Le Royaume-Uni et la Norvège ont noué un partenariat « stratégique » pour protéger leurs infrastructures sous-marines

D’après une enquête publiée par plusieurs médias nordiques [le norvégien NRK, le danois DR, le suédois SVT et le finlandais Yle] en avril dernier, la Russie aurait cartographié les infrastructures critiques situées dans les eaux d’Europe du Nord depuis plus dix ans, via des navires supposés faire de la recherche scientifique et des chalutiers dont la pêche n’était pas la principale activité… Et probablement que des sous-marins ont également été utilisés.

Si, ces dernières années, il a souvent été question du navire océanographique « Yantar », de la Direction principale de la recherche en eaux profondes [GUGI] de la marine russe, en raison de sa présence signalée près des câbles de télécommunication sous-marins, cette enquête a évoqué d’autres bateaux au comportement suspect, comme l’Amiral Vladimirsky.

Rattaché à la flotte russe de la Baltique, ce navire de recherche océanographique s’est récemment intéressé aux parcs éoliens situés au large du Danemark et du Royaume-Uni, suggérant qu’il cherchait à reconnaître leurs infrastructures énergétiques. Autre bateau suspect : le chalutier « Taurus ». D’après les médias nordiques, son historique de navigation a montré qu’il « pêchait » dans des endroits inhabituels, de préférence vers les installations militaires et à proximité des zones d’exercices navals de l’Otan.

Au total, au moins 50 navires civils russes seraient impliqués dans ces activités d’espionnage, selon l’enquête [dont les conclusions ont été démenties par Moscou]. En janvier 2022, l’un d’eux a ainsi effectué pas moins de 130 passage au-dessus du point de rupture d’un câble de télécommunication reliant Andøya à l’archipel de Svalbard, qui accueille une station servant à collecter les données obtenues par les satellites à orbites polaires.

Quoi qu’il en soit, le sabotage des gazoducs NordStream 1 et NordStream 2, en septembre 2022 [l’enquête menée par le Danemark, la Suède et l’Allemagne est toujours en cours, ndlr], a souligné la vulnérabilité des infrastructures sous-marines.

Si plusieurs de leurs membres en déjà pris la mesure [comme la France, qui a élaboré une stratégie dans ce domaine], l’Otan et l’Union européenne ont annoncé leur intention de nouer une coopération afin de mieux protéger les infrastructures critiques, qu’elles soient sous-marines ou non.

Puis, en février dernier, l’Otan a créé une « cellule de coordination pour les infrastructures sous-marines critiques », dont la direction a été confiée au général allemand [en retraite] Hans-Werner Wiermann.

« L’Otan considère que la protection des infrastructures sous-marines critiques est essentielle pour notre défense et notre sécurité », a ainsi expliqué Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’organisation, lors d’une rencontre avec des opérateurs des secteurs de l’énergie et des communications, le 4 mai dernier.

Et d’ajouter : « On estime que 10’000 milliards de dollars de transactions financières transitent chaque jour par le réseau de câbles sous-marins, deux tiers de la production mondiale de pétrole et de gaz est extraite en mer ou transportée par des moyens maritimes, et près de 95 % des flux mondiaux de données passent par ces câbles ».

Cela étant, proches alliés et partageant une frontière maritime en mer du Nord, le Royaume-Uni et la Norvège ont l’intention d’accroître leur coopération militaire afin de protéger leurs infrastructures sous-marines respectives. À cette fin, les ministres de la Défense des deux pays [Ben Wallace et Bjørn Arild Gram] ont signé un accord de partenariat « stratégique », le 18 mai.

« L’utilisation croissante des fonds marins dans l’énergie et la communication crée davantage d’opportunités pour des adversaires de menacer les infrastructures sous-marines nationales critiques, comme on l’a vu avec les dégâts sur le gazoduc Nord Stream », a expliqué le ministère britannique de la Défense [MoD].

En outre, M. Wallace a confirmé les résultats de l’enquête des médias nordiques. « Les Russes ont un programme naval spécifique conçu à la fois pour examiner et potentiellement saboter ou attaquer des infrastructures nationales critiques appartenant à ses adversaires » et ils « disposent d’un certain nombre de sous-marins et de bateaux espions dédiés », a-t-il dit. « Nous devons être vigilants quant à nos vulnérabilités » et face « au programme délibéré dans lequel les Russes ont investi, nous devons faire de même », a-t-il ajouté.

À noter que la Royal Navy disposera prochainement de nouvelles capacités dédiées aux fonds marins. Depuis octobre, Londres mène le programme MROS « Multi-Role Ocean Surveillance », lequel prévoit l’acquisition de deux bâtiments dédiés à la maîtrise des grands fonds. Le premier, le navire de construction offshore Topaz Tangaroa, a été racheté à la compagnie émirienne Topaz Energy and Marine en janvier dernier. Armé par la Royal Fleet Auxiliary, il devrait être opérationnel dès l’été prochain, sous le nom de « RFA Proteus ». Dans le même temps, une procédure a été lancée pour doter la marine britannique de véhicules sous-marins télécommandés capables de manipuler des objets et de prendre des images en haute résolution à une profondeur de 6000 mètres.

Photo : Le futur RFA « Proteus » – Alf van Beem / Domaine public

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