M. Lecornu assure que les moyens de la Direction générale de la sécurité extérieure vont doubler d’ici 2030

En janvier, évoquant le projet de Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30 lors de ses voeux aux Armées, le président Macron avait annoncé une hausse substantielle des crédits alloués à la fonction « connaissance et anticipation ».

« Cette loi de programmation militaire à venir augmentera massivement les crédits de renseignement de près de 60 % au total, avec, entre autres le doublement du budget de la DRM [Direction du renseignement militaire] et de la DRSD [Direction du renseignement et de la sécurité de défense, contre-espionnage] », avait-il déclaré, sans toutefois citer la Direction générale de la sécurité extérieure, qui relève également du ministère des Armées.

Et en effet, le renseignement est l’un des grands gagnants du projet de LPM 2024-30, dévoilé le 4 avril dernier. Car outre les moyens dont devraient bénéficier les trois services concernés, il faut aussi prendre en compte les nouvelles capacités qui seront développés au profit de cette fonction « connaissance et anticipation », notamment dans le domaine spatial, avec les satellites « CELESTE » [Capacité ELEctromagnétique SpaTiaLE] et « IRIS » qui remplaceront ceux des constellations CERES Et CSO, les trois avions de guerre électronique « Archange », la charge ROEM [renseignement électromagnétique] des drones tactiques « Patroller » de l’armée de Terre, etc.

Évidemment, les investissements prévus pour ces programmes viendront s’ajouter aux 5 milliards d’euros inscrits dans le projet de LPM 2024-30 pour la DGSE, la DRSD et la DRM. Cependant, le texte n’est guère précis sur la finalité de ces crédits.

« Les défis technologiques actuels imposent des capacités d’exploitation renouvelées et une industrialisation des outils d’investigation numérique. La transformation des services se décline par les projets ambitieux en termes d’infrastructure, de fonctionnement interne et de dispositif de traitement des données de masse », est-il avancé le projet de LPM. Celui-ci indique que la DRSD « poursuivra le réaménagement de sa direction centrale au Fort de Vanves » et que la DGSE « concrétisera la réalisation de son nouveau siège moderne au Fort-Neuf de Vincennes ».

Et d’ajouter : « La mutualisation d’outils et de ressources entre services sera également renforcée. Les capacités humaines de recherche technique, de traitement de sources, d’exploitation du renseignement ou d’action nécessitent une ressource de plus en plus qualifiée, soumise à une concurrence exacerbée avec le secteur privé. Aussi, une attention renouvelée sera accordée à son recrutement et à sa fidélisation ».

Lors d’un entretien accordé au Journal du Dimanche [JDD], le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a donné quelques précisions. Et il en ressort que la hausse annoncée des crédits prévus pour le renseignement bénéficiera en grande partie à la DGSE.

D’abord, M. Lecornu a justifié ce nouvelle effort en faveur du renseignement par la multiplication des risques et des menaces. « On le voit avec l’Iran ou la Corée du Nord en matière de prolifération nucléaire et balistique, mais aussi avec la menace terroriste, qui n’a clairement pas disparu, et les questions hybrides d’espionnage industriel. Face à ces différentes menaces, singulièrement celle du terrorisme, nous avons beaucoup partagé avec nos alliés », a-t-il dit.

Cependant, a-t-il continué, « aujourd’hui, sur d’autres sujets de compétition, nous ne devons pas faire preuve de naïveté. Notamment parce que la France doit renforcer davantage son autonomie et sa souveraineté ». Et d’insister : « Ce cumul de menaces et de sauts technologiques couplé au défi de l’autonomie nous oblige à accroître nos capacités afin d’avoir une diplomatie et une stratégie de défense mieux éclairées ».

Quoi qu’il en soit, la DGSE sera la principale bénéficiaire des 5 milliards d’euros prévus par le projet de LPM pour le renseignement.

« Si la LPM est votée en l’état, elle permettra, avec celle qui l’a précédée entre 2017 et 2023, de multiplier par deux d’ici à 2030 les moyens dévolus aux trois services de renseignement sous ma tutelle », a souligné le ministre des Armées. « Jusqu’à présent, le budget de ces trois services était d’environ 500 millions d’euros par an en 2017. À la fin de la nouvelle LPM, nous serons à 1 milliard d’euros par an, soit plus de 5 milliards d’euros sur la période 2024-30, dont l’essentiel est fléché vers la DGSE », a-t-il ajouté.

En 2023, les crédits de la DGSE [hors masse salariale] doivent augmenter de 16,5%, pour s’établir à 476 millions d’euros. La hausse est plus nette [+67%] pour ceux de la DRSD, lesquels atteindront près de 60 millions d’euros [en crédits de paiement]. Quant à la DRM, qui relève du programme 178 « Préparation et emploi des forces », il est plus compliqué d’avoir des chiffres. En tout cas, ses ressources financières s’élevaient à 54,7 millions en 2021.

Le ministre a justifié cet effort en faveur de la DGSE par le fait qu’elle est la « locomotive technologique pour l’ensemble de la communauté du renseignement » et que cela suppose d’investir « sans cesse » pour « rester dans le peloton de tête des services de renseignement ».

« Aujourd’hui, il nous faut des serveurs [informatiques] capables de générer de la data [des données, ndlr] à très haut niveau, des ingénieurs pour les maintenir et des analystes capables de les exploiter », a soutenu M. Lecornu. « La DGSE participe […] à la détection des attaques cyber, à l’attribution de leur provenance, aux entraves et, le cas échéant, à la riposte en légitime défense », a-t-il continué.

« C’est ce qui explique que, d’ici à 2030, plus de 1000 emplois à temps plein [ETPT] seront crées par rapport à 2017, dont plus de 600 grâce à la nouvelle LPM », a-il souligné. « En 2030, les effectifs supplémentaires répartis sur ces trois agences porteront le total à plus de 10’000 agents, dont une très grande majorité à la DGSE », a conclu le ministre.

Cependant, encore faut-il pouvoir recruter… Un rapport du Sénat, publié en novembre 2022, a d’ailleurs souligné les difficultés de la DGSE en la matière, celle-ci faisant face à « un déficit de sous-officiers disponibles [le plafond d’emploi des armées étant lui-même tendu] et à un marché de l’emploi civil sous tension notamment dans le secteur des SIC ». Et selon ce document, les « moyens humains du renseignement extérieur vont ‘stagner’ en 2023 [avec même une légère baisse de 5723 ETPT en 2023 par rapport à 5’745 en 2022 – à un niveau inférieur à l’enveloppe cible fixée à 6’024 ETP », alors que la LPM 2019-2025 prévoit, à terme, un plafond d’emplois de 6200″. Le constat vaut aussi pour la DRSD…

Par ailleurs, et c’est une autre difficulté, dans de récents rapports qu’elle a publiés sur ses concours, la DGSE déplore l’hétérogénéité du niveau des candidats qui souhaitent rejoindre ses rangs, alors que ceux-ci « présentent des cursus universitaires de deuxième cycle, des passages par des grandes écoles comme Sciences Po ou par des préparations aux concours de la fonction publique [IPAG, CPAG ou prép’ENA] ».

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]