L’Armée royale néerlandaise envisage de réactiver des bataillons de chars

Au début des années 2010, dans un contexte marqué par les crises de l’euro et de la dette, les Pays-Bas accentuèrent la dégringolade de leurs dépenses militaires, amorcée depuis la fin de la Guerre Froide. Et la cure d’austérité fut sévère pour les forces armées royales néerlandaises, celles-ci ayant dû supprimer 12’000 postes [sur 69’000 à l’époque] et renoncer à plusieurs capacités. Ainsi, l’armée royale néerlandaise fut par exemple contrainte de se débarrasser de ses derniers Leopard 2, ce qui profita à la Finlande, qui en récupéra une centaine pour 200 millions d’euros.

Seulement, le retour de la menace dite de la force à partir de 2014, avec l’annexion de la Crimée par la Russie, et l’émergence de l’État islamique au Levant, il apparut que les coupes budgétaires avaient été au-delà du raisonnable. Au point d’en inquiéter l’Otan qui, en 2016, estima que les forces néerlandaises avaient perdu leur « employabilité » en raisons de leurs pertes capacitaires.

Et, un an plus tard, le Conseil consultatif [AIV] du gouvernement néerlandais rendit un rapport très sévère sur la politique de défense du pays. « Bien que la situation sécuritaire s’est gravement détériorée au cours de ces dernières années, à la suite des menaces venant de Russie, du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, l’état de préparation opérationnelle des forces armées [néerlandaises] s’est encore détérioré », avait déploré Joris Voorhoeve, l’un des auteurs de ce document.

Cela étant, les Pays-Bas prirent quelques mesures afin de préparer une éventuelle remontée en puissance. Dont une ayant consisté à louer dix-huit Leopard 2A6 afin d’en équiper un escadron devant être inséré au sein d’une unité allemande, en l’occurrence le Panzerbataillon 414, elle-même subordonnée à la 43e Brigade mécanisée néerlandaise. Et cela permit à l’Armée royale néerlandaise [Koninklijke Landmacht] d’envoyer des chars en Lituanie, dans le cadre de l’Otan, en août 2021.

« Les chars demeurent essentiels, même lors des missions à l’étranger. […] Vous avez besoin de ses capacités – la puissance de feu, la mobilité, la protection – pour dominer un adversaire sur le terrain », expliqua, à l’époque, le général Mart De Kruif, alors chef d’état-major de la Koninklijke Landmacht.

Désormais, il s’agit d’aller encore plus loin. D’autant plus qu’il n’est plus question de contraintes budgétaires, l’invasion de l’Ukraine par la Russie ayant incité le gouvernement néerlandais à augmenter significativement ses dépenses militaires, avec un effort de 5 milliards d’euros supplémentaires annoncé en 2022 [soit une hausse de 40% par rapport aux 12,4 milliards d’euros initialement prévus].

Et cette tendance n’étant visiblement pas près de s’inverser, de nouvelles perspectives s’ouvrent pour la Koninklijke Landmacht… qui envisage désormais, selon le quotidien De Telegraaf, de réactiver des bataillons de chars. Et cela, avec l’appui de plusieurs partis membres de la majorité à la Chambre des représentants.

« Il ne s’agit plus de savoir si nous aurons à nouveau des chars, mais quand », a ainsi déclaré Peter Vastar, député du Parti populaire pour la liberté et la démocratie [VVD], dont est issu Mark Rutte, le Premier ministre néerlandais. « Nous devons être capables de défendre notre propre territoire. Si cela inclut les chars, je suis tout à fait d’accord », a abondé Nico Drost, de l’Union chrétienne [CU], membre de la coalition gouvernementale.

La réactivation de bataillons de chars est « une évolution logique compte tenu des retours d’expérience en Ukraine mais aussi du fait de l’augmentation considérable du budget de la Défense », a fait valoir M. Vaster, par ailleurs spécialiste des questions militaires au VVD. Les Pays-Bas « ont été trop laxistes en matière de défense », a-t-il estimé. « Heureusement, nous avons fait un bon pas et de l’argent a été ajouté au cours des dix dernières années. Sous cette coalition, cinq milliards supplémentaires ont même été structurellement ajoutés, ce qui a triplé le budget », a-t-il souligné.

Reste à voir le modèle de char que les Pays-Bas retiendront s’ils vont au bout de cette logique… Le Leopard 2A8 tient évidemment la corde… D’autant que, d’après Business Insider Deutschland, Berlin envisage d’en commander 141 exemplaires auprès de Krauss-Maffei Wegmann [KMW], non seulement pour la Bundeswehr mais aussi pour d’éventuels partenaires internationaux.

Par ailleurs, l’Armée royale néerlandaise va également récupérer la capacité de frappe à longue portée qu’elle avait cédée à la Finlande au début des années 2000 avec l’achat annoncé de vingt lance-roquettes PULS [Precise and Universal Launch System] auprès du groupe israélien Elbit Systems.

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