Le Commissariat des armées développe de nouveaux matériels de campagne pour les forces en opération

Comme à chaque ouverture de théâtre, le déploiement de militaires français et belges en Roumanie, dans le cadre de l’opération « Aigle », lancée sous l’égide de l’Otan immédiatement après le début de la guerre en Ukraine, se fit dans des conditions d’hébergement « rustiques », celles-ci reposant d’ailleurs sur les capacités d’accueil du pays hôte.

« Le campement de Constanta a été construit à la hâte. Sur un champ, quatre tentes kaki en guise de poste de commandement. Un peu plus loin, les soldats belges et français sont abrités dans de grandes tentes blanches. Il y fait étouffant à l’intérieur et les lits de camp sont collés les uns aux autres. Les soldats utilisent des filets de camouflage comme séparateurs de ‘pièces’ [afin] d’avoir […] un peu d’intimité », avait ainsi décrit le quotidien Het Laatste Nieuws , en mars 2022.

Depuis, et afin d’accueillir un millier de soldats dans de bonnes conditions, un camp militaire a été construit à Cincu – et dans un temps record – par les les sapeurs des 19e et 31e Régiment du Génie, avec le renfort de leurs homologues roumains, belges et néerlandais. « Au total, plus de 6 hectares à flanc de colline ont été aménagés au profit des combattants de la mission Aigle, nécessitant 120’000 tonnes de matériaux. Une opération réussie, grâce à la bonne complémentarité du génie militaire et du service d’infrastructure de la défense », a ainsi fait valoir l’armée de Terre, au moment de son inauguration, en novembre dernier.

Cependant, et alors que les opérations françaises ont souvent été menées dans de pays chauds au cours de ces derniers années [même si l’Afghanistan connaît des hivers rigoureux…], cette ouverture de théâtre en Roumanie a donné à un retour d’expérience [RETEX], qui s’est traduit par une nouvelle feuille de route donnée au Service du Commissariat des Armées [SCA], celui-ci étant chargé de faire évoluer le soutien des forces dans trois domaines, à savoir l’équipement, l’alimentation « opérationnelle » [les besoins alimentaires n’étant pas les mêmes selon les milieux] et le matériel de campagne.

« Aujourd’hui, le point de départ de l’innovation est le besoin exprimé par les armées. Pendant longtemps, nous étions […] plutôt centrés sur les théâtres d’opération en zones chaudes. L’actualité nous a réorientés vers le flanc Est de l’Europe, ce qui nécessite une réévaluation constante et une adaptation du paquetage, tout en prenant en compte les évolutions technologiques », a résumé le commissaire général de deuxième classe [CRG2] Éric Neumann, le directeur du Centre interarmées du soutien équipements du Commissariat [CIEC], dans les pages du magazine « Soutenir ».

Ainsi, le paquetage a été revu et complété par de nouveaux effets « zone froide », censés protéger le combattant quand le thermomètre indique -21°c. Plus généralement, il s’agit de lui fournir « tous les effets » devant lui permettre « d’affronter tout type de météo dans n’importe quelle zone géographique et/ou relief ». Et cela peut se jouer sur des détails, comme la dotation de sur-bottes afin de facilter les déplacements dans la boue.

En tout cas, dès cette année, les militaires de l’armée de Terre pourront remiser au placard leur veste polaire, jugée trop lourde et trop encombrante, celle-ci devant être remplacée par une « veste thermique polyvalente » [VTP], dont 40’000 ont été commandées.

D’autres effets, encore en cours de « développement », comme les chaussures « grand froid », les sous-vêtements, les mouffles et les tours de cou, seront intégrés au paquetage commun. « Cette spécificité du vêtement ‘froid’ devient un enjeu majeur pour nos armées. La division ‘habillement » du CIEC opère une bascule stratégique de ses marchés ‘habillement’ afin de répondre au plus vite aux nouveaux besoins », explique un sous-officier du bureau « effets de combat ».

Outre le paquetage, les matériels « projetés » vont aussi évoluer. L’idée est de gagner en réactivité afin de fournir un « soutien de proximité » dès l’ouverture d’un théâtre. « Aujourd’hui, l’armée de Terre souhaite que l’on développe un nouveau concept d’emploi et une nouvelle gamme de produits pour être au plus près des forces. L’action militaire sera de plus en plus intense et le temps de repos de plus en plus court. Le soutien doit donc se rapprocher des forces », explique le commissaire en chef de première classe [CRC1] « Alexandre ».

Là, il s’agit de mettre au point des matériels à la fois « plus mobiles » afin d’accélérer leur déploiement. Ce sera ainsi le cas de la « cuisine de campagne », qui devra être opérationnelle dès l’arrivée des forces dans la zone d’opération, l’objectif étant de limiter – si ce n’est d’éviter – la consommation de rations de combat durant les premiers jours. Un prototype devrait être prêt dès cette année. Et en fonction du résultats des essais, un marché pourrait être notifié en 2027/28.

Les tentes vont aussi évoluer afin de tenir compte des conditions climatiques froides. « Un adaptation est en cours, afin d’y inclure une ‘surcouche' », précise Soutenir. D’une surface de 54 mètres carrés, la nouvelle tente de campagne aura ainsi une isolation renforcée et permettra d’abriter huit combattants [chacun ayant une chambre individuelle]. Elle pourra être montée en 10 minutes.

Quant l’alimentation [et outre la cuisine de campagne], le CIEC travaille à l’amélioration des rations de combat individuelle, notamment celles qui sont lyophilisées, qui permettent de réduire le poids du paquetage tout en ayant les mêmes caractéristiques nutritionelles que les « rasquettes » classiques.

Cela étant, un nouveau concept de restauration en opération est en cours de développement : celui de la ration collective [ou de groupe], qui doit permettre de nourrir 32 combattants pendant une journée [soit trois repas, avec le choix entre deux menus pour chacun d’entre eux. « Nous partons du principe que l’intérêt premier du militaire est la variété. La sécurité alimentaire est certes essentielle, mais la variété alimentaire et la convivialité le sont tout autant, voire même davantage, pour le moral de nos forces », a justifié le CRG2 Neumann.

Ces rations de groupe sont actuellement en phase d’expérimentation. Et les premiers retours sont positifs. Seulement, étant donné leur « poids logistique », elles ne seront pas forcément adaptées à toutes les missions.

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