertinence de l’Eurodrone interroge. Ancien Délégué général pour l’armement [DGA], Joël Barre avait balayé les critiques en assurant que cet appareil mettrait en oeuvre des capteurs de nouvelle génération extrêmement performants.
Et l’actuel chef d’état-major de l’armée de l’Air & de l’Espace [CEMAAE], le général Stéphane Mille, est visiblement confiant au sujet de ce drone européen. Il sera « un outil interopérable et souverain, au potentiel d’évolution élevé » et il « pourra en particulier être adapté, si nécessaire, pour des besoins outre-mer », a-t-il récemment déclaré.
Seulement, c’était sans compter sur l’entreprise Turgis & Gaillard, qui a eu plusieurs fois l’occasion de faire parler d’elle au cours de ces dernières années, avec ses solutions permettant à un avion de transport tactique de tirer des munitions de précision [systèmes SSA-1101 Gerfaut et SSA-1604 Foudre], son système d’appui-feu avec tir au-delà de la vue directe pour unités numérisées SSA-1108 MIGALe ou encore avec l’embarcation Kraken, destinée aux commandos marine.
En effet, lors du prochain salon de l’aéronautique et de l’espace du Bourget, Turgis & Gaillard dévoilera l’Aarok, le premier drone MALE français. Développé sur fonds propres depuis trois ans, cet appareil sera deux fois plus léger que l’EuroDrone [5,5 tonnes] et pourra être mis en oeuvre depuis des terrains sommaires.
« La taille et la masse de l’Aarok lui permettront de mettre en oeuvre simultanément un capteur optronique de grande dimension [caméra], un radar multimode et une charge de renseignement électromagnétique », explique Turgis & Gaillard, dans un communiqué diffusé ce 14 juin.
D’un endurance supérieure à 24 heures, ce drone MALE à la « conception robuste », sera en mesure de tirer 1,5 tonne de munitions via six points d’emport. Quant à sa propulsion, elle pourrait reposer sur l’Ardiden 3TP de Safran, écarté au profit du Catalyst par Airbus Defence & Space pour l’Eurodrone. D’ailleurs, cet appareil sera « ITAR Free », c’est à dire qu’il ne contiendra aucun composant d’origine américaine… Ce qui est un atout évident pour l’exportation…
« Ayant vocation à être rapidement opérationnel », l’Aarok a été « conçu pour répondre aux normes de certification et faciliter l’utilisation d’équipements français déjà existants et qualifiés. Il sera également facilement adaptable dans sa configuration aux besoins des forces européennes et alliées, » assure Turgis & Gaillard, qui illustre ainsi le concept « d’économie de guerre », tant vanté ces derniers mois.
S’agissant du coût de ce drone MALE, il devrait être très raisonnable [si on le compare à celui de l’EuroDrone…] puisqu’il serait de l’ordre de 5 à 10 millions d’euros. Ce qui en fait un prix attractif par rapport au Reaper américain [vendu aux alentours d’un vingtaine de millions de dollars].
Reste maintenant à voir comment l’Aarok sera reçu par le ministère des Armées… Et si cet appareil, s’il répond effectivement aux besoins opérationnels, bouleversera les plans établis.
Photos : Turgis & Gaillard