LPM 2024-30 : Les députés ouvrent la voie à un possible second porte-avions de nouvelle génération

Lors du Conseil de défense du 23 septembre 1980, le président Valéry Giscard d’Estaing décida de doter la Marine nationale de deux porte-avions à propulsion nucléaire afin de lui permettre de remplacer le Foch et le Clemenceau au début des années 1990, au plus tard. Aussi, la construction du premier devait-elle commencer sans tarder.

Mais c’était sans compter sur les aléas politiques et économiques… Car, finalement, l’ordre de mettre en chantier le futur « Charles de Gaulle » fut signé en 1986 par le président Mitterrand, qui renvoya la construction du second à des jours meilleurs. Lesquels ne vinrent pas puisque son successeur, Jacques Chirac, prit la décision de l’annuler… pour mettre sur les rails un projet de second porte-avions [PA2] à propulsion classique, dans le cadre d’une coopération avec le Royaume-Uni. Projet qui fut confirmé par Nicolas Sarkozy quand il était candidat à la présidence de la République… mais qui passa à la trappe au moment de la rédaction du Livre blanc sur la Défense et la sécurité nationale [LBDSN] de 2008.

Résultat : comme la Cour des comptes le dénonça dans son rapport annuel de 2014, les 214 millions d’euros dépensés en études préliminaires pour ce PA2 furent surtout utilisés par les Britanniques pour développer et construire leurs deux porte-avions de type « Queen Elizabeth ».

Quoi qu’il en soit, l’idée de revenir à un format de deux porte-avions fait depuis l’objet de débats récurrents [comme d’ailleurs, sur certains bancs de l’Assemblée nationale, celle de l’utilité du porte-avions…]. Ces dernières années, et alors que le projet de porte-avions de nouvelle génération [PANG] a été lancé, plusieurs rapports parlementaires sont allés dans ce sens, comme celui rendu en octobre dernier par le député Yannick Chenevard [Renaissance], rapporteur pour avis sur les crédits de la Marine. En outre, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, ne l’a pas écartée.

« Sur le deuxième porte-avions, […] c’est vraiment un des gros morceaux d’une prochaine Loi de programmation militaire. Alors, oui, il y aura une réflexion [sur ce sujet]. Et oui, elle se tiendra avec le Parlement », avait-il dit, en juillet dernier, lors d’une audition à l’Assemblée nationale. Et d’ajouter : Cela poste « la question du groupe aéronaval dans son ensemble et donc ça renoue aussi avec le calendrier de l’avancement de notre classe Barracuda pour les sous-marins nucléaires d’attaque. Bref, c’est un ensemble global, sachant que le principe d’avoir toujours un porte-avions est acté ».

Seulement, le projet de LPM 2024-30 actuellement examiné par les députés ne prévoit pas la construction d’un second porte-avions de nouvelle génération… Pour autant, quatre amendements ont été proposés afin de lancer des études pour « éclairer » une décision à ce sujet d’ici 2028.

Soumis par la députée Anna Pic [Socialistes et apparentés/Nupes], l’amendement n°1367 a d’abord rappelé que la Marine nationale a pu disposer, à une époque, de trois porte-avions [le Foch, le Clemenceau et l’Arromanches, qui servait surtout à l’entraînement, avant d’être désarmé en 1974]. Aussi a-t-il demandé des études sur le « coût d’un deuxième PA-NG », afin de réaliser des « économies d’échelle » et de « réellement confirmer la France comme une puissance maritime régionale [sic] ». Seulement, il n’a pas été adopté lors de la séance du 25 mai, M. Lecornu ayant demandé son retrait.

En revanche, trois autres amendements [les n°1174, 1680 et 1685], déposés respectivement par les députés Jean-Charles Larsonneur [Horizon], Anne Genetet [Renaissance] et Fabien Lainé [Modem] ont été adoptés… alors qu’ils partageait le même objectif que celui soumis par Mme Pic.

« Cet amendement [le n°1174] vise à engager des études en vue d’accompagner le successeur du Charles de Gaulle d’un navire-jumeau. […] Plusieurs des membres de la commission de la défense sont convaincus de l’utilité de cet outil de projection de puissance qu’est le porte-avions […]. Je suis pour ma part persuadé que, vers 2040, […] nous aurons besoin d’assurer la permanence à la mer. Il est important dès maintenant d’envisager les moyens et les études qu’il faudrait y consacrer afin de nous donner le choix avant 2028 », a ainsi plaidé M. Larsonneur.

Pour Mme Genetet, la « question de la construction d’un deuxième porte-avions, qu’il faudrait étudier tant que les recherches sur le premier porte-avions en sont à un stade nous permettant de réduire les coûts, se posera nécessairement. Il ferait sens mais il suppose un budget important ». Aussi, a-t-elle prévenu, il faudra voir « si la nation pourra en supporter le poids ».

Enfin, M. Lainé a estimé que le « porte-avions est un outil de projection de puissance fabuleux dont nous devons pouvoir disposer en permanence ». D’où, selon lui, la nécessité de lancer les études pour en obtenir un second « avant 2028, date butoir si nous voulons assurer notre permanence à la mer à l’horizon 2040 ».

Le rapporteur du projet de LPM 2024-30, Jean-Michel Jacques, a soutenu ces trois amendements identiques, d’autant plus qu’il avait aussi proposé un sous-amendement [n°1807] allant dans leur sens.

Quant à M. Lecornu, il a donné un « avis favorable au sous-amendement n°1807 et aux amendements identiques n° 1174, 1680 et 1685 ainsi sous-amendés car ils sont le fruit d’un engagement de [sa] part, demandé par la majorité notamment : c’est-à-dire être en mesure d’éclairer les décisions à venir ».

Reste à voir ce qu’en diront les sénateurs… Mais il est probable qu’ils ne reviendront pas sur ces amendements… étant donné que, en 2020, la commission sénatoriale des Affaires étrangères et de la Défense avait approuvé un rapport plaidant en faveur de la construction de deux nouveaux porte-avions.

« La décision de construire un deuxième porte-avions de nouvelle génération n’a pas à être prise dans le cadre de la LPM en cours mais elle devrait l’être pour la LPM suivante [post-2025]. Cette décision aurait évidemment un coût, mais elle permettrait de bénéficier d’économies d’échelle sur le coût des études. Ces économies d’échelle sont probablement assez importantes. Elles pourraient être de l’ordre de 30 % à 40 % du coût total [à confirmer par les études réalisées] » avaient en effet expliqué les sénateurs Olivier Cigolotti et Gilbert Roger.

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