M. Biden lie la vente de F-16 « Viper » à la Turquie avec l’adhésion de la Suède à l’Otan
Accusant la Suède et la Finlande d’être laxistes à l’égard du Parti des travailleurs du Kurdistan [PKK], la Turquie fit savoir, l’an passé, qu’elle s’opposerait à leur adhésion à l’Otan. Cependant, lors du dernier sommet de l’Alliance, en juin 2022, à Madrid, ces trois pays signèrent un accord censé permettre la levée du veto turc.
Ainsi, les deux pays candidats prirent l’engagement de « condamner sans ambiguïté toutes les organisations terroristes commettant des attaques » sur le sol turc, ce qui englobait le PKK mais aussi son « parti frère syrien », le PYD, ainsi que le Fetö, accusé d’avoir fomenté une tentative de coup d’État en juillet 2016.
Depuis, la Turquie a donné son feu vert à la Finlande… Mais pas à la Suède, les relations entre Ankara et Stockholm n’étant toujours pas au beau fixe… à cause de plusieurs incidents diplomatiques [et aussi du refus des autorités suédoises de remettre à leurs homologues turques des personnes que celles-ci accusent de « terrorisme »].
Cela étant, lors du sommet de Madrid, les États-Unis affirmèrent avoir oeuvré dans les coulisses pour favoriser l’accord entre la Turquie, la Finlande et la Suède. Et la question était de savoir si la partie turque avait obtenu des concessions sur la livraison des avions de combat qu’elle réclamait alors en échange de sa signature. Un responsable de l’administration américaine assura que cela n’avait pas été le cas… Mais, après s’être entretenu avec son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, le président Biden laissa entendre le contraire, en affirmant qu’il « ferait le nécessaire » pour débloquer ce dossier. « J’ai besoin de l’approbation du Congrès pour faire cela et je pense que je peux l’obtenir », avait-il dit.
Pour rappel, exclue par l’administration Trump du programme F-35 pour avoir mis en service des systèmes russes de défense aérienne S-400, la Turquie jeta son dévolu sur des F-16 « Viper » [40 avions neuf et 79 kits de conversion pour des appareils déjà en service au sein de ses forces aériennes]. Or, si M. Biden était favorable à cette vente, le Congrès s’y était constamment opposé jusqu’alors. Et il y est toujours réticent…
Quoi qu’il en soit, et mis à part un avis favorable pour une modernisation a minima des F-16 turcs, ce dossier n’a guère avancé depuis… Ou du moins, il a été mis sur la touche en attendant la prochaine élection présidentielle turque, pour laquelle certains commentateurs prédisaient [ou « espéraient »?] une défaite de M. Erdogan face à Kemal Kilicdaroglu. Finalement, le président sortant, bien que mis en ballotage à l’issue du premier tour, a été réélu avec plus de 52% des voix.
Comme il se doit, et qu’elles aient été sincères ou non [mais c’est un autre débat], M. Erdogan a reçu les félicitations des autres chefs d’État pour sa réélection, dont celles du président Biden. Et la question des F-16 Viper a été remise sur le tapis à cette occasion… Mais celle-ci est désormais clairement liée à un feu vert à l’adhésion de la Suède à l’Otan.
« J’ai parlé à Erdogan. Je l’ai félicité. […] Il veut toujours trouver une solution pour les F-16. Je lui ai dit que nous voulons gérer le dossier de la Suède », a en effet déclaré M. Biden, peu avant de s’envoler vers le Delaware, le 29 mai. « Nous allons nous reparler. […] Nous allons en discuter à nouveau la semaine prochaine », a-t-il ajouté.
Selon le compte-rendu de cet entretien qu’elle a publié, la présidence turque a passé sous silence l’affaire des F-16V, se contentant d’évoquer un renforcement de la coopération entre Ankara et Washington dans « tous les domaines de leurs relations bilatérales », plus que jamais « importantes » compte tenu des « défis régionaux et mondiaux ».
En attendant, Stockholm continue de s’activer sur le front diplomatique pour faire avancer sa candidature. Ainsi, ce 30 mai, le ministère suédois des Affaires étrangères a déclaré qu’une rencontre avec des représentants turcs aurait lieu « bientôt ». À noter que la Suède doit également convaincre la Hongrie de lui permettre de rejoindre l’Otan car, pour l’instant, Budapest n’a toujours pas donné son feu vert.
En tout cas, à Oslo, ce 30 mai, le secrétaire général de l’organisation, Jens Stoltenberg, s’est dit « totalement serein sur le fait que la Suède va devenir membre à part entière de l’Otan », malgré la réélection de M. Erdogan.
« Je considère depuis l’automne dernier que la Suède aurait déjà dû être admise par ratification et je suis toujours de cet avis. Mais quand 31 pays doivent tomber d’accord, cela prend sans doute un peu plus de temps que je ne le souhaiterais et on s’y emploie donc », a par ailleurs fait valoir M. Stoltenberg.