La DGA n’exclut par une solution « souveraine » pour la future capacité de feux dans la profondeur de l’armée de Terre

L’automne dernier, le général Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], avait insisté sur la nécessité de remplacer les Lance-roquettes unitaires [LRU] du 1er Régiment d’Artillerie d’ici 2027, c’est à dire avant leur arrivée en fin de vie. Et le renouvellement de cette capacité était d’autant plus important que les retours d’expérience [RETEX] de la guerre en Ukraine en soulignait l’importance. En outre, sur les treize systèmes en dotation, deux étaient sur le point d’être cédés aux forces ukrainiennes.

D’après le rapport mis en annexe du projet de Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30, les préoccupations exprimées par le général Schill ont été prises en compte puisqu’il y est en effet question de doter l’armée de Terre « d’au moins » treize nouveaux systèmes de frappes dans la profondeur d’ici 2030… et de porter cette dotation à 26 exemplaires à l’horizon 2035.

Cela étant, le sujet du remplacement des LRU n’est pas nouveau. En janvier 2021, dans une réponse à une question écrite d’un député, le ministère des Armées avait expliqué que le renouvellement de cette capacité allait se faire dans le cadre d’un « dialogue » avec l’Allemagne [alors dotée d’un système similaire], tout en soulignant les projets européens FIRES [Future Indirect fiRes European Solutions] et E-COLORSS [European COmmon LOng Range indirect Fire Support System], le second devant permettre de « préparer une solution européenne pour le remplacement du châssis et de la conduite de tir LRU à l’hozizon 2030 ».

La guerre en Ukraine a modifié ces plans… Ainsi, en Allemagne, Krauss-Maffei Wegmann s’est associé à l’israélien Elbit Systems pour proposer un lance-roquette multiple « européen », basé sur le PULS [Multi-Purpose Universal Launching System ou système de lancement universel polyvalent]. Lequel PULS a récemment été choisi par le Danemark et les Pays-Bas. De son côté, Rheinmetall a conclu un accord avec Lockheed-Martin pour produire le M142 HIMARS [High Mobility Artillery Rocket System].

Si autre solution – le K239 Chunmoo sud-coréen, déjà choisi par la Pologne – est sur le marché, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, n’a évoque que le M142 HIMARS pour remplacer le LRU.

« Le principe est qu’on achète français mais il y a toujours eu des exceptions depuis le début de la Ve République », avait dit le ministre, à l’occasion d’une audition parlementaire, en janvier dernier. Et, citant le LRU, « qui n’est pas de marque française », son « remplaçant est plutôt le HIMARS », avait-il ajouté.

À l’Assemblée nationale, le 2 mai, le Délégué général pour l’armement [DGA], Emmanuel Chiva, a confirmé l’intérêt pour le M142 HIMARS… tout en esquissant une possible solution « souveraine », qu’elle soit « nationale » ou « européenne ».

« Compte-tenu du retour d’expérience de l’Ukraine, cette modernisation de la capacité de frappe longue portée est évidemment indispensable, d’autant plus que cette capacité LRU française arrive dans les dernières étapes de son cycle de vie et sera bientôt frappée d’obsolescence. Et nous acccentuons cela avec la cession d’un certain nombre de systèmes à l’Ukraine. Donc, bien évidemment, nous avons des travaux en cours sur la détermination du réel besoin opérationnel », a d’abord expliqué M. Chiva.

Pour répondre à ce besoin, a-t-il poursuivi, « nous aurons deux solutions : une première qui consisterait à prendre sur étagère le HIMARS américain », qui a l’avantage d’être sur le marché mais qui « introduit un risque de dépendance », ou de « développer une solution souveraine nationale ou européenne » puisque « nous avons, dans notre Base industrielle et technologique de défense [BITD] des compétences qui existent dans ce domaine ».

Et M. Chiva de citer « MBDA, Ariane et Safran » avec qui la Direction générale de l’armement [DGA] est « déjà en discussion pour une solution nouvelle », laquelle présenterait « l’avantage de préserver notre souveraineté et également de renforcer notre base industrielle, qu’elle soit française ou européenne ».

Quoi qu’il en soit, selon M. Chiva, la décision se fera en fonction des délais et des coûts. « On va demander à nos industriels de faire leur meilleure proposition en fonction de l’expression des besoins pour une solution souveraine. Et nous aurons un point de passage en 2027 », a-t-il dit.

« En tout état de cause, ce qui est prévu, c’est d’avoir 600 millions d’euros consacrés à ce sujet sur la période de la LPM, avec 13 systèmes disponibles dès 2028 et une cible finale qui pourrait atteindre plusieurs dizaines », a ensuite indiqué le Délégué général pour l’armement. En tout cas, a-t-il conclu, « notre savoir-faire sur les programmes des segments de frappe longue portée ‘air’ et ‘naval’ pourrait nous apporter une technologie souveraine pour la frappe longue portée terrestre ».

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