La Pologne et les pays baltes pourraient intervenir en Ukraine, prévient un ancien secrétaire général de l’Otan

Les intenses combats qui se déroulent actuellement dans les régions de Zaporijjia et de Donetsk entrent-ils dans le cadre de la contre-offensive annoncée depuis des semaines par Kiev ou bien visent-ils à éprouver le dispositif défensif mis en place par les forces russes?

S’il garde le silence pour le moment, le gouvernement ukrainien, par la voix de sa vice-ministre de la Défense, Ganna Maliar, a seulement admis que les Russes menaient des « actions défensives dans le secteur de Zaporijjia » et que des « combats de position s’y poursuivaient ». Ceux-ci se concentrent notamment entre les secteurs d’Orikhiv [ou Orekhovo] et de Tokmak ainsi que dans la région de Bakhmout [ou Artiomovsk].

A priori, les gains réalisés par les forces ukrainiennes sont limités pour le moment. Et selon des images diffusées par le ministère russe de la Défense, elles ont perdu leurs premiers chars Leopard 2A4 ainsi que des véhicules de combat d’infanterie [VCI] Bradley.

Deux responsables américains ont confirmé les difficultés rencontrées par les forces ukrainiennes. Elles « ont subi des pertes en équipements lourds et en soldats alors qu’elles se heurtaient à une résistance plus grande que prévu lors de leur première tentative pour percer les lignes russes dans l’est du pays », ont-ils confié à CNN. Et l’un d’eux a décrit ces pertes comme « importantes ». Cependant, a-t-il estimé, elles ne devraient « pas avoir d’impact sur la plus grande contre-offensive ukrainienne prévue ».

« Au milieu d’un tableau opérationnel très complexe, de violents combats se poursuivent le long de plusieurs secteurs du front. Dans la plupart des régions, l’Ukraine a l’initiative », a commenté le ministère britannique de la Défense [MoD], dans son point de situation quotidien, le 8 juin.

Par ailleurs, et si elle ne devrait pas affecter les plans de contre-offensive de Kiev, selon Volodymyr Zelensky, le président ukrainien, la montée des eaux dans la région de Kherson, causée par la rupture du barrage de Nova Kakhovka, risque néanmoins de compliquer les opérations ukrainiennes…

Quelle que soit l’issue des opérations en cours, la situation de Kiev restera compliquée… Aussi, le 31 mai, à Bratislava, lors d’un discours prononcé à l’occasion du Forum de sécurité régional « Globsec », le président français, Emmanuel Macron, a réclamé des « garanties de sécurité » pour l’Ukraine, dont l’adhésion à l’Otan s’inscrit dans une perspective lointaine, en l’état actuel des choses.

« Si nous voulons […] peser face à la Russie, si nous voulons être crédibles vis-à-vis des Ukrainiens, nous devons donner à l’Ukraine les moyens d’empêcher toute nouvelle agression [russe] et l’inclure dans [une] architecture de sécurité crédible », a-t-il en effet affirmé. « C’est pourquoi je suis favorable, et ce sera l’objet des discussions collectives dans les prochaines semaines, d’ici au sommet de Vilnius, de donner des garanties de sécurité tangibles et crédibles à l’Ukraine », a-t-il insisté.

Effectivement, le prochain sommet de l’Otan, qui se tiendra à Vilnius, en juillet, devrait être l’occasion d’envoyer un « signal fort de soutien à l’Ukraine » de la part des Alliés, a indiqué Jens Stoltenberg, son secrétaire général. Reste à voir quelle forme il prendra… d’autant plus que les difficultés économiques peuvent affecter l’aide fournie à l’armée ukrainienne [la zone euro est entrée en récession, alors que 16 pays sur les 20 qui la composent sont aussi membres de l’Otan, ndlr].

Ancien secrétaire général de l’Otan et actuellement conseiller du président Zelensky, Anders Fogh Rasmussen, a soutenu, dans les pages du quotidien britannique The Guardian, qu’il était « impératif » de donner à l’Ukraine des « garanties de sécurité écrites, de préférence avant le sommet [de Vilnius] mais en dehors du cadre de l’Otan ». Celles-ci porteraient sur « le partage de renseignements, la formation, la production de munitions, l’interopérabilité et un approvisionnement en armes suffisant pour dissuader la Russie d’une nouvelle attaque ». À noter que ce qu’il a décrit se fait déjà…

Cependant, pour M. Rasmussen, si ces garanties de sécurité ne font pas consensus au sein de l’Alliance ou si elles servent de prétexte pour éviter une « véritable discussion » sur l’adhésion de l’Ukraine, alors certains membres pourraient agir de leur propre chef.

« Il y a une possibilité évidente que certains pays agissent individuellement. Nous savons que la Pologne est très engagée dans l’aide à l’Ukraine. Et je n’exclurais pas la possibilité qu’elle aille encore plus loin – et qu’elle soit suivie par les États baltes – en envoyant éventuellement des troupes sur le terrain », a prévenu M. Rasmussen.

« Je pense que les Polonais pourraient envisager sérieusement de réunir une coalition de pays volontaires si l’Ukraine n’obtient rien à Vilnius. Il ne faut pas sous-estimer le sentiment des Polonais, qui pensent que l’Europe occidentale n’a pas écouté leurs mises en garde contre la menace russe. Ils pourraient donc choisir de jouer leurs propres cartes », a insisté l’ex-secrétaire général de l’Otan. Et de faire valoir qu’il serait « tout à fait légal » pour Kiev de demander une telle assistance militaire ».

Les propos de M. Rasmussen peuvent être perçus comme une tentative de faire pression sur les Alliés susceptibles d’avoir des reserves sur ces garanties de sécurité que réclame l’Ukraine… Car si la Pologne s’engage militairement en Ukraine, le risque d’escalade avec la Russie serait patent… D’autant plus que, avec la clause de défense collective décrite dans l’article 5 du Traité de l’Atlantique-Nord, l’Otan dans son ensemble serait impliquée.

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