LPM 2024-30 : Le ministère des Armées va accélérer le projet de satellites d’observation IRIS

Actuellement, les capacités en matière de renseignement d’origine image [ROIM] depuis l’espace des forces françaises reposent sur la constellation CSO [Composante Spatiale Optique], issue du programme MUSIS [Multinational Space-based Imaging System for Surveillance, reconnaissance and observation].

Pouvant prendre des clichés en très haute résolution [THR], le premier satellite, CSO-1, fut placé sur une orbite héliosynchrone phasée, à 800 km d’altitude, en décembre 2018. Deux ans plus tard, une fusée Soyouz décolla du Centre spatial guyanais [CSG] avec CSO-2 à son bord. Cet engin vole à 480 km d’altitude, afin de fournir des images dites EHR [Extrême Haute Résolution].

Quant à CSO-3, qui doit rejoindre CSO-1, il n’est toujours pas opérationnel… faute de lanceur, la coopération spatiale avec la Russie ayant été suspendue après le début de la guerre en Ukraine. Cela étant, lors de la séance des questions au gouvernement, à l’Assemblée nationale, le 16 mai, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a confirmé qu’il serait mis en orbite en 2024, par une fusée Ariane 6 [sous réserve, toutefois, que ses ennuis techniques soient réglés].

Quoi qu’il en soit, le rapport mis en annexe du projet de Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30 précise que deux satellites CSO seront encore opérationnels à l’horizon 2030. Ce qui est logique étant donné que CSO-1 ne devrait plus être en service à cette échéance, sa durée de vie étant de dix ans.

Cela étant, le texte prévoit que les deux CSO restants seront remplacés d’ici 2035 par deux satellites issus du programme IRIS, pour lequel des études ont été lancées en 2019. Selon le chef d’état-major de l’armée de l’Air & de l’Espace [CEMAAE], le général Stéphane Mille, cette nouvelle constellation « permettra d’améliorer globalement notre taux de revisite et de bénéficier d’une meilleure résolution ainsi que du recueil d’un nombre d’images plus important ».

Le programme IRIS a été confié par la Direction générale de l’armement [DGA] à Airbus Space et à Thales Alenia Space [TAS]. Le premier satellite aura une capacité dite EHRmin et sera doté de miroirs en carbure de silicium. Quant au second, dit EHRmax, il devrait être beaucoup plus performant que les CSO actuels, même si sa technologie sera plus « classique ».

Or, depuis la publication du projet de LPM 2024-30… et l’adoption de ce dernier par la commission de la Défense de l’Assemblée nationale, la semaine passée, le ministère des Armées a revu ses priorités… et décidé d’accélérer le programme IRIS. C’est en effet ce qu’a aussi annoncé M. Lecornu aux députés.

« La semaine prochaine, je vais pouvoir porter un amendement du gouvernement à la Loi de programmation militaire qui va permettre d’inscrire un satellite supplémentaire, IRIS […] sans attendre 2030-2035 », a déclaré le ministre. « C’est une bonne nouvelle pour notre souveraineté et pour notre service de renseignement », a-t-il ajouté. Reste donc à voir quel autre programme sera impacté par cette décision… puisqu’il faudra bien trouver les fonds nécessaires pour la financer.

Pour rappel, selon le projet de LPM 2024-30, il est question d’investir 6 milliards d’euros dans le renouvellement des capacités spatiales.

« Les moyens de communication seront appuyés par une constellation de connectivité sécurisée et multi-orbites européenne. Nos capacités de surveillance de l’espace exo-atmosphérique seront accrues afin de détecter et attribuer un acte suspect ou agressif dans l’espace. Un centre de commandement, de contrôle, de communication et de calcul des opérations spatiales [C4OS] disposera des moyens pour piloter les actions vers, dans, et depuis l’espace. Les technologies différenciantes, renforcées de manière souveraine ou en partenariat, privilégieront la défense active pour protéger nos moyens en orbite basse, le renforcement de la connectivité, le renseignement et le lancement réactif », précise le texte.

Par ailleurs, s’agissant des satellites de communication [SATCOM] en orbite géostationnaire, le second engin de la constellation Syracuse 4 sera lancé le 16 juin prochain par une fusée Ariane 5. Quant au troisième qui était initialement prévu, Syracuse 4C, il ne figure pas dans le projet de LPM 2024-30. En revanche, des études « pour la construction de la génération Syracuse 5 » seront lancées, a assuré M. Lecornu.

« Il y a des pistes de travail actuelles sur des constellations en orbite basse ou des achats de service » mais « on garde dans notre cœur de souveraineté sur les gros satellites en orbite haute notre propre savoir-faire », a-t-il précisé.

Lors de sa dernière audition parlementaire, le général Mille s’en était expliqué. « Les réflexions se sont portées sur la constellation de connectivité sécurisée et multiorbite européenne Iris 2 [à ne pas confondre avec les satellites d’observation du même nom, nldr]. Nous visons une meilleure couverture et une meilleure latence, ce qui est important pour notre futur cloud de combat, ainsi qu’une plus grande résilience. Cette constellation complétera nos moyens souverains, avec un noyau étendu qui garantira notre accès à la Satcom », avait-il dit.

Et d’ajouter : « Les constellations qui évoluent en orbite basse ont aussi des avantages. Les deux sont complémentaires pour assurer l’efficacité et la redondance dont les armées ont besoin. Mettre tous nos objets sur l’orbite géostationnaire serait à mon sens dangereux ».

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