Faute de pièces détachées, la marine argentine retire officiellement ses avions Super Étendard du service

Les quatorze avions d’attaque embarqués Super Étendard acquis par l’Argentine à la fin des années 1970 et mis en oeuvre par la 2e Escuadrilla Aeronaval de Caza y Ataque s’illustrèrent lors de la guerre des Malouines [ou Falkands] en coulant deux navires de la Royal Navy avec leurs missiles AM39 Exocet, dont le « destroyer » HMS Sheffield [le 10 mai 1982] et le bâtiment logistique Atlantic Conveyor [le 25 mai].

Puis, au fil temps, faute de pouvoir assurer leur maintenance en raison d’un approvisionnement rendu compliqué par le Royaume-Uni, ces Super Étendard se trouvèrent cloués au sol. Pour autant, la marine argentine [Armada de la República Argentine] ne renonça pas à les faire de nouveau voler.

Et, en 2018, à l’occasion d’une visite officielle en France du président argentin, qui était alors Mauricio Macri, un accord fut signé pour la livraison de cinq Super Étendard Modernisés [SEM] récemment retirés du service par la Marine nationale, qui venait de passer au « tout Rafale ». D’une valeur de 14 millions d’euros, ce contrat comprenait la fourniture d’un simulateur de vol et de pièces détachées.

Pour l’Aviación Naval Argentina, cet achat était censé la doter de nouvelles capacités. En effet, par rapport aux Super Étendard qu’elle possédait alors, ces cinq SEM pouvaient être équipés d’une nacelle de désignation laser Damoclès et emporter des bombes guidées GBU-49 de 250 kg et GBU-58 de 125 kg. En outre, ils étaient dotés d’un poste crypté Saturn Have Quick, d’un transmetteur de flux Vidéo Rover, d’une radio VHF/FM pour la communication avec les troupes au sol et d’une planchette de navigation Fightacs.

Évidemment, ce contrat pouvait passer pour une très bonne affaire. Sauf que ces SEM, acheminés en Argentine aux frais de Buenos Aires, n’ont jamais volé sous leurs nouvelles couleurs, faute de pouvoir obtenir certaines composants, à commencer par les sièges éjectables Martin Baker Mk 4A, ceux-ci faisant l’objet d’un veto britannique.

Cinq ans plus tard, le ministre argentin de la Défense, Jorge Taiana, a tiré les conséquences de cette situation. En effet, le 17 mai, à l’occasion du 209e anniversaire de la marine argentine, il a annoncé le retrait du service de l’ensemble des Super Étendard de l’Aviación Naval Argentina [les 11 restants de la première commande et les cinq SEM].

Pourtant, il aurait sans doute été possible de trouver des sièges éjectables auprès de l’entreprise Task Aerospace, qui en produit en s’affranchissant d’éventuelles restrictions britanniques… Mais cela n’aurait réglé le problème pour d’autres pièces détachées que la France, selon M. Taiana, n’est plus en mesure de fournir parce qu’elles ne sont plus fabriquées.

La décision argentine met donc officiellement un terme définitif à la longue carrière opérationnelle du Super Étendard…

Cela étant, l’histoire n’est sans doute pas terminée… Et c’est devant les tribunaux que le Super Étendard pourrait faire encore parler de lui. En effet, en octobre dernier, l’achat des cinq SEM d’occasion auprès de la France a été dénoncé par le Receveur général de la Nation [Sigen] et l’Office anti-corruption s’en est saisi.

Ces avions « n’étaient pas en état de vol et leur potentiel restant était déjà assez faible. C’est la raison pour laquelle la marine française avait cessé de les utiliser », fit ainsi valoir le Sigen. Et d’ajouter : « Plusieurs rapports préliminaires de la marine argentine qui mettaient en garde sur la nécessité de garantir certaines pièces de rechange avant de finaliser l’achat n’ont pas été pris en compte dans la transaction ».

« Ces cinq avions ont été achetés alors qu’ils n’étaient pas en état de voler », avait alors déploré M. Taiana, selon des propos rapportés par l’agence de presse TELAM à l’époque. « Il y a une enquête de l’Office anti-corruption, nous leur avons envoyé tout le matériel que nous avons rassemblé », avait-il ajouté, précisant que ce dossier avait retenu son attention dès son arrivée au ministère, en août 2021.

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