Kiev a demandé à Berlin de lui fournir des missiles de croisière KEPD 350 Taurus d’une portée de 500 km

Pour perturber les lignes d’approvisionnement des forces russes, l’Ukraine réclame à ses partenaires occidentaux des missiles de longue portée, comme le MGM-140 ATACMS [Army Tactical Missile System] pouvant être tiré par le système d’artillerie M142 HIMARS américain.  » Si nous pouvions frapper à une distance allant jusqu’à 300 kilomètres, l’armée russe ne serait pas en mesure de se défendre et devrait perdre », explique en effet Oleksii Reznikov, le ministre ukrainien de la Défense.

Si les États-Unis ont rejeté une telle demande, afin d’éviter qu’une telle capacité puisse être utilisée pour frapper le territoire de la Russie et provoquer une escalade [un risque qui n’est pas nul, comme en témoigne la récente incursion de supplétifs russes de l’armée ukrainienne dans la région de Belgorod, ndlr], le Royaume-Uni y a donné une suite favorable, en acceptant de livrer à l’Ukraine des missiles de croisière Storm Shadow [ou SCALP dans la nomenclature française].

« Ces systèmes d’armes vont donner à l’Ukraine la meilleure chance de se défendre contre la brutalité continue de la Russie », a justifié Ben Wallace, le ministre britannique de la Défense, au moment d’annoncer la livraison de ces Storm Shadow à Kiev, le 11 mai dernier.

Depuis, le ministère ukrainien de la Défense a laissé entendre que des avions Su-24MR, dédiés initialement aux missions de reconnaissance, ont été modifiés afin de pouvoir tirer de tels missiles. Et sans doute que des Su-27 Flanker le seront également.

Par ailleurs, il est probable que l’Ukraine a demandé à la France de lui fournir des SCALP EG… Mais il est certain qu’elle l’a fait avec l’Allemagne, en vue d’obtenir des missiles de croisière KEPD-350 « Taurus ». C’est en effet ce qu’a indiqué Boris Pistorius, le ministre allemand de la Défense, ce 27 mai.

Selon le quotidien Frankfurter Allgemeine, le président ukrainien, Volodymyr Zelenski, aurait évoqué ce sujet avec le chancelier allemand, Olaf Scholz, lors de sa visite à Berlin, au début de ce mois. D’ailleurs, à cette occasion, il avait obtenu le déblocage d’une nouvelle aide militaire de 2,7 milliards d’euros [dont 30 chars Leopard 1A5 supplémentaires, une centaine de blindés, dont 20 Marder, 200 drones, 4 systèmes de défense aérienne IRIS-T SLM et 18 obusiers à roues].

« Une demande de la partie ukrainienne [pour des KEPD-350 Taurus] nous est parvenue au cours des derniers jours », a ainsi confirmé un porte-parole du ministère allemand de la Défense, sans donner plus de détails.

Cela étant, l’idée de livrer de tels missiles à l’Ukraine a été défendue par le député de la CDU [parti chrétien-démocrate, opposition] Roderich Kiesewetter, par ailleurs ancien colonel de la Bundeswehr, dans un entretien publié par RND, le 23 mai.

« Environ 600 unités ont été achetées pour la Bundeswehr il y a dix ans, dont environ 150 sont encore opérationnelles aujourd’hui. Il est beaucoup plus logique d’utiliser ces armes en Ukraine que de les stocker ici », a fait valoir M. Kiesewetter, qui est aussi membre de la commission des Affaires étrangères du Bundestag. Ces missiles « permettront de porter des coups contre l’infrastructure militaire russe loin derrière la ligne de front », a-t-il ajouté, avant d’inviter à fournir à l’Ukraine « tout ce qu’elle peut utiliser dans la bataille », en conformité avec le droit international.

Selon les données techniques disponibles, le KEPD-350 Taurus peut porter une charge Mephisto [Multi-Effect Penetrator, HIgh Sophisticated and Target Optimised] de 495 kg sur une distance supérieure à 500 km et à la vitesse maximale de Mach 0,95. La Bundeswehr a reçu la totalité de sa commande en 2010… Et,quatre ans plus tard, il était question d’en moderniser 75 par an jusqu’en 2020 [soit 300 exemplaires concernés].

Pour le moment, on ignore si le gouvernement allemand autorisera la livraison de KEPD-350 Taurus à l’Ukraine… D’autant plus que l’Allemagne adhère au Régime de contrôle de la technologie des missiles, qui limite les performances de tels engins à l’exportation.

Créé en 1987, le RCTM ne repose cependant pas sur un traité juridiquement contraignant. En revanche, il l’est d’un point de vue politique pour les États participants, dont les décisions doivent faire l’objet d’un consensus. Ses directives concernent des équipements classés selon deux catégories.

La première – pour laquelle « une grande prudence doit être exercée » – porte sur les « systèmes de fusées complets [y compris les missiles balistiques, les lanceurs spatiaux et les fusées-sondes] et les véhicules aériens non pilotés [y compris les missiles de croisière, les engins cibles et les engins de reconnaissance] d’une capacité maximale supérieure ou égale à 300 km/500 kg ». Quant à la seconde, elle englobe les missiles d’une portée maximale supérieure ou égale à 300 km.

Photo : Par Philipp Hayer — Travail personnel, CC BY-SA 3.0

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