Pour le secrétaire de l’US Air Force, le don d’avions F-16 à l’Ukraine ne va « pas changer radicalement la donne »

À l’image de ce qui avait été fait pour les chars lourds de combat avec la « coalition Leopard », lancée à l’initiative de la Pologne et autorisée par l’Allemagne, le Royaume-Uni et les Pays-Bas ont proposé, la semaine passée, la création d’une « alliance internationale » afin de livrer les chasseurs-bombardiers F-16 de facture américaine, que l’Ukraine réclame depuis le début de la guerre avec la Russie.

Alors que la Royal Air Force [RAF] n’a jamais possédé de F-16, le ministre britannique de la Défense, Ben Wallace, a expliqué que cette « coalition » doit être d’abord vue comme un « signal » adressé à la Russie pour lui faire savoir que « nous n’avons pas d’objection de principe à fournir à l’Ukraine les capacités dont elle a besoin ».

Dans le même temps, plusieurs pays ont proposé de former des pilotes de chasse ukrainiens, y compris ceux qui ne disposent pas de F-16 [comme la France et le Royaume-Uni] ou qui n’en ont plus, comme l’Italie [qui en avait loué 34 exemplaires entre 2003 et 2012].

Seulement, le projet de livrer des F-16 à la force aérienne ukranienne était alors suspendu à un feu vert de l’administration américaine, celle-ci ayant été jusqu’alors réticente devant l’éventualité d’un tel transfert.

« Non, il [M. Zelenski] n’a pas besoin de F-16 maintenant. […] Il n’y a aucune base pour justifier, à l’heure actuelle, et selon le Pentagone, la livraison d’avions F-16 » à l’Ukraine, avait en effet insisté le président américain, Joe Biden, lors d’un entretien accordé à ABC News, le 23 février dernier.

Deux mois plus tard, avant la tenue du G7 à Hiroshima [Japon], M. Biden a changé d’avis… Sans doute sous la pression exercée par les Européens. En effet, celui-ci a assuré son « soutien à une initiative commune visant à entraîner des pilotes ukrainiens sur des avions de combat de quatrième génération, y compris des F-16 ». Cependant, il n’est pas question pour l’US Air Force de se séparer de ses appareils… En clair, les chasseurs-bombardiers destinés à l’Ukraine seront prélevés dans les stocks des pays européens qui en sont dotés.

Cette décision a été prise après que le président ukrainien, Volodymyr Zelenski, a donné l’assurance à son homologue américain que les F-16 ne seraient pas utilisés pour mener des frappes en Russie. « Les États-Unis ne facilitent pas, et ne soutiennent pas, des attaques sur le sol russe » et « les Ukrainiens ont constamment indiqué qu’ils sont prêts à respecter cette position », a en effet expliqué Jake Sullivan, le conseiller à la sécurité nationale de M. Biden.

Quoi qu’il en soit, et signe que la décision de Washington a été anticipée, la formation de pilotes ukrainiens sur F-16 a d’ores et déjà commencé en Pologne, à en croire Josep Borrell, le Haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité.

« Je suis heureux qu’enfin la formation des pilotes pour les F-16 ait commencé dans plusieurs pays, en Pologne par exemple. Elle prendra du temps, mais le plus tôt sera le mieux », a en effet affirmé M. Borrell, à l’ouverture d’une réunion des ministres de la défense de l’UE à Bruxelles, ce 23 mai.

Au passage, une note de l’US Air Force, récemment évoquée par Yahoo News, estime que quatre mois seraient nécessaires à des pilotes chevronnés pour maîtriser le chasseur-bombardier américain… Cependant, rien n’a été dit au sujet du maintien en condition opérationnelle [MCO] des avions, des infrastructures nécessaires à leur mise en oeuvre, de la formation des techniciens et de la chaîne d’approvisionnement à mettr en place.

Par ailleurs, et alors que Moscou a prévenu que les pays susceptibles de livrer des F-16 à l’Ukraine s’exposeraient à des « risques colossaux », on ignore encore d’où proviendront les avions promis à la force aérienne ukrainienne, qui espère en obtenir plusieurs dizaines. La Belgique ayant indiqué que les siens étaient trop usés, les Pays-Bas et le Danemark pourraient livrer ceux qu’ils ont récemment retirés du service. Quant à la Norvège, elle a déjà revendu une partie des siens à la Roumanie… Et le Portugal entend garder ceux qui lui restent, de même que la Pologne.

Cela étant, et même si des F-16 ne pourront que renforcer les capacités des forces ukrainiennes [celles-ci ne reposent actuellement que sur des avions de conception soviétique, ndlr], le secrétaire à l’US Air Force, Frank Kendall, a mis un bémol lors d’une table ronde avec des journalistes, organisée par le Defence Writers Group, le 22 mai.

Les F-16 « donneront aux Ukrainiens une capacité supplémentaire qu’ils n’ont pas en ce moment » mais ils « ne vont pas changer radicalement la donne au nveau de leurs capacités militaires totales », a en effet estimé M. Kendall.

« Ils ne modifieront pas fondamentalement l’équilibre des forces dans la guerre. Avec des défenses aériennes au sol efficaces dans les deux camps, la puissance aérienne n’a pas joué un rôle décisif dans l’invasion de l’Ukraine par la Russie », a ensuite fait valoir M. Kendall. « Les avions de combat ont donc été utilisés de manière assez limitée », a-t-il continué, avant de souligner que d’autres armes livrées à l’armée ukrainienne, comme les systèmes HIMARS et les missiles antichars Javelin, ont en revanche été « incroyablement utiles » pour contrecarrer les plans russes.

Cependant, M. Kendall voit beaucoup plus loin que la cession de F-16 d’occasion à Kiev. « L’Ukraine restera une nation indépendante. Il va lui falloir une gamme complète de capacités militaires. Il est donc temps de réfléchir à plus long terme » sur ce dont aura besoin l’armée ukrainienne, a-t-il dit.

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