M. Lecornu incite Airbus à « regarder de très près » les perspectives de l’A400M à l’exportation

En 2010, quand il fallut sauver le programme d’avion de transport européen A400M « Atlas », alors affecté par des retards et des surcoûts liés à des difficultés techniques, les sept pays clients [France, Royaume-Uni, Allemagne, Espagne, Belgique, Luxembourg et Turquie] acceptèrent de remettre la main au portefeuille en accordant une rallonge financière de 3,5 milliards d’euros à Airbus Military, dont une partie sous forme d’avances remboursables gagées sur les futures exportations de cet appareil.

À l’époque, et selon des projections jugées optimistes par certains, l’industriel estimait pouvoir exporter entre 400 et 500 A400M dans les années à venir. Et, effectivement, plus de dix ans plus tard, le bilan est maigre… avec seulement deux commandes reçues, l’une de la part du Kazakhstan [deux appareils], l’autre notifiée par l’Indonésie [deux exemplaires avec quatre autres en option].

Dans le même temps, si certains clients sont susceptibles de revoir leur commande à la hausse [tel est par exemple le cas du Royaume-Uni, qui va hâter le retrait de ses C-130J Hercules], d’autres ont fait part de leur intention de la réduire, à l’image de l’Espagne, où l’’Ejército del Aire y del Espacio se contenterait de 13 ou 14 avions sur les 27 envisagés à l’origine. À ce sujet, Madrid pourrait en revendre une partie à la force aérienne sud-coréenne, visiblement très intéressée par l’Atlas.

Quant à la France, elle est entre deux eaux… En effet, selon le projet de Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30, l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE] devrait compter « au moins » 35 A400M à l’horizon 2030/35… alors qu’il était initialement prévu d’acquérir 50 exemplaires. Et cela peut poser des soucis au niveau du plan de charge des des lignes de production d’Airbus…

« A400M : socle à 35. Ça veut dire que pour nos besoins militaires, l’armée de l’Air & de l’Espace estime, au moment où nous nous parlons, qu’avec 35 appareils, nous sommes capables de remplir la plupart des missions. Quand je dis ‘socle’, ça veut dire que dans les revoyures que je vous ai proposées, il faudra évidemment se poser la question si on augmente ou pas », a ainsi expliqué Sébastien Lecornu, le ministre des Armées, aux sénateurs de la commission des Affaires étrangères et de la Défense, ce 3 mai.

Devant les députés, début avril, le général Stéphane Mille, chef d’état-major de l’armée de l’Air & de l’Espace [CEMAAE], avait expliqué que, avec ces 35 A400M, l’aviation de transport tactique serait en mesure de transporter cinq fois plus de fret avec deux fois moins d’avions qu’en 2012.

Et d’ajouter :  » L’A400M est dimensionné pour un contrat. Le format se situe entre le besoin en temps de paix et le besoin en pic de la projection de l’échelon national d’urgence [ENU]. Soit on pousse plus loin pour être autonomes à 100 %, ce qui fait probablement trop au quotidien, soit on dimensionne trop bas, ce qui empêche de faire face aux ‘coups de bourre’ : tout l’enjeu est là. Les besoins de l’ENU ont d’ailleurs évolué, qu’il s’agisse du volume de personnel à déployer ou des masses – les systèmes sont de plus en plus lourds. C’est ce qui explique que la masse que nous pouvons déployer ait été multipliée par cinq entre 2012 et aujourd’hui ».

Quoi qu’il en soit, ces réductions ou ces étalements de commandes ne font pas les affaires d’Airbus. Aussi, M. Lecornu a clairement invité l’industriel à être plus actif pour exporter l’A400M.

« Je souhaite, et je le dis publiquement, qu’Airbus regarde de très près les perspectives à l’export. Je le dis parce que quand on regarde ce qu’il s’est passé à Kaboul et à Karthoum, on voit bien que […] l’A400M st un vecteur absolument formidable pour ce genre d’opération [l’évacuation de ressortissants ou RESEVAC, ndlr] et qu’il permet en plus de lutter contre la tyrannie de l’éloignement, y compris pour nos outre-Mer », a développé le ministre qui, au passage a confirmé que, parmi les 35 « Atlas », certains « vont être dédiés aux seuls territoires d’outre-Mer ».

Cela étant, M. Lecornu a précisé que la cible finale de 50 A400M pour l’AAE serait toutefois maintenue. Savoir quand elle sera atteinte est une autre histoire… En tout cas, il a dit souhaiter « pour les lignes de production que l’on puisse lever quelques options à l’exportation ». Et de laisser entendre que d’éventuels contrats ne tarderaient pas être signés. « J’ai déjà des intuitions ou des idées et je souhaite que l’on puisse les concrétiser », a-t-il affirmé, sans donner plus de détails.

Mais il n’a pas non plus répondu à la question de la sénatrice Hélène Conway-Mouret, qui l’a interrogé sur les freins mis par l’Allemagne à l’exportation de l’A400M… Freins dénoncés par Airbus en février dernier. « Plusieurs pays sont intéressés par l’A400M. Malheureusement, nous avons des difficultés à obtenir les licences d’exportation allemandes à temps », avait en effet déploré Michael Schoellhorn, le Pdg d’Airbus Defence & Space, en février dernier.

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